J'avais mal

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 Elle était là devant moi. Elle me regardait. Elle m'observait. M'analysait. Ses yeux me scrutaient avec ce mélange d'inquiétude et de gêne qui y tournoyait. Elle était là. Elle était désolée. Elle mordillait sa lèvre inférieure, les bras ballants. Elle était là. Son regard n'était qu'excuse et compassion. Passion absente. Absence d'amour.

Et ça faisait mal.

J'avais mal.

«Je suis terriblement désolée. Excuse-moi. Je ne me doutais pas une seule seconde de ce que tu ressentais. Je ne me doutais pas que tu voulais… Tu ne mérites pas qu'on te brise le cœur. Et je ne voulais pas… Pardonne-moi. Je tiens à toi en tant qu'amie. Je veux rester ton amie. Pardonne-moi.»

Son ton était élevé et précipité. Elle parlait vite. Sa voix tremblait. Elle tremblait devant moi. Elle avait peur. Les larmes avaient gagné ses joues à chaque parole qu'elle m'offrait. Chaque coup qu'elle me donnait. Un poignard qui entrait et tournait encore et encore dans ma poitrine. Je saignais de l'intérieur. Je saignais du cœur. Et c'était elle qui pleurait.

Foutue ironie.

Mes joues étaient vierges de toute eau elles, le sang avait juste quitté mon visage. Je la voyais elle. Elle, qui semblait souffrir plus que moi alors que c'était moi qui l'aimait. Elle, qui pleurait. Et je ne me sentais pas dans la capacité de faire de même. Je ne voulais pas. Je ne me sentais pas de le faire. Je ne voulais rien de tout ça. Ce n'était pas ce que j'avais prévu. Rien de tout ça.

Tout était chamboulé.

Mon cœur, ma tête et notre relation.

Tout.

Mes yeux glissèrent sur la rose que je tenais à la main. Jaune. Sa couleur préférée. Une couleur qui me répugnait. Depuis maintenant. Elle éclatait de couleur et de joie. Contrairement à moi. À nous. Elle éclatait.

Foutue fleur.

Je lui avais apporté avec toute la bonne volonté du monde. J'avais réfléchi. J'avais espéré. Je lui avais apporté. J'étais sûre de moi. Tout le monde l'avait dit. Il n'y avait pas de raison pour que ça se passât mal. Je venais, lui déclarais mes sentiments, on s'embrassait. Comme dans les films. De manière poétique, il y aurait de la jolie musique, peut-être même qu'il pleuverait. Tout plein d'amour. Que d'illusions.

Je lui avais apporté tout ça et voici le résultat : elle qui attrape ma main et qui m'enlace. Elle qui pleure contre mon cou, qui renifle et qui s'excuse. Encore et encore. Ses sanglots. Son parfum. Je ressentais tout ça. Contre moi. En moi. Ça résonnait. Elle pleurait pour moi, pour ne pas me perdre. Je ressentais. Je compatissais. Je voulais l'embrasser. Je n'en avais pas le droit.

Elle ne m'aimait pas.

Ça faisait un mal de chien.

Je l'entendais me demander de lui parler. Me supplier de dire un mot, quelque chose. Comme si c'était moi qui l'avais rejetée. Pourquoi je ne pleurais pas ? Pourquoi la douleur restait interne ? Pourquoi j'espérais qu'elle changeât d'avis ? Pourquoi ? Pourquoi ce n'était pas possible ?

Qu'est-ce que foutait la rose par terre ?

Le signe de notre défaite. À mon cœur et moi.

« Je t'aime moi. Et tu ne m'aimes pas, Elisa. Je t'aime. Tu ne m'aimes pas, articulai-je à voix basse.

— Je t'aime aussi ! répliqua-t-elle. Je t'aime. Plus que tout au monde. On a tout vécu ensemble. Tu sais tout de moi. Tu sais tout. J'ai besoin de toi. J'aurai toujours besoin de toi. Je t'aime.

—Mais pas de la même manière que moi. Tu ne m'aimes pas.»

L'évidence s'installait. Elle était tout pour moi. Ma meilleure amie et l'amour de ma vie. J'étais tout pour elle. Sa meilleure amie et sa famille. C'était différent. Elle ne m'aimait pas. Pas comme ça. Et une telle évidence me fendait le cœur. Mon illusion s'était brisée. Le mirage s'était effacé. J'étais dans le désert et aucun espoir d'oasis.

«Je suis désolée… Ne me laisse pas.»

C'était comme ça à chaque peine de cœur ? On laissait l'autre ? Un gouffre se créait entre nous suffisamment pour oublier le plaisir, les sourires ? On devenait amer, mauvais et on brisait tout ? C'était comme ça ? Je ne voulais pas. Je ne veux pas. Elle était tout. Et quand on perdait tout, il nous restait rien. Et rien était bien difficile à combler.

Impossible.

«Non, non… Ne pleure pas. Je t'en prie. Ne pleure pas. Ne pleure pas.»

Elle essuyait tant bien que mal mes larmes. Elle tentait d'effacer la douleur sur mon visage. Mon cœur cognait, frappait et me brisait. Je ne voyais plus sa tristesse. Elle était floue. Totalement floue.

Et je l'embrassais.

Une fois.

Une unique fois.

C'était ma première peine de cœur. D'un cœur qui nourrissait des sentiments depuis des années maintenant. C'était la première fois que l'amour me donnait une telle douleur. Et pourtant, je savais qu'elle perdurerait. Qu'elle resterait à chaque fois que nos regards se croiseront, que je lorgnerai ses lèvres en sachant leur douceur mélangée au sel de ses larmes. Elle resterait. Moi aussi.

«Imbécile. Je ne te laisserai jamais. Que serais-tu sans ta meilleure amie ?»

Un amour à sens unique valait mieux que la perdre à jamais.

Elisa, je t'aimais. Elisa, je t'aime.


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