I
Le grincement du plancher m’extirpa de mes rêveries dans un sursaut. Avais-je réellement entendu un bruit ? Je repris mon souffle un court instant avant de me rallonger. De nature craintive, je n’en étais pas à ma première crise d’angoisse. Jeune maman, j’avais pris l’habitude de ne dormir que d’une seule oreille. Le baby phone n’indiquait rien d’anormal. Ça ne devait être que ma paranoïa coutumière. Un deuxième craquement se fit ouïr. Cette fois j’en avais la conviction, quelque chose s’était introduit dans mon appartement.
Le cœur tambourinant dans ma poitrine, je tentai de sortir de mon lit. Mes jambes flageolaient, mettre un pied devant l’autre demandait beaucoup plus d’effort qu’en temps normal. Mon bébé. C’était la seule chose que j’avais réussie dans ma vie. Je devais m’assurer que tout allait bien.
J’avançai lentement en longeant les murs de ma chambre, une bombe anti-agression à la main. Un silence de mort régnait à présent, ce qui me terrifiait encore un peu plus. Je devais rejoindre mon enfant, et vite. J’ouvris sans bruit la porte donnant sur le salon, éclairé de la seule petite veilleuse que j’allumais chaque soir, avant de retrouver Morphée. Des gouttes perlant sur mon front et mes yeux scrutant toute la pièce, je menai maladroitement l’assaut du séjour. Personne. J’étais seule face à mon incompétence. Une brise glaciale traversa mon être. C’était impossible, je fermais toujours toutes les fenêtres la nuit tombée. La baie vitrée était entrouverte ! J’étais tétanisée, mais il n’y avait plus de temps à perdre, la prunelle de mes yeux courait un grave danger. Je ramassai une lampe torche sur une étagère, avant de m’introduire dans la seule pièce que je n’avais pas vérifiée.
« J’ai bien cru que vous ne viendriez jamais, » dit une voix rauque,
Je sentis mon sang quitter mon corps. Un inconnu était appuyé sur le berceau de mon fils, s’amusant à lancer et rattraper un couteau de boucher juste au-dessus de lui. Son regard de sadique me transperçait. Je voulus l’implorer de toutes mes forces de laisser mon fils sain et sauf, mais aucun son ne sortit. J’étais en train de vivre mon pire cauchemar.
L’individu au teint terreux et au visage abimé par l’alcool devait avoir une quarantaine d’années. Toute maigrichonne que je suis, toute tentative de résistance était perdue d’avance. La vie du nourrisson était entre ses mains, et moi à sa merci.
« Prenez ce que vous voulez mais ne faites aucun mal à mon fils, pitié »
C’était tout ce que j’avais réussi à formuler d’une voix tremblante. Les larmes inondaient maintenant mes joues et chaque seconde semblait sans fin. Mon cœur battit à se rompre lorsque l’homme prit mon fils entre ses mains, qui se mit à gémir. S’en était trop pour moi. Les hurlements de terreur de mon garçon me torturaient.
Je défaillis quand un flot de sang me jaillit au visage, suivit d’un effroyable silence. Paralysée par l’horreur de la scène, je n’eus pas même la force d’hurler. Une fois son crime exécuté, l’homme repartit par où il était arrivé un sourire aux lèvres, sans que je ne puisse rien y faire. L’irréparable avait été commis.
J’ouvris les yeux sous de grandes inspirations, cherchant à refaire partir mon cœur. J’étais trempée de sueur. Un frisson me parcourut lorsque mon pied toucha le sol glacé de ma chambre. En tournant la tête, je vis deux figures déconcertées discutant à mon égard par le hublot de la porte.
« Pauvre femme. Depuis son admission, elle revit chaque nuit le meurtre de son fils. C’était il y a dix ans déjà ... »
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