76 Cité Fondée - Clématite et Bourguignonne

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Jeudi 16 Novembre 16 h.

Mila coupe le contact de sa voiture devant une maison des années 90.

La couleur du crépi a passé, pas de fumée de cheminée, pas de fenêtre ouverte. Le garage est fermé ; aucun moyen de savoir si quelqu’un est là ou non. Elle est contrariée.

La cabane de jardin délabrée est toujours là. Les rideaux de la cuisine ont été changés, ce ne sont plus les jaunes orangé, ceux-ci sont écrus. Enfin, entre le blanc et l’écru. La maison est calme, sereine.

Quelle ironie.

Rien qui ne permette d’envisager les tensions qui ont eu lieu ici. Les larmes, les cris. Personne ne peut témoigner. Rien n’a existé. Même parmi les arbres autour, aucun n’est tordu.

Elle contourne la cabane et, sur le mur est, soulève la tuile qui couvre le pied d’une clématite. Elle regarde la liane toute desséchée à cette saison et sourit. La grimpante a bien poussé. Elle gratte dans les feuilles mortes et trouve le petit pot de sauce bourguignonne. Elle l’ouvre en appuyant sur sa cuisse pour défaire le couvercle rouillé. Le pot contient encore les grains de riz intacts. De deux doigts elle extrait une clé, referme le pot et le remet à sa place sous la tuile.

Derrière les rideaux, aucun mouvement, aucun bruit. Elle avance vers le garage et introduit la clé dans la serrure, soulève la porte.

Une petite Citroën stationne. Quelqu’un doit donc être là. Elle ricane. Au vu de la taille de la voiture, cela doit être sa mère. Son père aurait une plus grosse bagnole.

Elle contourne la voiture et ouvre une porte en bois. Elle descend les marches de l’escalier raide vers la cave, traverse la pièce entourée d’établis et de caisses en plastique et retrouve les trois parpaings en béton qui permettent d’accéder au vide sanitaire. Elle rampe dans les 80 centimètres d’air libre couverts par la bâtisse, pliée en deux, vers l’un des angles des fondations. Il ne fait pas noir noir, les bouches d’aération laissent passer un peu de lumière. À tâtons, elle touche la forme, l’ébranle un peu, « clings clings » et elle tire le sac de golf vers l’ouverture. Elle le dépose au pied des trois parpaings puis elle recommence, rampe, tâtonne, trouve le charriot, et le dépose. Elle charge l’ensemble dans la voiture.

— Tu déménages ?

— Bonjour Maman.

— Tu aurais pu passer un coup de fil pour dire que tu passais.

— On est en semaine, je pensais que personne ne serait là.

Une femme belle, grande et mince, le visage très fin, la toise.

— Je suis là pourtant.

— Tu ne travailles plus ?

— J’ai pris ma journée.

— Moi aussi.

Mila retourne chercher le chariot.

Sa mère :

— Je croyais que tu n’avais pas de place dans ton appart’.

— Je vais en faire.

— Donc tu te remets au golf. Ça a l’air d’aller !

— Et toi, tu ne prends plus tes congés avec ton mari.

Sa mère sourit et incline la tête sur le côté.

— J’avais deux trois choses à faire. Seule.

Mila cale le chariot dans l’Express et ferme les portes du coffre.

Sa mère :

— J’espère que tu vas bien. Et que je te reverrai bientôt.

— Je vais bien.

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