Une nuit
Cette nuit là le vent s’était levé, un torrent d’acier. Les vitrines claquaient, dans les caniveaux les fenêtres s’étaient déversées en un cri plaintif comme un animal blessé. Puis soudain tout était retombé, le regard vide, le corps absurde, las. La chaleur était remontée du sol défiguré.
Ah ! mes amis qu’avons-nous fait de nous ? Je me souviens nous nous tenions la main en pensées, dans ce paysage de monolithes noirs et froids, déchiré de pulsions sauvages, un papier froissé, oscillant sans cesse entre l’enfant et le vieillard, si près de l’abîme sans tomber jamais, nous avancions. Etait-ce la peur de la mort qui nous tenait si serrés les uns contre les autres à nous broyer, à nous fondre ? J’étais en vous comme je le suis encore parfois dans les draps cocons du petit matin, inexplicablement vivant. Vous aviez le visage plein de ceux qui ont encore à dire et les corps si chauds ! Nous étions à jamais englouti dans le ventre doux de nos désirs de nos pensées accordés. Plus rien désormais ne pourrait nous démêler, nous séparer. Vers où avez-vous grandi ? Vers où vous ai-je perdu ? Qu’avons nous fait de vous de nous de moi ?
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