Mono no aware
T’en souviens-tu ? Chaque printemps, on pouvait rester les contempler pendant des heures, allongés là, sur ce gros caillou. On observait leurs corolles frémir au vent, envoûtés par leur parfum si particulier. Rien d’autre ne comptait alors ; c’était juste eux et nous. Hors du temps. Dans ce silence timide que seul leur doux bruissement venait combler.
Puis on attendait, persuadés qu’à force de leur tenir compagnie, un lien muet finirait par nous unir, qu’ils nous accepteraient dans leur microcosme, qu’ils nous partageraient tous leurs secrets… et chaque année, ça fonctionnait … Après quelques jours, ils finissaient toujours par s’abandonner à nous, dans un épanchement désordonné de pétales, trop longtemps retenu, nous enrobant d’un tourbillon merveilleux de sentiments floraux comme d’épais flocons rosés; ils nous confiaient leurs peurs, leurs désirs, leurs espoirs …
Alors, chère sœur, aujourd’hui me revoilà … en espérant que cette fois, ce soit toi qui me parles à travers les sakura.
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