Chapitre 1
« Il faut parfois laisser des choses s’en aller pour que de choses meilleures arrive dans ta vie. »
Quelques jours sont passés depuis la disparition de Vaillant, pourtant, le vide est encore là. Intacte. J’ai même l’impression qu’il ne fait que grandir à mesure que le temps passe. Il me semble que l’expression c’est « Le temps guérit les blessures. » j’ai la sensation qu’il empire à chaque secondes qui passent. Vaillant a été mon premier poney. Celui qui m’avait tout appris, qui m’avait tout donné. Des premières place en concours à cette complicité particulière qu’on partageait ensemble.
Depuis sa disparition, je tente de tenir mon esprit occupé en permanence. Quand je ne suis pas en cours, je fais mes devoirs puis je fonce aider mon père et Paul, le palefrenier des écuries. L’avantage de vivre sur place, c’est que je n’ai qu’à traverser la maison pour me retrouver au milieu de l’agitation typique d’une après-midi de cour d’équitation.
Ce mercredi n’est pas différent des autres, j’aide les petits cavaliers à seller leurs montures, pas beaucoup plus grande qu’eux. En arrivant près des stabules en bois au fond de la cour, j’entends déjà réclamer d’avoir tel ou tel poneys et avant même de pouvoir avertir les enfants de ma présence que je suis encerclé de toute part.
- Moi je veux Bianca !
- Et moi Douce !
- Je veux Prince !
Je clame d’une voix forte :
- Calmez-vous !
Je souris avant d’ajouter plus doucement :
- Vous aurez les poneys que je vous donnerai et ce n’est pas en venant me le crier alors que je viens à peine d’arriver que vous allez obtenir ce que vous voulez, c’est compris ?
Comme une seule et même personne, les enfants hochent la tête. Je commence à répartir les cavaliers et leurs montures dans le calme, une fois fait, j’attrape les licols pour sortir un à un les poneys pour les attacher aux anneaux en métal prévu des gros troncs en bois posé au sol, pile à la taille des animaux et des enfants qui s’en occupent. Je passe du temps avec chacun pour expliquer comment on brosser, on cure et on selle les chevaux, même si je sais qu’il faudra recommencer cette étape la semaine suivante.
- Parfait les enfants, vous passez les rênes par-dessus la tête de vos poneys et vous me suivez direction le manège !
On retrouve ma mère qui finit avec son groupe d’adulte confirmé, lorsque les grand chevaux passent à côté, je vois le regard émerveillé des gamins qui me fait sourire alors que j’entends ma mère les saluer et dire :
- Un jour, ce sera vous.
- Tu crois Victoria ? Demande Camille, l’une des petites filles.
- Bien sûr ! Allez, on va s’entraîner comme les grands aujourd’hui.
C’est avec de grand sourire que les enfants entrent dans le manège prêt à faire « comme les grands » ou presque.
- Tu as besoin d’aide maman ?
- Non ma chérie, mais tu peux aller voir ton père dans l’écurie des chevaux de club, il est dans la grande pâture derrière les boxes.
- J’y cours ! A tout à l’heure maman.
Je traverse les écuries pour retrouver mon père, casquette sur la tête et deux ou trois isolateurs entre les dents, dans la pâture entouré par quelques chevaux curieux tandis que les autres mangent tranquillement à l’ombre du râtelier à foin.
- Papa !
- Ophélie te voilà ! J’ai une mission pour toi.
Je cours dans le pré pour retrouver mon père qui a l’air de se battre avec les clôtures. Je caresse le nez de Evoli, l’un de nos chevaux.
Oui, certain chevaux ont des noms de Pokémon… J’étais jeune quand je les ai choisis…
- Je t’écoute.
- J’ai besoin que tu sortes Dalia, je voulais m’en occuper mais cette clôture me donne plus de fil à retordre que prévu.
- D’accord, tu veux que je fasse quelque chose de précis ?
- Une balade tranquille. Les terrains sont bons, si tu trouves un endroit ou galoper fait lui travailler la variation d’amplitude, au galop surtout, c’est son petit point faible.
- Je vais m’occuper d’elle. A tout à l’heure papa !
Je m’éloigne pour aller dans la sellerie se trouvant à l’intérieur des écuries. J’enfile mes bottes et mets ma bombe sur ma tête, je récupère un licol avant de retourner dans la pâture chercher la jument qui semble bien trop occupé à manger pour s’intéresser à moi qui l’appelle comme une débile sur le bord du pré.
- Tu abuses Dalia…, je râle en allant lui mettre le licol.
Une fois la jument brossée et sellée, je me dirige en direction du manège pour utiliser le montoir qui est à l’entrée. Dalia n’est pas très grande mais cet outil me permet de ne pas trop lui tirer sur le dos.
- Allez ma belle, on est parti.
Je souris une fois à cheval, donnant une caresse à Dalia qui se met à marcher en direction de la forêt.
- Ophélie ! Attends !
- Qu’est-ce qu’il y a, Paul ?
- Tu sais où est Denis ?
- Dans la pâture, je pense qu’il a besoin de toi, il galère avec des clôtures, je me moque, faisant rire le palefrenier.
- Fait attention quand même, dit gentiment Paul avec un clin d’œil.
- Ne t’inquiète pas pour moi ! Dalia est adorable ! N’est-ce pas ?
Je dis à l’attention de la jument qui émet un petit hennissement.
- Elle a l’air d’accord avec toi !
- Evidemment !
On rigole avant que je m’éloigne, passant au milieu du centre équestre pour rejoindre la forêt qui s’étend à perte de vue. Les écuries du Chêne possèdent des hectares de forêt, faisant le bonheur de nos clients qui adorent partir en balade au milieu de cette nature sauvage.
Rênes longues, je passe l’entrée faites de deux grands sapins verts de part et d’autre du chemin de terre. On marche doucement entres les feuilles d’automne qui tombent, laissant un tapis multicolore sur le sol.
- On trotte ?
Comme si elle allait me répondre…
Une pression de mollet et Dalia se lance au trot, les oreilles pointés vers l’avant. Le vent s’engouffre dans sa crinière noire, la faisant doucement s’élever au rythme de ses foulées tandis que les rênes, toujours longues, lui permet d’allonger l’encolure. Après quelques minutes à trotter dans les chemins, je ralentis, félicitant la petite baie :
- C’est bien ma belle.
Un petit hennissement me répond, parfois, j’ai vraiment l’impression que les chevaux comprennent ce que je dis. Sur le chemin, les arbres se font de plus en plus rare alors qu’on débouche sur une petite clairière.
- Un bon galop, ça te tente ?
A l’entente du mot « galop », je sens Dalia commencer à s’impatienter. Je raccourcis légèrement mes rênes avant de lui demander le galop d’une petite pression de mollet. La petite jument partie comme une fusée, heureuse de galoper, décrochant des coups de cul me faisant rire bien que je manque plusieurs fois de manger le sol.
- Calme maintenant.
Doucement, Dalia étant dressé quasiment à la voix, elle ralentit le galop pour le faire plus calme et régulier, venant se poser sur son mors pour travailler. Ecoutant ce que mon père m’a demandé, je travaille au trot et au galop sur l’allongement de son amplitude. La jument est tellement à l’écoute et disponible que je parviens même à la faire rassembler ses foulées sur quelques mètres.
- C’est fini ma belle. Tu as très bien travaillé !
Je lui dis en caressant son encolure, relâchant mes rênes alors qu’elle allonge instantanément l’encolure.
Au pas, on continue notre balade dans la forêt, passant au milieu de tout et faisant courir les lièvres sur notre passage.
- Qu’est-ce que…
Un martèlement de sabot provint à mes oreilles, ainsi qu’à celle de Dalia qui commence à s’agiter sous ma selle. Je tente de la calmé tout en cherchant des yeux d’où provient le danger.
D’un coup, Dalia se dresse sur ses postérieurs, manquant de me faire tomber alors que je m’accroche à son encolure de toutes mes forces. Un cheval isabelle sorti de nulle part s’arrête devant nous, essoufflé et mort de peur. La panique se lit dans ses yeux alors que l’isabelle ronfle, analysant si nous représentons un danger.
- Calme-toi.
Je descends de ma jument qui est de nouveau sur ses quatre pieds, l’isabelle continue de s’agiter alors que Dalia, elle, s’est calmé bien plus rapidement que ce je pensais.
- Doucement je ne te veux aucun mal…
Un étalon.
- Mon beau.
Je continue de lui parler d’une voix douce et apaisante, tout en m’approchant à pas lent, fixé par l’étalon qui recule par moment. Dalia, qui observe la scène, semble apaisé l’isabelle.
- C’est bien…
Ses oreilles dorées pointés vers moi, je devine qu’il écoute attentivement chacune de mes paroles. Usant d’une patience infinie, je tente de prouver à l’étalon qu’il peut me faire confiance. Mon regard, auparavant dirigé sur sa tête, se déplace sur le reste de son corps et ce que je vois me fais grimacer. Sa robe dorée est couverte de sang séché, de boue et de plaie ouverte sur la croupe, les épaules et le ventre tandis que ses jambes, sale de sang et de terre, ce qui m’empêche de voir ses balzanes noires, caractéristique des isabelle. Ses sabot quant à eux, semble ne pas avoir été parer depuis des mois.
Je ne sais pas qui lui a fait ça, mais une chose est sûre, je ne peux pas le laisser dans la forêt. Je m’éloigne de quelques pas, cherchant quelque chose qui pourrait faire office de longe. Par je ne sais quel miracle, plus loin, je vois un licol surement oublié par un élèves des écuries lors d’une randonnée. Je le ramasse avant de retourner près de l’étalon qui s’est déplacé pour être près de Dalia qui lui donne de gentil coup de naseau dans l’encolure.
Je l’imagine lui dire : « Elle veut t’aider, ne t’inquiète pas. »
Je m’approche, répétant le même manège, avançant ou m’arrêtant selon ses réactions. Au bout de quelques minutes qui me paraissent être une éternité, je parviens à lui enfiler le licol sans qu’il ne bouge.
- C’est bien mon joli, tu vas être sage pendant que je monte sur Dalia d’accord ?
Sans m’arrêter de parler doucement et sous l’œil attentif de l’isabelle, je me mets en selle. Comprenant l’importance de ses réactions, la jument bai eu un comportement exemplaire et ne bougea pas une oreille. Je rassemble mes rênes et ma longe avant de faire avancer Dalia, suivit de près par l’étalon.
Doucement, nous empruntons le chemin inverse. Je mets une bonne demi-heure à enfin apercevoir l’entrée des écuries, soufflant de soulagement alors que je continue de jeter des coups d’œil pour être certaine que l’étalon ne panique pas.
- Mais où étais-tu !
L’étalon se cabre et je m’écarte rapidement avant qu’un sabot ne heurte mon épaule. Je lui parle calmement avant d’engueuler Paul :
- Tu n’es pas bien de crier comme ça !
- Tu es partie depuis deux heures ! Excuse-nous d’être inquiet.
S’indigne doucement Paul, comprenant que si je lui ramène un cheval, ce n’est pas pour lui faire une blague. J’anticipe sa question avant qu’il n’ouvre la bouche :
- Je t’expliquerai plus tard, pour l’instant tu dois m’aider.
- Dit-moi ce que je dois faire.
- Ouvre-moi la porte du rond en herbe, je vais le mettre là.
Sans répondre, Paul se dirige vers le rond alors que je le suis de près, tentant d’apaiser l’étalon qui recommence à s’inquiéter lorsque l’agitation des écuries parvient à ses oreilles.
- C’est bien, on continue. Paul, une fois que je suis descendu, tu sors Dalia, je m’occupe de l’étalon.
D’un naturel pas très bavard, il ouvre la porte et suis mes instruction à la lettre. Je guide les chevaux à l’intérieur avant de mettre pied à terre, confiant Dalia à Paul. Je continue de parler à l’étalon pendant qu’il sort, tentant de garder son attention. Une fois la porte fermée, je lui demande de prévenir mon père et de confier Dalia à Justine, une de nos stagiaires.
Les minutes passent, l’isabelle n’est pas détendue mais pas trop paniqué pour autant, écoutant attentivement chaque paroles insensées que je lui raconte. Le départ de Dalia l’a un peu agité mais il s’est rapidement calmé, en revanche, impossible de le caresser. Il refuse même l’encolure.
J’espère qu’il ira bien…
- Tout va bien Ophélie ?
- Oui. Il s’est un peu inquiéter quand Dalia est partie mais maintenant ça va. Je ne peux pas le caresser, je ne sais pas si tu vas réussir à l’examiner.
- Je vois. Je vais faire ce que je peux dans ce cas.
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