Chapitre 4 : Reste calme, ne panique pas surtout, tout va s’arranger !
« Ok, Ok, Ok, 괜찮다 말해줘 내게, 안괜찮아도 것지말이라도
Ok, Ok, Ok, 괜찮다 말해줘 내게, I love the way you lie, I love the way you lie. »
Ok, BewhY, in. Prison Playbook (2017)
« Ok, Ok, Ok, dis-moi que tout va bien, même si ça ne va pas, même si c’est un mensonge,
Ok, Ok, Ok, dis-moi que tout va bien, j’aime ta façon de mentir ».
12, Impasse des Rosiers. Et bien évidemment, pas le moindre rosier à l’horizon. Les habitants de cette rue auraient pu faire l’effort d’en planter au moins un, même de façon symbolique. Cécile prit une profonde inspiration et tout en se traitant d’idiote une nouvelle fois, appuya sur la sonnette accolée au nom « Dranier ».
Un grand brun nonchalant vint lui ouvrir.
— Oui ?
— Hum, bonjour. Pourrais-je parler à Arthur, s’il est là ?
Les yeux du jeune homme s’agrandirent de surprise et toisèrent Cécile de haut en bas.
— C’est aussi pour l’exposé ?
— Euh, oui..., répondit-elle sans grande conviction.
Le frère acquiesça lentement, tout aussi l’air convaincu.
— Ben vas-y, entre, l’invita-t-il en s’effaçant. Arthur ! beugla-t-il brusquement, faisant sursauter Cécile. Encore quelqu’un pour toi ! C’est un exposé sur quoi, déjà ? lui demanda-t-il tout en la guidant à travers un long corridor.
— Ah, euh... sur... sur un commentaire de texte en Français, répondit la jeune fille, complètement affolée.
— Je croyais que c’était un exposé d’Espagnol.
Cécile devint rouge pivoine. Démasquée.
— Oui, euh, en fait...
Cécile ne savait plus comment se dépêtrer de la situation et fut soulagée quand une cavalcade dans l’escalier l’empêcha de répondre. Arthur ne parut pas tellement surpris de la voir.
— Tiens, salut, lança-t-il, comme s’ils étaient de vieilles connaissances.
— Elle est venue pour le commentaire de texte de Français, intervint son frère, d’un ton laissant supposer que cela ne prenait pas.
— Je sais, répliqua Arthur sans se laisser démonter. Tu n’as pas oublié d’apporter ton texte, j’espère ?
Cécile hocha la tête. Ils restèrent un instant en position chien de faïence, dans l’expectative de ce qu’il fallait faire et ce qu’il fallait dire. Cécile avait mille questions à poser, mais elle ne savait pas par où commencer. Essayons par de la politesse.
— Je… Je voudrais m’excuser à propos d’hier soir, mais j’étais... Enfin, je suis d’abord venue pour te remercier de m’avoir…
— Attends, on va aller dans ma chambre, l’interrompit-t-il sans lui laisser le temps d’en dire davantage.
Décidemment, elle n’arriverait jamais à finir ses phrases. Rien d’étonnant au fait qu’on la trouve si peu loquace ces derniers temps. Goguenard, le frère d’Arthur les observait, accoudé à la rambarde.
— Tu as beaucoup d’exposés en ce moment, on dirait ?
— Tu n’imagines même pas, marmonna Arthur en poussant à moitié Cécile dans l’escalier.
Non, mais qu’est-ce qui te prend de commencer à tout déballer devant mon frère ! grogna- t-il en refermant la porte derrière eux. Et pourquoi tu lui as parlé d’un commentaire de texte ?
— C’est lui qui a commencé à me parler d’un exposé, bafouilla Cécile avant de se focaliser sur la pièce pour reprendre contenance, et peut-être aussi par curiosité.
Étant fille unique, Cécile n’avait encore jamais eu l’occasion de pénétrer dans une chambre de garçon. Celle d’Arthur était somme toute assez ordinaire et à la décoration pour le moins spartiate, bien loin des clichés diffusés dans les romans pour préadolescents ou séries pour midinettes. Les murs ne comportaient pas le moindre poster reflétant ses goûts, pas plus que les tonalités bleu nuit – du tapis jusqu’à la couette – et le bureau impeccablement rangé ne laissaient entrevoir la moindre trace de sa personnalité. Les étagères, pourtant bien garnies, ne comportaient rien d’autres que des classiques, sûrement étudiés en classe pour la plupart au vu des titres familiers. Quelques CDs, DVDs et autres bibelots décoratifs sans la moindre valeur complétaient le tout. En bref, rien de tout ce décor ne laissait supposer qu’un adolescent occupait les lieux, ce qui restait dérangeant. Cette chambre, loin de constituer un refuge, ressemblait au contraire à ce genre de pièce-reconstitution que l’on rencontre dans les châteaux et les expositions : à droite, la chambre de Marie-Antoinette, veuillez rester derrière la limite de sécurité, non pas de flash s’il vous plaît, et n’oubliez pas le guide !
Tout à son inspection, elle mit un certain temps à s’apercevoir qu’il l’épiait et elle en rougit.
— Excuse-moi, mais j’avais fini par croire que tu n’existais pas réellement, marmonna-t-il.
Et encore, il peinait à le croire, maintenant qu’elle se tenait devant lui, dans sa chambre. Florian était parti il y a moins d’une demi-heure à l’issue d’une « préparation d’un exposé » encore moins crédible qu’un commentaire de texte si on prenait en compte le fait qu’il avait déboulé dans l’entrée complètement paniqué, bredouillant des phrases sans queue ni tête. Matthias avait largement de quoi paraître suspicieux. Il avait eu un mal fou à calmer Florian, alors que Cécile restait de marbre, plutôt du genre stoïque et résignée. Et ce comportement l’intriguait grandement.
— Comment as-tu fait pour venir dans mon… rêve l’autre jour ? l’interrogea-t-il.
— Je n’ai rien fait du tout ! C’est toi qui es venu dans le mien ! s’insurgea Cécile de plus en plus rouge.
Arthur leva les mains en signe d’apaisement.
— D’accord, d’accord, peu importe. Toi aussi tu fais de la bilocation, alors ?
Les yeux ronds de Cécile parvinrent à le convaincre que, manifestement, ce n’était pas cela.
— Mais tu sais pourquoi on a été reliés ? Une idée ?
Elle secoua lentement la tête, en évitant de le regarder. Il ne savait pas comment l’expliquer mais la certitude qu’elle mentait s’imposa dans son esprit. Il faut dire qu’elle semblait loin d’être douée pour le mensonge. Il la contempla, dubitatif, mais n’ajouta aucun commentaire de peur de la brusquer.
Un long silence s’installa et ni l’un ni l’autre n’avait pas la moindre idée de conversation pour le meubler. Cécile se mordillait nerveusement la lèvre, les yeux rivés au sol et Arthur, adossé à la porte, la regardait, circonspect. Elle qui ne pouvait se retenir en bas était soudainement devenue mutique.
— Écoute, finit par soupirer Cécile, je ne sais pas ce qui m’a pris, c’était une mauvaise idée de venir, je vais rentrer chez moi, ça vaudrait mieux.
Elle esquissa quelques pas hésitants vers la porte mais Arthur ne semblait pas vouloir lui céder le passage.
— S’il te plaît, est-ce que tu peux....
— Pas question, trancha Arthur d’un ton sec qui le surprit lui-même, cinq minutes ne suffisent pas à préparer un commentaire de texte et je ne peux pas te laisser partir sans te laisser d’explications. À moins que tu n’en aies pas besoin ? hasarda-t-il, voulant la repousser dans ses retranchements.
Cécile lui jeta le regard de la bête traquée qu’Arthur soutint sans broncher, interloqué de sa propre détermination. Mais s’il avait trouvé après toutes ces années une fille pareille, ce n’était certainement pas pour la laisser filer aussi facilement.
— Je me suis trompée, c’était une erreur, insista Cécile.
— Une erreur ? s’exclama Arthur, soudain furibond. Et Casper qui réapparaît, c’est aussi une erreur de casting, selon toi ?
— Le quoi ? demanda Cécile, perdue.
— Casper. Tu sais, le monstre d’hier. Je l’avais appelé comme cela à cause du film que j’ai vu quand j’étais petit. Et tu as bien vu, c’est facile de comprendre pourquoi. Je n'ai pas vraiment pris le temps de le rebaptiser depuis.
Cécile resta un instant interdite. D’où sortait-il cette comparaison avec Casper ? La conversation déjà peu banale prenait un tour réellement grotesque.
— Euh... Je trouve que cela tenait plutôt d’un croisement entre un méchant à la Walt Disney et un alien assez mal dégrossi, repartit-elle sans parvenir à croire qu’elle abordait un tel sujet de conversation avec un parfait inconnu.
Ce fut au tour d’Arthur d’être stupéfait. Se moquait-elle de lui ? Un rapide examen de son visage lui assura que non. Cette fille était incapable de simuler. Et une chose était claire, son Casper était loin de correspondre à « un croisement entre un méchant à la Walt Disney et un alien assez mal dégrossi ». Et puis d’où sortait-elle de telles formulations pour commencer ?
— Cela voudrait dire qu’on ne voit pas la même chose ? Remarque, après tout, pourquoi pas, lâcha-t-il, désabusé.
Ce genre de détail constituait pour Cécile le cadet de ses soucis. Tout ce qui l’importait, c’était de déguerpir au plus vite.
— Je n’ai rien à voir là-dedans, laisse-moi partir.
— Ce qui est arrivé hier risque de se reproduire, objecta Arthur. Tu n’arriveras pas à te défendre toute seule, surtout si tu n’as pas la moindre capacité. Ce dont il doutait fortement.
Cécile ne lui fit pas le plaisir de lui répondre et lui décocha un regard noir qui n’eut pas l’effet escompté.
— Je n’arrive pas à le croire. Quelque chose cloche, murmura-t-il. D’un coup, on se retrouve à quatre. Cinq, corrigea-t-il en fronçant les sourcils.
Cécile s’abstint de lui faire toute remarque concernant ses aptitudes au calcul mental, la vie était somme toute assez compliquée comme cela pour en rajouter.
— Attends une minute, enchaîna-t-il.
Il abandonna la porte et traversa la pièce pour s’emparer de son portable posé sur le bureau. Sans la quitter des yeux, il composa un numéro.
— Allô, Bastien, c’est moi, je ne te dérange pas ?
Cécile tressaillit, sa main lâcha la poignée. Elle avait envie de pleurer, elle se trouvait à nouveau coincée.
— Gagné, elle aussi est ici, avec moi. Non, je t’appelle parce que je pense qu’une petite mise au point s’impose, tu ne crois pas ? D’accord, demain ça ira ? Et ta mère ? Ah...
Son visage s’assombrit légèrement.
« Tu sais, je ne pense pas que ce soit une très bonne idée que tu la mettes à l’écart.... OK, Ok ne t’énerves pas, c’était juste une suggestion, grimaça-t-il en éloignant légèrement le combiné de son oreille. D’accord, merci. Oui, je lui dis.
Il raccrocha et se tourna tout sourire vers Cécile qui n’avait pas bougé de sa place, victime de son espoir de voir un rapide redressement de la situation.
— Le problème est réglé. Tu es libre demain après-midi ?
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