Vu dans les yeux d'une mouette
Sur les hauts en galets d’une plage glacée de l’Antarctique, un cairn, monté visiblement à la hâte, abrite une famille de manchots. Quelque chose gène le malhabile père de famille. Un objet, inséré entre deux pierres, instable, menace, il va glisser. D’un coup le destin se hâte, et la bouteille en équilibre tombe et se brise. Déjà le court manuscrit, rédigé sur une page de cahier d’écolier, s’envole dans le vent impitoyable d’une tempête australe. Bientôt, déchiré puis abrasé par les cristaux de glace propulsés par la tourmente, il ne restera plus de l’épitaphe à la mouette que morceaux, débris, particules minuscules livrées à l’intense bombardement des ultra-violets.
Heureusement, l’esprit n’est pas entièrement soumis aux lois de la physique, et celui de l’écrivain l’est encore moins, dans sa folie.
Aussi, avant que l’inéluctable ne fasse son œuvre, en offrande à la mouette amie de Fouettard, permettez-moi d’édifier, ici face à la mer grondante, une ultime fois, la barrière sableuse du souvenir.
« Mouette ! T’es morte et ta mort m’émeut
T’es là, sous les cailloux, ma mouette
Tes os froids m’effraient
On t’a assassinée
T’es morte, mouette, et ta mort m’émeut
Mouette, dans tes yeux jolis j’ai vu
La plus chouette ma mouette
On t’a tuée
T’es morte, et ta mort m’émeut, mouette
Plus qu’humaine t’étais
Ô câline t’étais
Belle t’étais
Mouette ! Ta mort m’émeut. T’es morte.
Alors, ces mots du Fouettard,
Qu’est toujours ton ami,
Qu’a toujours du Knackie,
Pour dire, ben, que tu voles toujours dans sa tête.
Au revoir, Mouette.
Ta mort m’émeut. »
Je me suis permis, afin de faciliter la lecture, de corriger les fautes d’orthographe. S’il devait en subsister, je vous prierais de bien vouloir me les imputer, et d’en exonérer Fouettard. Lui seul est l’artiste dont les mots, simples et touchants, doivent parvenir jusqu’à vous. J’espère que vous y serez sensibles, et qu’ils rejoindront votre âme comme ils ont rejoint la mienne.
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