Tiens, aujourd'hui, je vais dire : "un soir de plus"
On a parlé longuement de ces journalistes, qu'ils soient de la télé, de la radio ou encore de la presse écrite, sans oublier les menteurs numériques. Emile n'avait pas de mots assez durs pour soulager sa haine.
- Tu vois, disait-il, tous les enfoirés de Bouffons FM méritent simplement la corde ou le poteau d'exécution. Non seulement, ils savent tout avant nous parce que le gouvernement leur refile toutes les informations qu'ils ont ordre de nous communiquer, mais en plus, ils en rajoutent gratuitement en terrorisant la population. Ils sont juste à gerber, tous ces enfoirés !
- Faut dire qu'ils n'ont pas trop le choix, en fait. Les proprios des télés d'aujourd'hui sont tous des milliardaires, voire des puissances étrangères peut-être, et tu sais bien qu'il n'y a pas pires menteurs que ceux-là.
- Ouais, c'est vrai ! Mon dabe disait toujours : pour devenir riche, faut d'abord être malhonnête. Et plus tu seras riche, pire malhonnête tu seras ! Il n'avait pas tort, mon pater !
- Perso, ce qui me fascine le plus, c'est la capacité de ces mecs-là, et de ces gonzesses, parce qu'il faut pas oublier qu'elles donnent pas leur part aux chiens, à mentir sans sourciller. Un jour, j'ai lu un truc qui parlait des signes corporels qui trahissent les menteurs. Toute une série de petits signes sur le visage, des postures particulières et des détails de ce genre pour détecter celui ou celle qui raconte des balivernes. Infaillible, disait le bouquin !
- Ouais, renifla Emile, à mon avis tu t'es fait niquer par un sacré menteur, dès le départ !
- Comment ça ?
- Ben, en achetant ta merde, tu t'es fait rouler par un menteur qui prétendait avoir inventé l'invention inventive de la pierre philosophiquement philosophale ! rigole-t-il.
-C'est pas faux, fais-je, un peu surpris de ne pas y avoir pensé plus tôt. Tu crois que c'est des conneries, tous ces trucs de détection des menteurs ?
- Je sais pas, mais je crois que tu as perdu un peu de blé pour pas grand-chose...
- En attendant, je peux te garantir qu'aucun de ces signes n'apparaissent sur les gueules d'ange de nos politiciens ! Eux, ils arriveraient à te faire croire que la Lune est plate, scotchée au plafond de ton salon !
- Avec moi, impossible ! rétorque Emile d'un ton péremptoire. J'ai pas de salon, pour commencer. Ensuite, si j'avais un salon, la Lune tiendrait pas dedans !
J'éclate de rire en voyant avec quel sérieux il me déclare la chose, le bonhomme. Du coup, ça le fait rire aussi.
- N'oublie pas, quand même, que tous les dirigeants de ce pays, te mentent tous les jours et tu ne dis rien ! fis-je pour relancer la conversation.
- Tous, vraiment ?
- Y a peut-être un parlementaire qui est assoupi sur son fauteuil de cuir depuis le début de cette crise et qui n'a pas encore ouvert son claque-merde pour dire une connerie, sinon mate un peu la liste de ceux qui t'ont chanté la messe pour cette stupide histoire de masques médicaux : Président de la République, Premier Ministre, Ministre de la Santé, Directeur Général de la Santé, Porte-parole du gouvernement, Ministre de l'Agriculture et toute la clique des secrétaires d'état, tous les enfoirés de LREM, l'intégralité des journalistes du pays, jusqu'aux plus obscures d'entre eux, la quasi-totalité des médecins du pays, à de trop rares exceptions, et j'en passe !
- Vrai que ça fait un paquet, répondit Emile, soudain songeur. Et tu crois pas qu'ils ont tout fait pour nous préserver quand même ? Regarde bien que la crise est mondiale, et c'est bien la première fois qu'on vit une situation pareille.
- Là n'est pas le problème, au moins pour ce qui concerne les masques à la con. Après tout, il suffisait de réfléchir une seconde et se demander pourquoi les toubibs et tous ceux qui gravitent autour des malades auraient été les seuls à justifier de ces protections, hein ?
- Exact, à commencer par leurs patients qui, s'ils en avaient eu plus tôt auraient peut-être été épargnés, c'est ça ?
- Ben ouais... Pourquoi refiler un masque à un malade, sinon parce qu'il peut infecter tout le monde. Tu crois vraiment que tu pourris la vie des autres seulement quand la tienne se retrouve branchée à un respirateur artificiel ? Franchement, ils se foutent de la gueule du monde ! Mais peu importe. Ce qui est fait, est fait, comme on dit. Mais ce que je veux te dire, c'est...
- Que t'as du mal à le dire ! pouffa Emile.
- Arrête de m'interrompre, merde ! T'as raison, c'est déjà bien assez dur comme ça ! Ce que je veux dire c'est que tout le monde à menti à la population !
- C'est dit !
- La ferme ! Ils ont tous menti. Ils prennent des postures, articulent des mots bien arrondis, comme leurs sourcils pour se rendre plus convaincants, mais en fait, ils te racontent des mensonges pas possibles ! Comment veux-tu faire confiance à une bande d'enculés de ce genre, merde ?
Emile ne trouva pas d'argument pour me contredire. Et tant mieux, parce que je crois qu'on aurait fini par s'engueuler vraiment, lui et moi. Et ça m'aurait fait chier de m'embrouiller avec mon meilleur pote à cause d'une bande de dégénérés pervers et manichéens. Peut-être qu'Emile avait pensé à ça avant moi...
- Ces mecs-là, appuyés par tous les pantins parlementaires du parti du Président, sont juste bons à tuer, merde !
- Tu vas quand même pas passer tout le monde à la sulfateuse, hein ? se marra Emile. Tu vois pas le bordel !
- Ben, justement, ça foutrait le bordel. Et crois-moi que j'oublierais pas les journalistes, les milliardaires, et toute la clique !
- Les pauvres milliardaires ! Ils seraient obligés de s'enfuir à l'autre bout du monde. Tu te rends compte, s'ils se barraient, ces cons-là ? Plus de richissimes grossiums en France ! Pauvre France ! ironisa-t-il encore.
- Eh bien, qu'ils se barrent et qu'ils emmènent leur engeance avec eux ! Des riches, on en fera de nouveaux. Et peut-être que ceux-là s'occuperaient un peu mieux du monde !
- Va savoir ! répondit Emile. Le pognon et le pouvoir ramènent les hommes à leurs plus bas instincts. On n'a jamais vu un seul "grand homme" s'occuper de son peuple avant ses propres intérêts, n'c'pas ? Charité bien ordonnée, commence par soi-même, ça te dit quelque chose ?
- De Gaulle ? hasardais-je.
- Mon cul, oui ! C'est lui qui a poussé à la création de l'ENA ! A peine la Capitale libérée en 44, il a viré les FFI des rouages du Pouvoir pour y placer les fils de leur mère qui finiront d'ailleurs par avoir sa tête, à ton grand Charlot !
- Ah... ben... Toi et moi ?
- Ah ouais ! s'exclame-t-il, très intéressé. Moi, je veux être aux Finances ! Je vide les comptes et je me casse aux Bahamas, direct !
Il se marrait comme une baleine, ce con !
- Et toi, reprend-il, je te bombarde à la Justice ! Au moins le temps de faire le ménage dans les coulisses.
- Je te raconte pas le ménage de printemps que je ferais ! m'enflammé-je aussi. Pour commencer, tous les sénateurs, tous les parlementaires, et aussi tous ceux qu'on voit pas mais qui vivent grassement de la République, les Rapporteurs du Budget, les sécrétaires de ceci-cela, les présidents de la présidence du présidentiat du club national des enfoirés, et tous les gentils sociétaires du Jockey Club, ainsi que leurs rombiasses surchargées de bijoux, celles qui chantent qu'elles se sentent propriétaires de la France quand elles déplacent leurs kilotonnes de graisse dans les avenues chics !
- Mazette ! siffle Emile. Tu comptes pas tuer tout le monde, quand même ! Tu sais, faudra bien en garder quelques uns pour faire tourner la machine !
- Je veux pas les tuer ! Juste les jeter en prison, avec les pires matons qu'on pourrait recruter ! Et leur interdire de revenir exercer un quelconque pouvoir dans mon pays ! Et qui dirigerait, me demanderas-tu ?
- Euh, si tu veux... fait Emile qui commence à trouver le temps long.
- Nous ! Nous tous !
- Eh bé... On sera pas dans la merde !
- En fait, on n'a pas besoin d'un président, ni de toute cette clique de malfrats pervers ! Imagine une société ou les responsables n'existent pas.
- Comme aujourd'hui, tu veux dire ? demanda-t-il d'un air innocent.
- Aujourd'hui ?
- Ben ouais, comme maintenant. Ils sont tous coupables, mais aucun ne sera jamais responsable ! pouffa-t-il, content de sa vanne.
- Non !
Je m'énervais, et ça l'amusait. Il m'avait poussé sur le chemin terrible de la contestation sociale, et moi, bonne poire, j'avais plongé la tête la première dans le chaudron ! Il voyait bien que je fulminais, alors il tenta de me faire descendre de mes grands chevaux.
- Keep cool, mon pépère ! Tu sais, ce que tu dis, je l'entends tous les jours, un peu partout. Alors, faut pas désespérer, un de ces quatre, on va se réveiller et on leur foutra sur la gueule une bonne fois. Les choses changeront pas pour autant, mais on virera ces gangsters et on les remplacera par des petites frappes qui seront moins habituées à nous opprimer. Tiens, sers-moi un café, ça te calmera un peu !
Je me lève de mon canapé et je vais lui faire son café. Vrai que j'avais besoin de revenir sur Terre...
- Tu crois que c'est à cause du confinement que je pète les plombs comme ça ? fis-je quelques instants plus tard en déposant deux cafés sur la table du salon.
- Pourquoi pas ? Je te parlais de ma nana, tout à l'heure... Je suis pas sûr que tout soit à mettre sur le dos du confinement, mais pour autant, je reste de plus en plus persuadé que cet enfermement obligatoire fait émerger toutes ces choses qu'on garde habituellement pour soi. A force de faire de nous des pantins ineptes, on finit par ruer un peu dans les brancards. Mais bon, à bien y regarder, c'est un peu beaucoup de notre faute, faut le reconnaître...
- Tu déconnes ou quoi ? dis-je, près de repartir à fond les manettes.
- Pas un instant ! Tu sais, s'ils sont à ces places, c'est d'abord parce qu'on serait pas foutus de faire leur taf, à ces emmanchés. Ils savent des trucs et des machins qu'on n'a même pas idée. On voit que ce qu'on veut voir.
- Non ! Ils ne montrent que ce qu'ils veulent bien montrer ! Et toutes les magouilles restent bien planquées !
- En attendant, personne pour les remplacer, véritablement. Et encore moins pour les virer ! Tu sais, s'ils sont là, c'est qu'on le veut bien, en quelque sorte.
- Toi, j't'préviens, tu vas passer par la fenêtre si tu continues à leur cirer les pompes !
- MAIS... Je suis totalement d'accord avec toi en ce qui concerne leurs mensonges, leurs abus de pouvoir, le décorum monarchique dont ils s'entourent. Et puis je suis aussi d'accord pour râler avec toi quant à la transmission de plus en plus évidente des postes qu'ils se réservent. Le népotisme se cache souvent là où l'on l'attend le moins.
- Attends ! Je vais te dire...
- Non, tu vas rien me dire de plus pour ce soir ! me coupa-t-il en levant sa main d'un geste autoritaire. Le vieux con que je suis est fatigué. Tu me fatigues avec tes colères d'utopiste ! Maintenant, tu vas me refiler une couverture et je vais pioncer sur ton canapé, ok ?
Il m'avait coupé le sifflet d'un simple geste ! Et, avec ma phrase en suspens, je restai une seconde bouche bée, surpris et désarçonné. Je regardai enfin ma montre : trois heures du matin !
- Allez, fin de séance ! Le Président du Parlement de chez toi vient de décréter qu'il est temps d'aller se reposer les neurones !
- Bon, finis-je par concéder. Tu oublies le canapé, et tu vas roupiller dans la chambre d'amis. C'est pas Versailles, mais...
- C'est bien comme ça qu'ont commencé les bourgeois de merde ! rit-il de sa forte voix.
Je lui jetai un regard plein de reproches puis, l'instant d'après, je lui fis signe qu'il n'avait peut-être pas complètement tort.
C'est quand même dingue ce qu'on finit par dire à force de ne pas pouvoir faire autre chose.
Putain de confinement.
A suivre...
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