15. Évasion
Le moteur accepte enfin de démarrer alors qu’un des villageois pose une main large, aux doigts à peine dessinés sur la portière.
David accélère aux premiers soubresauts de sa voiture, elle fait un bond en avant, l’arrière chasse, heurte le corps spongieux de l’homme difforme. Elle se lance dans la brume et dérape dangereusement à chaque lacet. Nathalie et Robin ne voient personne les poursuivre, ils se relâchent un peu lorsque le panneau désignant la direction de Fécamp leur indique qu’ils seront bientôt hors de danger.
Le conducteur ne dit mot, il se concentre sur sa trajectoire. Dans la brume, il ne peut pas anticiper. De temps en temps, il aperçoit des torches qui brillent dans la nuit. Qui que ce soient, ils tentent de leur couper la route par des chemins de traverse.
Lorsqu’ils arrivent sur le plateau ouvert qui domine les falaises, toute trace de brouillard a disparu, la longue ligne droite longeant la côte permet à David de pousser sa voiture et de mettre le plus de distance possible entre eux et leurs poursuivants.
— C’était quoi ce bordel ? crie David à l’adresse de ses passagers.
— On ne sait pas, répond Robin.
— En tout cas, ils ont l’air de vous en vouloir, termine-t-il en remarquant des torches brillant au loin dans ses rétroviseurs.
***
La 404 vrombit dans la nuit, des phares se profilent, loin devant. David tient fermement son volant, il ne comprend rien ! Il a embarqué deux personnes, a renversé un de leurs poursuivants, des types bizarres, les noms de ville qui ne correspondent à rien, il longe une côte. Il ne peut tout de même pas avoir parcouru deux cents kilomètres sur une durée si courte. Il regarde à nouveau dans son rétroviseur, ils ont mis une bonne distance entre les fous furieux et eux, mais la bagnole qui arrive en face. Elle va se jeter dans cette foule délirante.
David n’a pas vraiment le temps de réfléchir, la voiture doit être à peine à cent mètres devant, il voit ses petits phares ronds qui se rapprochent dans la nuit. Il faut prévenir ses occupants. Il ramène la Peugeot au centre de l’étroite chaussée, le moteur commence à émettre des bruits inquiétants. « Ne me lâche pas Titine ! » gronde David entre ses dents.
Lorsque la mini apparaît dans le faisceau de ses feux, il ne se pose pas de questions, mais quand il discerne enfin le conducteur et sa chevelure qu’il devine rousse, la panique écrase sa poitrine de son poing implacable. Sidéré, il laisse sa voiture au milieu, il voit se former le masque de la peur sur le beau visage de la jeune femme rousse.
Elle braque, essaye d’éviter cette vieille bagnole qui lui fonce dessus. Elle enfonce ses freins, mais son talon reste bloqué dans le tapis de sol usé par trop d’années. Elle sent le coup violent, sur l’arrière gauche de sa caisse, l’accélération brutale qui la projette sur deux roues puis dans une culbute rapide et inéluctable.
Le choc réveille David, sa présence d’esprit revient à la surface. Sa Peugeot dérape, il contre-braque pour rattraper la trajectoire, ramenant tant bien que mal sa voiture sur la route, mais elle en a décidé autrement et se jette au travers d’une barrière. David voit la mer et le bord de la falaise vers laquelle sa Peugeot l’entraîne. Il appuie de toutes ses forces sur ses freins. Ils répondent par des crissements plaintifs sans aucun effet sur la vitesse du véhicule. David ferme les yeux lorsqu’elle s’envole et que derrière lui retentissent les cris de Robin et de Nathalie. Dans le rétroviseur, il les aperçoit, ils se serrent l’un contre l’autre, dans une dernière étreinte.
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