Judith (par Maëlle H.)

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Autant le dire tout de suite, je n’étais plus une jouvencelle quand j’ai rencontré Serge lors d’une soirée. Je sortais de mon deuxième divorce, qui m’avait laissé un goût amer. Fort heureusement, j’en avais également gardé une villa sur la côte bretonne et des parts dans l'une des plus grosses sociétés de production du pays.

Ce soir-là, une amie m’avait traînée au cœur de ces mondanités à la noix qu'elle aimait tant et je n’avais pas eu le cœur de la planter au dernier moment. J’avais quand même fourni un effort sur mon style, puisque je présentais à l’époque une émission qui cartonnait et que dans ce milieu, tu ne peux pas te permettre de montrer le moindre relâchement. Surtout pour une femme.

Je m’emmerdais donc, mais en robe moulante et talons hauts, quand un gars bien sapé, courtaud mais poli s’était pointé devant moi avec deux coupes.

— Un verre ? m’avait-il lancé sûr de lui.

On me l’avait faite cent fois celle-ci, cette drague qui puait les années quatre-vingt, mais il y avait chez lui quelque chose de touchant que je ne parvenais pas à expliquer. Il n’était pas vraiment beau mais je sentais qu’on pouvait s’entendre, au moins pour passer le temps, aussi j’acceptais.

Et notre histoire débuta ainsi.

J’ai tout de suite su qu’il m’avait choisie pour mon physique et non pour mon sens de la repartie, mais cela, à vrai dire, ne me gênait pas plus que ça. J’avais besoin de légèreté, de me distraire et Serge était parfait. Nous ne tardâmes pas à nous marier et la cérémonie fût sublime. Il y eut une énorme répercussion sur les audiences de mon émission, j'étais aux anges. J’aimais la vie avec Serge dans notre penthouse démesuré.

Nos ébats, passionnés au début se tarirent rapidement et je faisais chambre à part, bien contente de ne plus avoir à supporter son haleine acide et ses mains moites à tout bout de champs. Mais ce que j’aimais beaucoup chez lui, c’était son intelligence et son humour. Ce gars-là était brillant. Une conversation avec lui et je partais pour le septième ciel intellectuel, il me faisait beaucoup rire et, je me dois de le reconnaître, il avait une culture impressionnante.

Le plus gros défaut de Serge, qu’il garda jusqu’à la fin, aura été de continuellement me sous-estimer. Quel ironie !

Tout au long de notre relation il m’aura décrite comme une potiche providentielle pour lui, j’avais du succès, un beau décolleté, de l’argent. Il me pensait au mieux pas très fût-fût, voire carrément simple d’esprit.

Il n’aura jamais su le pauvre à quel point j’en ai profité, juste à côté de lui. Je savais que lui prenait des escorts pendant ses voyages et alors ? Au moins ça m’évitait de l’entendre gratter à ma porte à son retour. J’ai fait la même chose, sauf que moi, je n’ai jamais eu besoin de payer.

Et puis j’ai rencontré Olivier, un Adonis bien pourvu avec lequel j’ai connu mes meilleures parties de jambes en l’air. Un dieu du sexe. On s’en est donné à cœur joie. Il était mordu de one man show et je lui ai servi son propre spectacle sur un plateau d’argent. Je suis d’un naturel généreux que voulez-vous. Et plus il était heureux, plus il bandait, moi ça m’allait bien.

Cependant, au bout de quelques mois, le vent a tourné. Je connaissais bien Serge et je voyais comme il se crispait de plus en plus quand Olivier était là. Et cette façon de serrer les dents en permanence. Je le sentais pas, il se tramait un truc.

J’ai décidé d’anticiper les problèmes. D’abord je me suis occupé de notre contrat de mariage. Vous ne me croirez pas, mais j’avais réussi à trouver un presque sosie de Serge dans une agence. Au début le gars n’était pas chaud, mais bon, un acteur sans talent ça court après n’importe quels billets. Et je vous assure, devant le notaire, on aurait juré que c’était Serge qui signait en souriant pour la communauté universelle.

Ensuite j’ai embauché un privé pour filer Serge. Le mec travaillait avec un hacker comme il disent. Un gamin qui depuis sa chambre où devait encore trôner des poster de gosse, réussissait à entrer dans l’ordi de Serge et lire ses mails et voir quel genre de recherche il faisait sur internet. Au début, rien d’anormal, ça allait de gros lolo à gros cul, sacré Serge. Et puis un jour le privé m’appelle, il veut me voir tout de suite. La nouvelle recherche de Serge s’intitulait : tuer sa femme sans se faire gauler. Quel con ce Serge !

C’est comme ça que j’ai su pour la Jaguar.

Un soir, on a fait une fête en l’honneur du succès d’Olivier et Serge nous a fait boire comme des sacs. Enfin, moi je n’ai rien bu. Toutes les demi-heure j’allais aux toilettes en gloussant :

— J’ai envie de faire pipiii !

Je voyais serge me regarder en pensant que j’étais bien la dernière des gourdes. Une gourde qui vidait son verre dans la cuvette. J’attendais.

On a dit au revoir à Serge, je l’ai embrassé une dernière fois, c’était bien la moindre des choses tout de même. Et puis il est parti, en nous laissant les clés de la Jaguar, royal ! Il a commandé un taxi comme il le faisait toujours après quelques verres.

Le gamin avait piraté l’appli et le taxi en question était un mec de l’Est qui m’avait coûté fort cher.

On n’a jamais retrouvé Serge. Bien sûr on a évité la Jaguar.

Maintenant c’est la belle vie, l’émission cartonne encore plus depuis sa mort et je suis en train d’écrire un livre sur ma vie de veuve courageuse.

Allez, sans rancune et à la tienne Serge, à malin, malin et demi, non ?

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