Chapitre 5

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« Parfois, nous sommes autant sœurs qu’amies. Cela rend notre relation plus belle. »

Le lendemain, comme promis, je suis assise par terre dans la chambre de ma sœur, des cahiers étalés devant moi et un crayon dans la bouche. Si les devoirs de Charlotte lui font s’arracher les cheveux, les miens sont loin d’être plaisant également. J’ai toujours eu en horreur la physique chimie. Pour une raison obscure, les matières scientifique se refusent à intégrer mon cerveau.

- Je te propose un deal, je fais tes devoirs et tu fais les miens.

- Cha’, c’est niveau général. Tu vas y arriver ?

- Aucune idée mais j’aime bien alors c’est mieux que rien.

Je rigole, me mettant sur mes pieds pour échanger nos cahiers. Ma sœur replace une mèche blonde derrière son oreille, calant son crayon avec eux. Sur les feuilles sont gribouillés des tonnes de notes que je ne comprends pas, voyant ma grimace, elle annonce :

- J’ai un texte de théâtre à écrire. Je déteste ça.

- Heureusement que j’adore lire, c’est ça ?

- Un peu.

Elle me fait un clin d’œil amusé, si nos parents savaient. Ils nous feraient sûrement récurer les boxes pour l’éternité. J’attrape son cahier, lui posant le mien, raturé de calcul chimique sans logique. Nous faisons bien la paire.

Je m’allonge à nouveau sur le sol, lisant la pièce de théâtre dont est censé s’inspirer ma sœur. Antigone . Pas la plus facile. Prenant connaissance de la consigne, je commence à écrire des idées pour réinventer un dialogue entre Créon et Antigone afin de démontrer son point de vue sur la mort de Polynice.

Mon crayon parcourt la feuille durant presque deux longues heures, le soleil tape à travers la fenêtre me donnant envie de partir explorer les environs. Nous avions convenu de travailler que durant la matinée, je ne sais pas ce qu’indique la pendule mais j’ai hâte de plier définitivement nos devoirs pour le reste du week-end. Je lève les yeux vers ma sœur mâchouillant le bouchon d’un stylo, totalement dépassé elle aussi.

- Si nous faisions une pause ?

Je suggère en me remettant sur mes pieds. Charlotte tourne son fauteuil dans ma direction, un immense sourire aux lèvres contrastant avec son air fatiguée, sans doute identique au mien. Je dépose les feuilles de son devoir sur le bureau :

- Il est bientôt midi, j’ai envie de te présenter quelqu’un ?

Ses yeux s’illuminent, connaissant déjà celui que je souhaite lui présenter de manière officielle. Depuis l’arrivée de Orion en début de semaine, Charlotte n’a pas eu l’occasion d’aller lui rendre visite malgré les photos régulière qu’elle a reçu même en étant à l’école. Il ne faut pas plus d’argument pour que nous rangions nos postes de travail respectifs avant de quitter la chambre en trombe. Nous parcourons la maison, attrapant des carottes sur le plan de la cuisine au passage, enfilant nos boots une fois à l’entrée. Nous sortons à l’extérieur en direction du rond, Biscotte, encore et toujours sur nos talons. Impatiente, ma sœur court presque mais je la retiens, la mettant en garde, Orion n’est pas encore prêt pour ce genre d’interaction.

- J’ai tellement hâte de le voir enfin ! Maman et Papa n’ont pas arrêté de m’en parler au téléphone cette semaine. Ils m’ont même montré des photos, il est magnifique.

Je ne la contredis pas, Orion est un magnifique cheval mais ses blessures intérieures sont tellement grandes que je ne sais pas si nous arriverons à véritablement le contempler un jour.

J’intime à ma sœur de faire le moins de bruit possible alors que nous nous accoudons à la barrière en métal, Orion est au fond, bien l’abri, mangeant tranquillement son foin. Comme ça, nous pourrions presque croire qu’il est un cheval « normal », sans traumatisme. Pourtant, à l’instant où j’ouvre la barrière, son attitude change pour me fixer, méfiant. J’indique silencieusement à Charlotte de rester à l’extérieur avec Biscotte, qui ne manque pas une miette de ce qu’il se passe.

Comme toujours, je lui parle doucement, je m’assoie contre le métal, cassant les morceaux de carottes pour les lui lancer. La présence de Charlotte le rend plus tendu que l’autre fois, ne souhaitant pas le stressé davantage, je fais attention à toujours lancé les morceaux de légumes le plus près possible. Pourtant, malgré toute mon attention pour lui éviter une situation désagréable, il s’approche de lui-même pour réclamer des friandises, gardant une distance de sécurité avec Charlotte. J’ai l’espoir de pouvoir travailler le licol durant les prochaines séances.

Nous continuons ce petit jeu jusqu’à l’épuisement des friandises, je le félicite pour son super comportement et je sors du rond, rejoignant ma sœur, laissant entrer Biscotte pour qu’il joue avec son copain. Nous nous éloignons des deux compères pour discuter en paix et laisser un vrai temps de repos à Orion. Nos pas nous mènent instinctivement à l’écurie afin de récupérer deux chevaux pour notre balade.

- Orion ne nous fait vraiment pas confiance, constate Charlotte.

- Il s’est détendu. Tu l’aurais vu au début, je ne sais pas comment j’ai pu lui passer le licol pour le ramener ici…

- Il savait que tu voulais l’aider.

- Nous ne saurons jamais.

- Je vais chercher Perle, tu veux que je te ramène un cheval ?

- Dalia, je vais aller récupérer nos affaires en attendant.

Sans un mot de plus, nous partons chacune de notre côté. En l’espace de trente minutes, les chevaux sont prêts à partir en balade. Les beaux jours sont encore présents alors il faut en profiter avant la pluie qui risque de pas mal réduire nos sorties. J’espère que nous trouverons d’où vient Orion avant ces périodes plus difficile.

A cheval sur Dalia et Perle, nous partons vers la forêt rênes longues, les deux juments marchent d’un pas actif, heureuses de sortir et de profiter de la nature. Nous nous enfonçons de plus en plus entre les arbres, attendant d’être vraiment loin pour parler un peu plus librement. Nos parents sont merveilleux mais ils sont comme tous les parents, parfois oppressant. Le temps est toujours ensoleillé, faisant briller la robe de nos chevaux.

- Comment se passe les cours au lycée ? demande Charlotte.

- Plutôt bien. J’ai hâte d’en finir, je ne te cache pas. Et toi ?

- A part les profs qui sont déjà trop sur notre dos, ça se passe bien. La maison me manque mais c’est la dernière année. C’était mon choix de toute façon.

- C’est louable d’être partit loin, tu sais.

- Merci Ophélie.

J’ai toujours trouvé ma sœur courageuse. Elle aurait pu choisir la facilité. Rester à la maison, aller au lycée avec nos amis et moi mais elle a préférée partir dans une école spécialisée, dans une écurie à quelques heures d’ici car ce n’était pas très productif de choisir l’entreprise familiale comme lieu de stage. Nous nous voyons que le week-end et encore cela dépend de son emploi du temps via l’école. Finalement, depuis trois ans, je ne la vois vraiment que durant les vacances d’été. Le peu de temps de libre que nous avons toutes les deux nous le passons à profiter, comme aujourd’hui. Malgré la partie peu intéressante de ce matin.

- Qu’est-ce que tu comptes faire après le bac ?

- Franchement Cha’, je ne sais pas. Dans l’idéal, il faudrait que je trouve un cheval de concours où que j’emprunte un des chevaux de club des parents. J’aimerai passer mon BPJEPS.

- Je comprends. Lequel tu voudrais prendre ? Dalia est une bonne jument de concours, remarque ma sœur en désignant la petite baie du doigt.

- Elle est fabuleuse mais son propriétaire la récupère à la fin de l’année.

- J’avais oublié ce détail.

Je hausse les épaules pour lui répondre avant de lancer Dalia au trot. Nous parcourons les chemins faisant le tour complet des terres, ce sont des tracés balisés lorsque nos parents emmènent les clients sur pour des randonnées dans la forêt. Il y a des arrêts spéciaux pour dormir en pleine nature avec les chevaux, des parcs ont été aménagé à cet effet dans certaines clairières. J’accompagne régulièrement ces sorties en fin de convoi afin de surveillés les cavaliers parfois novices.

Tout est tellement sauvage, je ne me lasserai jamais de parcourir ses sentiers, tout cet écosystème est précieux. Quelque part dans la propriété, il y a un coin d’eau aménagé spécialement pour que nous puissions nous baigner avec les chevaux, ma famille s’est servie de l’environnement déjà présent pour construire cet espace sécurisé. Une rivière traverse de part et d’autre la faune, c’est grâce à elle que nous avons pu creuser le petit étang. Nous adorons y aller en été, nous remontons le cours d’eau dans son entièreté pour rejoindre le bassin. La plupart de nos chevaux adorent ces moments aussi. Surtout en pleine chaleur.

- Tu pourrais prendre une demi-pension ? interpelle Charlotte alors que nous repassons au pas.

- Un cheval du club ?

- Mais non débile, ricane ma sœur, Pourquoi pas demander à l’un des propriétaire, il y a sûrement l’un d’entre eux qui serait prêt à te faire confiance le temps de tes études.

- Oui ce n’est pas bête… Je ne sais pas, nous verrons. Je prendrais peut-être une année sabbatique, le temps de travailler avec les parents pendant un an et le temps de trouver une formation qui m’acceptent.

- Cela serait une bonne idée je pense.

- J’en parlerai lorsque la question se posera. Toi, tu ne m’as pas dit ce que tu comptais faire.

- Je ne sais pas. J’hésite avec deux BTS . Je pense que c’est utile que je continue encore un peu les études.

Je hoche la tête, ne sachant pas vraiment quoi dire pour l’aider. Elle me sourit, balayant nos réflexions d’un geste de la main. Elle a raison, ce n’est pas le moment de nous inquiéter, nous ne sommes qu’en octobre. Côte à côte, Dalia s’amuse à embêter Perle qui gigote sous la selle, faisant rire sa cavalière. Nous reprenons l’allure supérieure, effrayant les animaux sauvages, les oiseaux s’envolant sur les arbres de peur de se faire marcher dessus. Nous poursuivons la promenade une bonne partie de l’après midi pour le plus grand bonheur des juments, ravi de galoper sur les sentiers qu’elles connaissent sur le bout des sabots.

- Je n’ai même pas eu l’occasion de voir Milo et Jade ce week-end, déplore Charlotte.

- Tu pourras les voir à ton prochain week-end à la maison.

- J’assume les choix que j’ai fais pour l’avenir. Mais parfois mes amis me manquent et toi aussi.

Lorsque nous passons l’entrée des écuries, le jour se couche presque. Dans les box nous nous occupons correctement des chevaux qui ont également bien profité de leur journée, jouant dans la rivière, s’arrêtant pour brouter de l’herbe ici et là. Dalia et Perle de retour dans leur pré, nous rentrons à la maison, passant rapidement voir Orion afin de lui donner des carottes et d’ouvrir à Biscotte pour qu’il passe la nuit sous le hangar comme d’habitude.

- Qui sait, tu auras peut-être Orion d’ici là, ajoute Charlotte.

Orion. Au fond de moi, je l’espère aussi. Je ne peux pas connaître ses capacités juste en l’observant mais je suis capable de déduire certaines choses. Une chose sûre, c’est un cheval intelligent. Malgré les blessures, Orion semble avoir d’excellents aplomb et un corps typé sport même si je ne connais pas sa race. Il a traversé la forêt sans trop d’encombre, à part les signes clairs de maltraitance et la peur qu’il a ressentit en nous entendant arrivé, il semblait avoir repris du poil de la bête. Ce qui soulève une question.

Depuis combien de temps errait-il sur la propriété avant de tomber sur Dalia et moi ?

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