Chapitre 15 : Confiance.

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De retour dans le bureau de Monsieur Xavier, après la cérémonie de rentrée, Chuck observa le vieil homme en faire le tour. Ce dernier jeta un œil aux tableaux accrochés aux murs comme s’il s’agissait de la première fois qu’il les voyait. Il s’arrêta devant la tour eiffel, les bras croisés derrière son dos.

Chuck avait confiance en peu de monde, mais il avait de l’affection pour cet homme énigmatique. Durant ses années scolaires, indirectement, il avait été un pilier et parfois un exemple. Le Richess n’avait jamais été en bons termes avec ses parents et encore moins avec son père, mais Chuck pouvait le remercier pour une raison. À force de stratagèmes et de réflexion, afin de lui échapper, il avait fini par devenir l’homme qu’il était, c’est-à-dire quelqu’un de réfléchi et d’intouchable. Monsieur Xavier venait de la même fabrique : imprévisible, espiègle, gentiment fourbe… Derrière l’appel de l’attention et de la grandeur, se cachaient pourtant deux bonnes personnes. Un vrai nounours d’un côté et un ami trop bienveillant de l’autre.

Malgré son âge avancé, l’ours en peluche ne cessait d’étonner Chuck.

Debout, son regard fixé sur le monument que représentait le tableau, il sourit avant même de lui poser la question qui le taraudait :

  • Dites-moi… Est-ce que je peux connaître la raison pour laquelle vous avez accepté de rassembler les Richess dans la même classe ? Ce Kyle… me semble fort désagréable, pour l’avoir déjà rencontré. Vous avez toujours été un drôle de bonhomme, mais j’avoue que je ne saurais dire pourquoi vous lui avez fait cette joie ? Ce n’est pas très juste, souffla-t-il avec un semblant d’ironie.

Le directeur ne bougea pas d’un pouce, perdu dans ses pensées. Il tourna ensuite seulement la tête.

  • C’est vous qui me parler de justesse ? Chuck, lui répondit-il d’un ton de voix si doux qu’il aurait pu appartenir au gentil grand-père qu’il n’avait jamais eu. Hum, réfléchit-il en levant les yeux au ciel, ses mains accrochées l’une à l’autre dans son dos. Ce gamin est un peu spécial… Vous savez à quelle famille il appartient ?
  • Bien sûr. Je ne serai jamais passé à côté du nom Kuraga, acquiesça-t-il. Un enfant de mafieux à Saint-Clair, c’est tout de même particulier.
  • Certes, mais c’est aussi un enfant adopté, dit-il en chipotant à un bibelot sur son bureau. Plus que ça, Kyle Kuraga est un enfant contrat. Son histoire est un classique dans le milieu. Il a été acheté à sa famille dès sa naissance afin de faire le lien entre le Japon et les USA. Puisqu’il est né là-bas, ses parents ont joué sur sa nationalité pour s’y installer. Puis, ils ont étalé leur business. J’imagine que vous connaissez un minimum comment fonctionne la mafia japonaise ? En façade, leur entreprise était clean, mais derrière… C’est ce qui explique que Kyle a vu des horreurs sur son parcours, expliqua-t-il en relevant ses yeux bleus dans ceux de Chuck.
  • Comment sont-ils arrivés en Suisse ? demanda ce dernier, intéressé par son histoire.
  • Pour le “travail” et agrandir leurs horizons ? Erreur de parcours ? Besoin de sécurité ? C’est un mystère. Mais aujourd’hui, c’est ici qu’ils sévissent. Ce qui est certain, c’est que si nous pouvions prendre en compte tout l’argent sale qu’ils génèrent, ils dépasseraient de loin vos sept familles.
  • Je n’en doute pas, répondit Chuck, droit.
  • Je ne les ai jamais rencontrés, mais je dois dire qu’ils sont plus que malins. Avoir inscrit leur enfant dans la plus grande école de Suisse, avec l’espoir, j’imagine, que Kyle redore leur façade, c’était un bon choix.
  • Sauf qu’il n’est finalement pas bien différent d’eux… répondit-il, les bras croisés.

Monsieur Xavier baissa la tête. Il réfléchit longuement.

  • Je ne suis pas sûr, souffla-t-il. Premièrement, c’est un génie. S’il le voulait, il pourrait déjà avoir quitté l’école, mais il a de l’intérêt à rester ici. Tout le gratin futur est réuni à Saint-Clair, après tout. J’imagine que dans sa position, c’est intéressant de pouvoir observer tout ce beau monde de près. Ensuite, il hait ses parents au point de payer une somme considérable chaque année pour rester à l’internat durant l’été. Je crois que ça en dit beaucoup sur sa relation avec eux. Il ne veut pas leur ressembler.
  • Il ne les aime pas, mais il utilise l’argent de la même manière qu’eux… Sous la menace. Ça n’explique pas pourquoi vous le laissez faire ?
  • Je suis un peu faible, soupira-t-il en se replaçant face au tableau. À chaque nouveau cycle, je me promets de ne pas m’attacher à mes élèves. Surtout après le passage de votre génération à Saint-Clair. Mais il y en a toujours qui sortent du lot. Je ne suis pas un très bon directeur dans ce sens-là.
  • En même temps, difficile de ne pas s’attacher à nous, plaisanta Chuck en venant se mettre à ses côtés, plongeant dès lors en France.
  • En effet, répondit-il en hochant la tête. Ce gamin est sans doute l’un des plus riches de notre pays. Il a toutes les cartes en main pour se détacher de ses parents et construire un bel avenir, mais il est malheureux comme le monde, enchaîna-t-il, la voix nouée. Kyle jette sa fortune par les fenêtres, parce qu’il la détient de ses parents. Il joue avec les plus grands, parce qu’il s’ennuie. C’est un enfant capricieux, mais redoutable. Il faut croire que j’ai un petit penchant pour les énergumènes de cette espèce…
  • … Vous faites référence à… ?
  • Un petit monstre blond de votre époque qui a toujours su me mettre des bâtons dans les roues avec son grand sourire, pouffa-t-il entre ses lèvres.
  • Alicia, chuchota Chuck. Elle était redoutable à sa propre façon, c’est vrai.

Tous les deux plongèrent dans un long silence, observant les détails de la toile.

  • Vous appréciez tout particulièrement cette peinture, constata Chuck.
  • Tout à fait. Elle me fait réfléchir, avoua-t-il, le regard rêveur. Vous avez sûrement déjà entendu parler de ce tour de magie ? L’homme qui a fait disparaître la tour Eiffel ?
  • Gilles Arthur. L’un des plus grands prestidigitateurs au monde, notamment suite à cette performance. Évidemment.
  • Je me demande souvent comment cet homme a-t-il pu rendre invisible quelque chose d’aussi conséquent.
  • C’est une très bonne question.
  • Mais ce qui me questionne encore plus, c’est comment les personnes autour ont-ils pu devenir aveugles à ce point ? envoya-t-il sans attendre de réponse particulière de la part de son binôme.

Chuck plissa légèrement les sourcils et jeta un œil à Monsieur Xavier. Il regardait cette peinture avec tant d’amour qu’il avait l’impression que quelque chose lui échappait.

  • Elle m’a été envoyée directement de Paris, dit-il en venant caresser les moulures en bois qui l’encadraient. Peinte par quelqu’un qui m’est cher, s’expliqua-t-il avec douceur. Vous devriez aller faire un tour par là-bas. Il y a tellement à voir, sous-entendit-il ensuite.

Il y avait longtemps que le Richess ne s’était pas rendu à la ville lumière. Le directeur avait été assez mystérieux pour lui donner l’envie d’y retourner, quand il en aurait le temps…

Celui-ci revint sur le sujet principal.

  • J’ai accepté ce marché avec Kyle, parce que je n’arrive pas à le tenir et que je souhaite qu’il soit assidu à l’école. Je m’y suis attaché malgré moi… C’est mal, n’est-ce pas ? déclara-t-il, un léger air coupable se dessinant entre ses rides. Mais à force de le voir ici chaque été et en connaissant sa situation, je n’arrive pas à m’empêcher d’avoir de l’affection pour lui. Je crois bien que j’ai un faible pour les chiots abandonnés.
  • Comme ces élèves du Lycée Gordon.
  • Peut-être, dit-il en fermant les yeux un court instant. Ceci dit, ce n’est pas la seule raison pour laquelle j’ai accepté. En plus de trente ans de carrière, je n’ai jamais eu l’occasion d’assister à un tel rassemblement. Puisque c’est ma dernière année ici, j’ai décidé de ne pas être raisonnable.

La nostalgie envahit alors Chuck qui prenait conscience de ces mots. Son torse se souleva. Il le comprenait sur tous les points, bien qu’il ne lui donnât pas forcément raison.

  • Ma curiosité restera à tout jamais mon plus grand vice, mais que faire… Je ne pouvais pas passer à côté de cette idée. L’ensemble des Richess dans la même classe, ça promet de faire de belles étincelles ! s’exclama-t-il joyeusement.
  • … Et maintenant que nous connaissons le duo de délégués, c’est d’autant plus réel, répondit Chuck en baissant les yeux.
  • Seriez-vous déçu que votre fille ne se soit pas présentée ?
  • … Un peu ? avoua-t-il après un temps à la grande surprise de Monsieur Xavier. J’ai toujours été honoré par le fait qu’elle puisse vouloir suivre ma voie, mais ce n’est visiblement pas ce dont elle a envie…
  • Alors, qu’est-ce qui vous tracasse ? tapa-t-il dans le mille.

Chuck s’assit sur un coin du bureau. Il ne parlait que rarement de ses incertitudes, mais face à cet homme, en qui il avait confiance, la porte fermée s’entrouvrait. Il déglutit. Le directeur s’en rendit compte et apprécia la vulnérabilité dont il faisait preuve tout en admirant la lumière matinale qui se mêlait à ses cheveux bleus.

  • Je dois avouer… se mit-il à jouer avec un stylo bic en écrasant la pointe sur un bout de papier. Que je ne la comprends pas toujours et… de moins en moins. Parfois même, j’ai l’impression qu’elle ressemble de plus en plus à sa mère et… Vous savez ce que je pense de Priss. Je ne veux pas qu’elle devienne comme elle. C’est une femme égoïste. Fort heureusement, ce n’est pas le cas de Laure, mais je ne sais pas ce qu’elle pense. Je suis soi-disant un des plus puissants hommes de mon pays et je ne suis même pas capable de comprendre ce qui se passe dans la tête de ma fille… C’est ridicule, vous ne trouvez pas ?
  • Loin de là. Je crois juste que vous n’êtes pas imperméable aux grands questionnements qu’un père peut rencontrer face à son adolescente.
  • Hum, pouffa-t-il maladroitement en passant une main sur sa nuque. J’imagine.

Il y avait quelque chose de fort plaisant à voir un homme de son gabarit perdre ses moyens en tant que parent. Le directeur ne voulut pas l’inquiéter en lui avouant qu’il trouvait Laure Ibiss plus qu’ingénieuse. À ses yeux, le fait qu’elle ne se présente pas devait être tout à fait réfléchi, mais comme Chuck, il aurait été incapable de dire ce qui lui traversait l’esprit.

De la même façon, les deux hommes étaient forts curieux de découvrir comment le nouveau duo à la tête des délégués allait gérer leurs postes respectifs. Cela faisait partie des nombreuses choses qui concernaient le Richess :

  • J’ai été fortement étonné par Nice Challen, dit-il d’un air pensif.
  • Ah, c'est un petit bout... mais c’est quelque chose, en effet, répondit le directeur, lui aussi laissant son esprit s’évader.

***

La plus petite des Richess sortait de l’auditorium en même temps que toute sa classe, son sac de livres pendu à ses premières phalanges. Comme à son habitude, elle resta sage dans le rang en montant les nombreux escaliers. Selim, à ses côtés, gigotait dans tous les sens, surexcité par la rentrée. Leur titulaire décida de laisser ses étudiants exprimer leur joie tant qu’ils en avaient encore, et à ce propos, Kyle avait fait les choses jusqu’au bout : il s’agissait de Sylvia. Pour ce cadeau, Steve l’aurait presque embrassé sur la bouche.

Au fond du rang, les deux monstres de la classe jetèrent un œil sur l’ensemble des élèves. Nice qui observait le sol de manière insistante, attira particulièrement l’attention du petit journaliste qui s’en alla en criant :

  • Gloire aux délégués !

Cette dernière ne prit même pas la peine de se retourner. Elle s’attarda futilement sur les lacets de ses bottines qui se défaisaient. Le père de Laure et le directeur passèrent dans le couloir à ce moment-là. Selim en profita pour coller un baiser volant à son adorable petite amie. Quand le grand Richess s’arrêta pour répondre à une question de leur professeur, Nice releva ses prunelles brunes sur l’homme. Elles étaient d’une noirceur inconsidérée.

  • Bébé ?

Selim l’appela plusieurs fois, mais elle ne répondit pas de suite. Sa voix lui parvint difficilement. Quand ce fut le cas, elle tourna sa tête d’un coup, ses mèches volant devant son visage :

  • Quoi ?! répondit-elle sèchement en attirant l’attention des élèves autours.
  • Oh, mais… Qu’est-ce que tu as ? s’inquiéta Selim en se rapprochant de son visage pour gagner en intimité. Ça ne va pas ? demanda-t-il en venant caresser sa main du bout des doigts.
  • Rien.
  • Rien ? Mais dis-moi…
  • C’est bon, grogna-t-elle alors que de plus en plus de personnes se retournaient sur eux.
  • Elle boude, parce qu’elle n’a pas été choisie comme déléguée…

La voix vicieuse de Kyle qui l'atteignit depuis son dos fut la goutte de trop. Elle se retourna d’un coup à la grande surprise de Selim qui lui attrapa le bras par réflexe :

  • Il y a de quoi ! éleva-t-elle la voix en se montrant droite.
  • Nicette ? essaya de l’interpeller Faye qui ne l’avait jamais vu ainsi.
  • Il faut savoir accepter sa défaite…
  • Ta gueule, Kyle, surprit-elle tout le monde encore une fois, accédant à l’attention de Chuck et Sylvia. Tu sais autant que moi que ce vote n’avait rien de juste, déclara-t-elle fermement.

Sa réflexion atteignit le bout du rang. Sky en sortit et se rapprocha de son amie de toujours, le visage plein de questions :

  • Pourquoi tu dis ça ? demanda-t-il d’abord. En quoi il n’était pas juste ? enchaîna-t-il en fronçant les sourcils.
  • Parce qu’il ne l’était pas, répéta-t-elle en perdant un instant sa confiance.
  • Ah ouais ? Pourquoi tu réagis après coup alors ? tenta-t-il de comprendre, à la fois déphasé et agacé par ce qu’elle venait de dire.
  • Ça va, essaya de tempérer Selim. Elle est juste…

Mais il ne savait pas ce qui l’énervait autant.

  • Juste quoi ? le reprit-elle. Déçue ? De constater encore une fois que les votes se sont fait à l’appréciation ? envoya-t-elle ensuite en lançant sans aucune crainte un regard à Sky qui la dépassait de loin en taille.
  • Pardon ? lui lança-t-il, rebuté.

L'annonce de l'élection soudaine avait remué l'assemblée dans l'auditorium, ainsi que les quatre concurrents. Ils n’avaient rien préparé pour ce moment. Ce fut le claquement de main de Chuck qui les rappelèrent à l’ordre.

Ce dernier avait proposé de fonctionner en deux temps. Le premier vote revenait à leur classe. De manière très simple, chaque élève de la cinquième B fut invité à se mettre en ligne derrière le concurrent qu’il souhaitait avoir comme délégué. Pour ce faire, chaque candidat improvisa un discours. Avec éloquence, Loyd avait prôné une année organisée et pleine de surprise. De la même manière, Nice puisait ses meilleurs arguments dans son dévouement pour Saint-Clair et ses élèves. Le binôme espérait bien récupérer leur place de l’année scolaire passée.

Au tour de Kimi, cette dernière eut droit à des sifflements des étudiants de son ancienne école. Ce qu’elle souhaitait par-dessus tout, c’était l’intégration de chaque élève et de pouvoir apporter à chacun ce dont il avait besoin. Les mains sur les côtes, elle n’eut pas peur quand Sky reçut, quant à lui, de nombreux cris de la part des filles. Il dut attendre le silence pour pouvoir s’exprimer :

  • Je ne me suis jamais présenté comme délégué avant aujourd’hui. J’avais la flemme. C’est un mensonge, souffla-t-il dans son micro en usant de son plus beau sourire. Non, je suis destiné à devenir un grand homme d’affaire, dit-il avec une pointe d’ironie. J’ai donc appris qu’il fallait d’abord observer ses concurrents à l’œuvre avant de se mettre soi-même en action. Cette année, je suis prêt à le faire. Je suis motivé… Pour “vous”, fit-il craquer toutes les nanas. Je sais exactement comment m’y prendre pour rendre cette année aussi fun que scolaire, car j’aime l’ordre, mais j’adore m’amuser.

Sans surprise, au premier vote, la plupart des filles de la classe s’étaient alignées derrière Sky. Presque toutes sauf Faye qui avait évidemment pris parti pour sa meilleure amie, comme Selim qui scandait le prénom de Nice.

Laure, quant à elle, s’était rangé du côté de Loyd. Ce qui avait été plus étonnant, par contre, ce fut le vote d’Alex qui se dirigea vers Kimi. Bien que celle-ci fut flattée, elle fut mal à l’aise en voyant ses copains lui faire des signes d’incompréhension. La grande rousse particulièrement n’avait pas compris son choix, mais il voulait simplement apporter un soutien à son amie. Sky n’en avait pas besoin… Il avait toutes les filles de son côté. Notamment au deuxième tour quand Chuck et le directeur demandèrent au restant des cinquièmes de voter à main levée pour départager les deux concurrents en liste.

Cette fois encore, les midinettes de Saint-Clair profitèrent de l’occasion pour faire de la lèche au premier Richess.

Dans le couloir où s’opposaient dès lors le nouveau président des cinquièmes et Nice, cette dernière se plaignait précisément de ce favoritisme. Véhémente, elle lui balança ses quatre vérités :

  • Ne te voile pas la face. Tout le monde a voté pour toi parce que tu es beau ! La preuve, c’est que tes votes étaient quasiment exclusivement féminins. De nos jours, encore, appuya-t-elle, les gens votent pour des personnes parce qu’ils sont charismatiques ou par intérêt ! Aucune personne dans cette classe n’a réellement pensé à l’avenir et aux projets que nous pourrions construire ensemble avant de te choisir toi et Kimi. Ils vous ont choisi parce que c’est excitant ! Comme l’année passée lorsque Laure et Loyd se sont affrontés, parce que le show était marrant à regarder, mais fort heureusement… L’année passée, nous étions face à deux personnes capables et Loyd m’a choisie en sous-délégué, parce qu’il savait que…

Elle n’eut le temps de reprendre sa respiration que Sky la coupa :

  • Que “quoi” ? Bah vas-y dit, l’encouragea-t-il d’un petit geste de la tête.
  • Que notre travail serait excellent et qu’il serait utile à la fois à notre classe et à l’école.
  • Tu insinues que nous ne sommes pas capables de faire un bon travail ?

La voix de Kimi qui se rapprocha à son tour, pleine d’émotion, lui parvint difficilement. Comme Sky, elle avait reçu beaucoup de soutien, mais de la part de garçons et de filles, ainsi que de ses anciens amis, la menant à la deuxième place.

Elle était devenue la sous-déléguée et en était fière, mais face à Nice, elle avait le regard attristé. Elles étaient amies. Cette dernière n’avait aucune envie de la blesser, mais elle ne pouvait pas aller à l’encontre de ses convictions. En resserrant ses doigts autour de la lanière de son sac, elle essaya d’agir avec considération :

  • Je crois que si le vote s’était déroulé dans des conditions normales, le résultat aurait été bien différent. Est-ce que seulement tu te serais présentée, d’ailleurs ? C’est une réelle question. Avant ça, Kimi, tu n’avais jamais…
  • Mais toi non plus, répondit-elle rapidement, blessée. Toi non plus, jusqu’ici tu n’avais jamais dit que tu voulais être déléguée. C’est parce que Loyd t’a choisie…

Nice détourna légèrement la tête et passa ses doigts entre deux de ses courtes mèches en pinçant les lèvres. Parce qu’elle n’avait pas osé. Elle ne l’avouerait pas, têtue.

  • Ça ne change rien au fait que ça n’aurait pas dû se passer de cette manière…
  • Dans ce cas, apparut Chuck, puis-je savoir comment cela aurait-il dû se passer ? intervint-il en empêchant Sylvia de les interrompre d’un geste.
  • Ah. Vous, répondit-elle du tac au tac en bravant les yeux du grand Richess. De manière plus démocratique.
  • Chaque élève a pu voter…
  • Et de manière plus réfléchie, ne lui laissa-t-elle pas le temps de s’étaler. Vous aurez beau dire ce que vous voulez… Aujourd’hui, comme de nombreux autres jours, d’ailleurs, vous avez profité de votre statut pour faire le show, parce que ça vous amuse. Je vous respecte sur bien des points, s’en alla-t-elle en s’approchant légèrement de lui, mais je déteste votre manière de prendre Saint-Clair pour un acquit, pour la simple et bonne raison que vous y injectez de l’argent.

Alors que tout le monde se faisait tout petit, Chuck haussa les deux sourcils en l’observant mieux. En se réhaussant depuis la pointe de ses pieds, ses yeux brûlaient de rage.

  • Qu’est-ce qui te fâche autant ? réussit-il à placer. Est-ce simplement le fait que tu n’as pas été choisie ou…
  • Je viens de vous le dire ! Avec cette manière de procéder, vous avez brulé les chances de nombreux élèves de se présenter comme délégué ! Vous avez décidé qu’il devait s’agir d’un Richess et personne qui n’entrait dans ce statut n’a osé se présenter… Ce vote a été faussé par votre seule envie et…

Elle s’arrêta de crier quand deux mains vinrent encadrer ses épaules depuis son dos. Nice, le cœur battant, énervée, se retourna pour s’en défaire. Les prunelles de Laure l’emprisonnèrent. Doucement, elle ferma ses paupières pour la forcer à se calmer et souffla tout doucement entre ses lèvres. Cela fonctionna, seulement parce que son regard lui montrait qu’elle l’accompagnait dans sa pensée, à l’inverse de son père. Laure lui sourit alors et se dégagea du groupe pour s’installer à côté de Chuck.

  • Et si… Nous nous calmions ? proposa-t-elle d’une voix calme en joignant ses mains. Je crois que mon père a simplement voulu… démontrer… se força-t-elle à parler avec une voix posée, que les injustices existeront à tout jamais.

Celui-ci ouvrit un peu plus les yeux. Il ressentit une vive pointe sous son torse. Davantage quand sa main se déposa sur son avant-bras et qu’elle l’invita à partir d’un mouvement de tête, ce qu'il fit en toute élégance aprés un salut.

  • Les votes sont clos. Nous devons faire avec, donc… essayons plutôt de débuter cette année dans la joie, même si… se retourna-t-elle vers Sky, puis vers Kimi. C’est votre rôle maintenant de calmer ce genre de situation. A vous aussi, visa-t-elle ensuite Sylvia. Ainsi que de faire en sorte de ne pas être déstabilisée à la moindre petite provocation.

Cette fois, elle parlait de Kyle et Steve.

  • Bien. Maintenant que vous êtes calmes, je vous en pris Madame, faites votre travail, l’invita-t-elle d’un geste de main à reprendre les rênes.
  • Oui… Je… te remercie, Laure. Vous pouvez rentrer en classe.

Tandis que tout le monde s’exécutait et que Nice regardait à nouveau le sol, elle leva les yeux sur sa copine un instant. Quand celle-ci lui fit un clin d’œil, une envie violente de pleurer la prit, mais elle la réprima et entra avec les autres dans le local, la tête haute.

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