18 Parc Maillol - Pour Tout
Jeudi 28 septembre.
— Mila, je peux entrer ?
— Bien sûr.
Mila est attablée sur un bureau improvisé par une planche en mélaminé blanc posée sur des tréteaux. Elle et Pepito sont dans les petits bureaux des pépinières Dubois, à l’extérieur de la ville.
Pepito l’interroge sur un chantier, Mila explique sa démarche, ses choix, et Pepito la félicite, puis Mila le remercie. Et quand Pepito demande pourquoi, elle répond : pour tout.
En fin d’après-midi, elle démarre l’Express en direction du parc auto.
Elle gare sa voiture, le tram est déjà là dans l’attente du départ comme un manège d’enfant. Le chauffeur lit son journal et Mila s’installe juste derrière lui, sur la place assise isolée. Elle sort son bouquin à la couverture cachée par un étui en patchwork de tissus imprimés : Stephan Zweig, 24 heures dans la vie d’une femme.
À la station Le Parc, elle sort.
Ce soir est un soir sans passage à la boulangerie, alors elle prend par le parc Maillol. Elle emprunte le lourd portail en fonte vert foncé de l’entrée principale et suit le chemin qui longe son flanc est. Passant près des deux cèdres du Liban centenaires, le petit lac, les chênes rouges d’Amérique aux couleurs extraordinaires et chaque jour différentes ces temps-ci. Puis elle sort à la porte est - la porte Giono -, traverse la voie de tramway, la route, et rentre chez elle.
Sept boîtes aux lettres. Six avec des noms inscrits derrière la petite fenêtre transparente et la sienne. Elle l’ouvre, prend le courrier, jette les pubs dans la poubelle et monte les quatre étages. En haut, un palier et une porte.
Mila met la clé, entre, appuie sur l’interrupteur.
Les volets sont ouverts sur une grande fenêtre à petits carreaux. La lumière est celle d’une lampe sur pied posée près de la télé. L’abat-jour est crème, le halo répandu est un peu fade sur le clic clac, unique meuble moelleux de la pièce. Elle pose sa besace sur une chaise de la table de la cuisine, allume son ordinateur et se connecte sur son site habituel de musique. Lizz Wright [1], dernier album.
Ensuite elle compose le programme de la soirée. Un sachet de salade verte, des lardons, des œufs, du lait, une pâte feuilletée toute prête : quiche lorraine !
Voilà pour ce soir.
Elle se déshabille, plie les vêtements proprement histoire de les remettre demain et prend une douche longue, chaude.
Et sans considération pour le miroir, elle se couvre, moitié pyjama, moitié jogging. Elle enfile une mauvaise paire de chaussettes de sport taille 43-47 coupées à l’élastique, et s’installe à sa table. Elle tire un grand cahier de la besace et poursuit le travail de l’après-midi. À l’odeur, elle sait la quiche prête. Elle s’en taille un large morceau, ajoute la salade, un filet d’huile d’olive, des couverts, son cahier et puis voilà. Une vie simple, sans grands besoins.[1] Lizz Wright est une chanteuse américaine des années 2005. Son style est un mélange de soul, jazz et pop. https://www.youtube.com/watch?v=fZDMyMOlB1w
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