(3/4)

3 minutes de lecture

— Alors ?

Florian eut toutes les peines du monde à simuler le détachement alors que l’apparition soudaine de Bastien lui avait clairement fichu la trouille. Ce mec était vraiment une anguille !

Combien de fois par jour frôlait-il ainsi la crise cardiaque, entre sa peur de tomber sur une créature infernale, celle de devenir complètement frappadingue, et celle de déclencher une catastrophe nucléaire ? L’alimentation générale du lycée avait mis deux jours à s’en remettre. Les résultats escomptés pour améliorer la donne étaient loin d’être satisfaisants. Il avait beau se délester en permanence sur tous les appareils électriques à sa portée, il suffisait qu’il y ait la moindre parcelle d’électricité qui se balade dans l’air pour qu’il l’attire à lui comme un aimant. Ce phénomène semblait s’amplifier quand il avait les nerfs à vif, ce qui était sa tendance du moment.

Et plus il accumulait, plus il devenait irritable et craignait de perdre le contrôle. Empêtré dans ce cercle vicieux dont il n’arrivait pas à sortir, Florian se demandait comment les autres affrontaient ce genre d’impasse. Question qu’il ne poserait pas vu qu’ils éprouvaient des sentiments mitigés à l’égard d’Arthur et de Cécile, ne parvenant pas encore à les cerner, et qu’il supportait encore difficilement Claire et Bastien. Et voilà que ce dernier se ramène…

La règle tacite qui consistait à s’ignorer durant les cours, règle suivie sans trop de peine de part et d’autre, semblait momentanément caduque pour quelque obscure raison.

— Alors quoi ? demanda-t-il de mauvaise grâce.

Bastien désigna discrètement un point derrière lui. Florian se retourna et capta l’interrogation méfiante dans les yeux de Chloé. Il lui adressa un signe d’apaisement et revint à Bastien, fermement décidé à lui opposer des monosyllabes.

— Et ?

— T’as pas l’intention de lui dire, hein ?

Autant pour les monosyllabes.

— Mais t’es complètement malade ! s’enflamma Florian.

— C’est ta petite amie, je te signale.

— De quoi je me mêle ! Qu’est-ce que t’attends pour le dire à ton meilleur ami, toi ?

— Ils s’inquiètent pour toi je crois, reprit Bastien en éludant la question. Va falloir que tu trouves une excuse crédible. Ils ne vont pas te lâcher aussi facilement. Mathieu me fait la même chose depuis un bon bout de temps.

— Là, c’est moi que je voudrais que tu lâches.

— Je ne demande que cela. Moins je te vois, mieux je me porte et je crois bien que c’est la même chose pour toi. Seulement voilà, une réunion est prévue ce soir chez Arthur et il tenait à ce que tu sois au courant. Je ne fais que passer le message c’est tout.

Florian marqua un temps d’arrêt. Une réunion ? Leurs réunions – trois au total en incluant le dérapage de la première – ne s’étaient jamais révélées productives dans la mesure où elles se terminaient toujours sur une menace d’écharpage mutuel.

— Ne serait-ce que pour se défouler j’imagine, avança Bastien devant le scepticisme de Florian. Depuis quand n’as-tu pas passé ta colère sur quelqu’un ou sur quelque chose ? Tu ne m’as pas vraiment l’air décontracté, là.

Touché. Il lui fallait un défouloir. Et si cela ne tenait qu’à lui, il aurait volontiers utilisé celui qui lui tendait les bras à l’instant même. Bastien recula d’un pas en plissant des yeux scrutateurs.

— Évite les interrupteurs, conclut-il avant de rejoindre sa place.

Chloé n’attendait que cela pour rejoindre Florian.

— Qu’est-ce qu’il te voulait ? chuchota-t-elle.

— Rien, il… il me proposait de me passer, euh… ses cours de maths.

Chloé battit furieusement des paupières.

— Ben dis donc ! Ça, ça ressemble plus au Bastien d’avant. Méfie-toi quand même : il m’a toujours l’air sacrément dérangé.

Florian retint à grande peine un fou rire hystérique et la remercia du renseignement par un baiser sur le coin des lèvres. Elles embaumaient la pomme vanillée comme à leur habitude mais cette sensation familière ne suffit pas à calmer ses angoisses.

— Arrête ça petit malin. On fait quoi après les cours ?

Après les cours… L’affolement s’empara de Florian. Non pas ici, pas devant elle !

— Non ce soir, j’ai… j’ai un rendez-vous chez le médecin, prétexta-t-il.

Chloé fronça les sourcils.

— Rien de grave au moins ?

— Non, c’est juste après la dernière fois, tu sais. Mes parents pensent que c’est un symptôme de… de stress.

— À cause du bac ? demanda Chloé, compréhensive.

Ah, oui. Encore un truc qui lui avait échappé, tiens. Le bac… C’était bien la première fois de sa vie qu’il le considérait comme une issue de secours. C’est-dire s’il était tombé bien bas.

— Oui, entre autres. Mais je te promets que tout va bien. Et c’est surtout grâce à toi, mentit-il en déposant un autre baiser passionné sur les lèvres de sa copine.

Il résonna à ses oreilles comme le bruit fracassant de la trahison qui devait se répercuter dans tous les couloirs du lycée.

*

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Cagou0975 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0