Chapitre 29 : "Je t'aime, moi non plus."

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Le thé au bord des lèvres, Eglantine clarifia la situation en tenant sa tasse de manière distinguée.

  • Donc, l’idée de divorcer est venue de John-Eric.
  • C’est ça, acquiesça Blear qui gardait ses mains accrochées l’une à l’autre.

Un silence naquit entre les quatre femmes, chacune portée à la réflexion. Marry le cassa en s’intéressant à ce que pouvait éprouver son amie actuellement.

  • Est-ce que tu lui en veux ?
  • Non, répondit-elle rapidement. Non, pas du tout. John a vraiment été… Comme je vous l'ai expliqué, il a été très patient sur les derniers mois qui ont précédé notre séparation. Il m’a soutenue dans les moments difficiles, que ce soit avec les enfants, le travail ou entre nous… Oui, il est resté très correct, alors que…

Blear ressentie une vive culpabilité en se remémorant le soir qui avait suivi son passage à Saint-Clair. Lysen avait séché les cours et pas avec n’importe qui, puisque son complice avait été le fils de Dossan. Cette nouvelle avait été en soi un premier choc. Forcée de se rendre à l’école avec ce dernier, tout avait mal tourné. Que ce soit avec ses propres enfants ou encore avec ceux de son ex-petit ami, ainsi que lui-même. Non seulement elle avait été déçue des mensonges successifs de Dossan, mais leur rencontre avait fini par une dispute.

Ainsi, en rentrant chez elle le soir même, la présence de John-Eric avait été un vrai havre de paix. Qu’aurait-elle fait sans lui ? Elle s’y était raccrochée dans l’espoir de se sentir mieux et alors qu’ils n’avaient plus eu de rapports intimes depuis des mois, Blear et John-Eric s'étaient retrouvés… Pour finalement mieux tomber. Mal en point, elle avait fait à la fois preuve de faiblesse, mais aussi de mauvaise foi, nourrissant les espoirs de son mari avec cette tendresse qui ne dura pas. Seulement, lui savait comment faire la part des choses. D’abord noyé dans une idylle d’amour, il sut s’en détacher pour voir la réalité en face.

  • Il a pris la décision que je n'osais pas prendre pour nous deux… Je ne le remercierai jamais assez pour ça et tout ce qu'il a pu m'apporter durant toutes ces années. Ça m'a brisé le cœur de…

Un élan d'émotion la saisit. John avait mis le doigt sur le bon argument pour qu’ils se séparent dans les bonnes formes : elle ne l’aimait plus comme avant. Ce temps-là était fini, mais malgré tout, la peine de Blear restait immense. Elle en souffrait et elle eut le sentiment de devoir s’en justifier :

  • Quand même… Vingt ans, c'est long. Je sais que c’était pour un mieux, mais… Je ne saurai comment expliquer…
  • Tu as du mal à t'en détacher, l'aida Katerina en s’avançant dans son fauteuil.

Blear acquiesça sévèrement.

  • C'est tout à fait normal, la rassura-t-elle d’une voix posée. Tu l’as dit, vous avez vécu de nombreuses années ensemble et de belles aventures. C'est le père de tes enfants, le premier garçon que tu as aimé et vous en avez traversé des épreuves ensemble. John est un homme remarquable. Après tout ce temps, il n'y a rien de honteux à ce que votre séparation t’atteigne. C’est tout frais en plus. Personne ne t’en voudra d’avoir de la peine, car vous vous séparez avec ton mari qui est… Quelqu’un de très attentionné, appuya-t-elle, car elle voyait que Blear s’en voulait. Tu as le droit d’être triste.
  • Fiou… siffla Marry, bluffée par les mots de Katerina.

Son attitude eut bon d’apaiser la lourdeur de la conversation. Sous les lustres étincelants du salon, les yeux de Blear brillaient. Elle garda une petite mine en hochant plusieurs fois de la tête. Elle prenait de plus en plus conscience de la fin de sa relation avec John. Une larme finit par couler sur sa joue. Katerina se déplaça pour lui apporter du soutien. Elles étaient toutes émues.

  • C’est dur… lâcha-t-elle dans un élan, la gorge nouée. Je ne pensais pas qu’on en arriverait là et que… ce soit si difficile de… d’encaisser tout ça…
  • Chérie… lui fit Marry, compatissante.

Elles la rassurèrent toutes de petits gestes affectueux, dans un respect presque silencieux. Une question titillait la blonde :

  • … Si tu te sens comme ça… Ne regrettes-tu pas ?
  • Je… Non. J’y ai déjà réfléchi une ou deux fois, à vrai dire, avoua-t-elle en séchant ses larmes. Quand je pense à tout arrêter pour me remettre avec John, c’est juste la peur qui parle… C’est une pensée égoïste. Il mérite mieux qu’une femme qu’il ne l’aime pas à cent pour cent.
  • Blear ! Ça ne fait pas de toi quelqu’un d’affreux ! s’exclama Eglantine qui ne supportait pas de la voir se rabaisser.
  • Je sais, mais… Voilà, non. Je ne regrette pas, se durcit-elle comme pour se donner confiance. Ce ne sera sûrement pas toujours évident et je sais que plus rien ne sera comme avant, mais ça ira… Seulement, je suis parfois un peu perdue et dépassée vis-à-vis de tout ce que ça engendre juridiquement parlant et sur comment envisager ma vie en tant que… femme célibataire, pouffa-t-elle, car ça lui paraissait iréel.
  • Je pense qu’une bonne session de shopping te ferait le plus grand bien ! déclara Marry qui souhaitait lui redonner le sourire et ça fonctionna.
  • J’avoue que… le sport et le shopping m’ont pas mal aidé à décompresser une fois que nous avons entamé le divorce avec Armin.

Katerina savait de quoi elle parlait. Sa réflexion poussa ses copines à se demander comment ça se passait de son côté, bien qu’elles avaient suivi les derniers événements avec Elliot.

  • C’est pour ça que je voulais t’en parler, expliqua Blear. Je ne sais pas comment tu l’as vécu, mais… c’est déjà éreintant, alors que ça fait peu de temps.
  • Je ne vais pas te mentir, ça l’a été, approuva-t-elle. Surtout au début, car ce sont des démarches que je n’avais jamais envisagées. Le partage des biens a été compliqué. Armin a essayé de me faire la misère. Pour être honnête, c’est grâce aux bons conseils d’Elliot que j’ai pu m’en sortir, bien que tout ne soit pas arrangé…

Dans sa manière de s’exprimer, Katerina faisait tellement femme. Il n’y avait aucun doute sur le fait que cette épreuve l’avait endurcie. Son visage montrait qu’en effet, cela n’avait pas été de tout repos. Elle paraissait également plus posée et douce qu’autrefois, bien qu’elle contenait toujours parfaitement ses émotions. Cela dit, Eglantine savait exactement comment faire émerger la personnalité qu’elle cachait au fond de son cœur. Tel un petit diablotin, elle ne se gêna pas pour la taquiner :

  • Vous filez le parfait amour, lui lança-t-elle en même temps qu’un clin d'œil avant de reprendre une gorgée.
  • … Je parie que c’est tout feu tout flamme entre vous, la suivit Marry, heureuse de trouver une partenaire de crime.

Blear, amusée, jeta un œil à la femme à côté d’elle, pensant qu’elle réussirait à leur rendre la pareille, mais elle la trouva toute rouge à la place. Katerina se mit à gigoter sur le fauteuil.

  • … Oui… lâcha-t-elle, la tête basse, parce qu’elle mourait de honte.
  • Eh bien ! Mes aïeux !
  • Je ne vois pas où est le problème ! reprit-elle du poil de la bête. Ah, vous êtes folles, se ventila-t-elle à l’aide d’un magazine.
  • Coquine.
  • Marry !

Des rires éclatèrent dans le salon. Alex s’arrêta au milieu de l’escalier en entendant les gloussements. Il pencha la tête en se concentrant sur leurs voix. Un sourire le gagna en distinguant leurs tons différents. La conversation avait l’air joyeuse. Cela lui fit plaisir. Il descendit les marches suivantes à pas de velours et s’avança au plus près du salon.

En tendant l’oreille, il devina que la femme en train de parler était la mère de Selim. Elle répondait aux questions le concernant :

  • Oh, il s’entend trés bien avec Elliot. Je n’en doutais pas, mais j’avoue que… J’ai été déstabilisée par le fait qu’ils plaisantent autant tous les deux. En fait, pour tout vous dire, je sais qu’ils ont eu une conversation… d’homme à homme une fois, prit-elle du recul en se rendant compte de la maturité qu’avait acquis Selim. Je ne sais pas trop ce qu’ils se sont dit. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à me faire tourner en bourrique depuis ! Elliot m’a simplement dit qu’il tiendrait sa promesse de ne pas me rendre malheureuse… Donc, conclut-elle un peu timidement, sans avoir besoin d’en dire plus.
  • Ça doit te faire plaisir, lâcha Blear, le regard rêveur.
  • Beaucoup, avoua-t-elle. C’est un soulagement. Mais ce n’est pas si étonnant, Selim a un caractère facile… Il est… aussi trés attentif à mes besoins. Je ne pensais pas dire ça un jour, mais parfois, j’ai la sensation qu’il s’occupe plus de moi que je ne m’occupe de lui.
  • Je suis certaine que tu lui rends parfaitement la pareille, intervint Eglantine.
  • Je fais de mon mieux, dit-elle en souriant. Depuis qu’Elliot et moi sommes de nouveau ensemble, j’ai l’impression de m’entendre encore plus avec Selim. Bon, il ne faut pas marcher sur ses plates-bandes ! Car il est trés protecteur, rit-elle de bon cœur, mais je crois qu’ils se sont trés bien compris dès le départ.

La relation que décrivait Katerina entre elle et son fils apparaissait comme un rêve amer aux yeux de Blear. Elle n’espérait plus entretenir de si bons liens avec Sky. Brisée par le poids de leurs conflits, elle restait heureuse pour son amie et préféra ne pas aborder le sujet.

  • Tout se passe bien avec Faye, aussi, poursuivit-elle. J’avais peur, pourtant. Mais elle m’a acceptée. Du moins, je crois, devint-elle pensive. En tout cas, j’ai été surprise qu’elle et Selim soient si complices.

Dans le couloir, Alex leva les yeux au ciel en se remémorant toutes les conneries du duo. Ils étaient infernaux ensemble. Il fut alors interpellé par ce que sa mère répondit :

  • La première fois que je l’ai vue, je l’ai aussi tout de suite trouvée agréable ! Et j’ai aussi vite compris qu’il se tramait quelque chose avec Alex. Je ne veux pas savoir ce qu’ils ont fait lorsqu’il lui a fait visiter la maison ensuite !
  • Marry… soupira Kat en haussant les épaules. Alors tu t’en doutais ? Je ne l’ai pas vu venir avec Selim. Il a l’air très attaché à Nice. Je ne l’ai jamais rencontré d’ailleurs… J’aimerais, mais étrangement, alors que j’ai invité Elliot et Faye chez nous, Selim n’a jamais réclamé qu’elle vienne à la maison.
  • Il a peut-être peur ? proposa Blear. Ce n’est jamais évident.

Katerina prit le temps d’y réfléchir. Son fils étant fort protecteur, elle en vint à la conclusion qu’il devait préserver sa petite copine.

  • En tout cas, reprit Marry, je crois que c’est une bonne idée. Je proposerai à Alex d’inviter Faye pour que j’apprenne à la connaître davantage !

Depuis sa place, le regard d’Alex s’arrondit par détresse. Il se glissa dans le salon de la manière la plus naturelle possible, déguisant son léger malaise par une expression charmante.

  • Il ne vaut mieux pas, répondit-il à sa mère qui se réhaussa de surprise dans le fauteuil. Tu risquerais de lui faire peur, la taquina-t-il ensuite.
  • Alex ! Tu n’es pas sérieux ! fut-elle outrée par ses propos. Et puis-je savoir depuis combien de temps te caches-tu là derrière ? répliqua-t-elle en croisant les jambes.

Le fils prodigue se pourlécha les lèvres tandis que les trois femmes autour le détaillait avec insistance. Alex avait tout du prince charmant : le mètre quatre-vingt, la chevelure dorée, les yeux bleus et le sourire ravageur. Du haut de ses dix-sept ans, sa stature imposante impressionna les Richess qui battaient dès lors des cils. Il le remarqua et décida d’en jouer pour se créer une place dans la réunion :

  • Mesdames, débuta-t-il d’un ton chaud en se courbant tout juste, je constate que vos verres sont vides. Puis-je vous servir autre chose ? demanda-t-il en se penchant pour rassembler le tout.
  • Ouh ! s’exclama Eglantine, ravie de la proposition. Je reprendrai de ce thé, garçon. Hihi, gloussa-t-elle en couvrant sa bouche de ses deux mains quand il lui envoya un regard perçant. Qu’il est mignon.
  • N’est-ce pas ? répondit Marry fièrement en venant cogner l’épaule d’Eglantine. Je veux bien un spécial cassis, chéri. Tu sais bien.
  • Et pour vous ? s’adressa-t-il à Katerina, passant outre les compliments.
  • Je crois que je vais me laisser tenter par cette boisson spéciale, répondit-elle avec un sourire en coin.
  • D’accord. Madame Makes ? Plutôt un café, peut-être ? essaya-t-il de deviner.
  • Oh… Non, répondit-elle maladroitement. J’ai aussi envie de tester le cassis, mais en termes de boissons chaudes, je préfère de loin un bon chocolat chaud.
  • … Tiens, lâcha-t-il en levant un sourcil. Comme Sky.

Elle n’eut le temps de réagir qu’Alex s’en allait dans la cuisine préparer les commandes de ces dames. Blear resta figé un temps. Cette remarque, aussi infime soit-elle, la toucha au plus profond d’elle-même.

  • Blear ? l’interpella Marry. Tout va bien ?
  • Ah… ! Oui… je… pensais simplement au fait que vous avez parfaitement éduqué vos fils… Le mien est plutôt du style à se laisser servir.

Elle avait parlé trop vite. Blear regretta ces mots au silence de ses copines.

  • Hum… Avec Sky… chercha-t-elle à se justifier.
  • … Vous êtes en froid ? Peut-être depuis l’annonce du divorce ? essaya de comprendre Katerina.
  • … Non… Enfin, oui, mais… Le divorce n’est qu’un problème de plus avec lui, répondit-elle durement. Il n’en a clairement rien à faire, ne put-elle s’empêcher d’ajouter. Je… Bon sang, je n’arrive pas à parler… comme je le voudrais. Je ne veux pas que vous croyiez que… Je ne l’aime pas ou que ce soit…
  • Qu’est-ce que tu racontes ? la coupa Marry, en fronçant les sourcils.
  • C’est impossible qu’on pense de cette manière, appuya Eglantine en cherchant l’approbation de Katerina.
  • C’est vrai. Dis-nous plus tôt, ce qui ne va pas.

Sans courage, Blear aborda sa mauvaise relation avec son fils en expliquant que leurs disputes dataient du départ de Billy à Londres et qu’elle se rendait bien compte des injustices qu’elle lui avait fait vivre. Qu’après réflexion, leurs soucis venaient de plus loin, car elle avait éprouvé des difficultés vis-à-vis de son éducation. Ce fut difficile pour Blear de se livrer à ce propos. La gorge nouée, par les regards encourageants de ses copines, elle arriva à en parler petit à petit :

  • Je ne voulais pas l’élever comme moi je l’ai été… Sauf que je n’ai pas su… Je n’ai fait que…Ah. Il me rend folle au jour le jour. Je ne supporte pas la manière dont il me traite, mais… Tout ça, c’est parce que j’ai été trop dure avec lui.
  • Pourquoi ? Qu’est-ce qui a fait que tu as été dure ? l’interrogea Eglantine.
  • … Parce que… Je ne sais pas. C’est comme ça. Quand il est né, je m’étais promis de ne pas le considérer seulement comme un Richess, mais… Je n’y suis pas arrivée, avoua-t-elle en baissant légèrement la tête, de honte. Enfin, je dis ça… mais au début ça été. Je suis mauvaise envers lui, c’est tout. Parce que c’est compliqué en ce moment.
  • … Tu as le droit d’avoir éprouvé des difficultés. Je ne savais pas non plus comment envisager l’éducation de Selim au départ, tu sais.
  • Oui, mais… Tu as réussi à… Tu as une bonne relation avec lui. Avec Sky, j’ai enchaîné les erreurs et il m’en veut. Il me le fait savoir, tous les jours. Alors je me fâche et lui aussi. C’est… insupportable.

Blear avait le cœur lourd.

De nouvelles larmes naquirent dans ses yeux.

  • Parce qu’il est plus que borné, ça.

La voix grave d’Alex la fit sursauter. Le plateau en mains, il s’avança pour le déposer sur la petite table moderne.

  • S’il vous plaît, présenta-t-il à chacune sa boisson et s’assit ensuite aux côtés de Blear.

Le fait qu’il prenne place parmi elles les perturbèrent. Surtout quand d’un calme Olympien, Alex bu une gorgée dans le verre qu’il s’était réservé. Il se tourna ensuite vers la mère de Sky.

  • Vous avez de trop jolis yeux pour pleurer. Quel gâchis, dit-il en approchant sa main par réflexe, mais il se retint, amenant de la rougeur à Blear qui se voyait conforter par un adolescent. Vous savez… Sky est têtu.
  • … Oui… Je le… sais ? fit-elle, perturbée.
  • Il n’est pas du genre à dire ce qu’il ressent vraiment. J’ai cru comprendre… que vous non plus, d’ailleurs ?
  • Alex, le reprit Marry sévèrement. C’est un sujet délicat et tu es trop familier, ça ne se fait pas.
  • Oh... Avec tout ce qui se passe, c’est un peu comme si on était tous de la même famille.

Marry lui fit les gros yeux, ce qui ne passa pas inaperçu. De cette façon, il avait réussi à balancer sa remarque. Il ne s’en occupa plus, son regard plongé dans celui de Blear. Découvrir à quel point la femme la plus puissante du pays était perdue lorsque cela concernait son fils alluma une flamme chez lui.

  • C’est que… je n’y arrive tout simplement pas…
  • Montrez-lui.
  • Mais… Il s’en fiche ! se fâcha-t-elle, déconcertée par le fait de recevoir des conseils d’un jeune garçon et encore plus de la part d’un ami de Sky.
  • Vraiment ? Je crois que s’il s’en fichait, je n’aurais pas reçu de message de sa part quand il a compris que vous étiez ici, dit-il en pointant son téléphone.
  • … Est-ce qu’il a dit quelque chose ? demanda-t-elle, légèrement paniquée.
  • Vous voulez faire un test ?
  • Un test ?
  • Je peux l’appeler si vous voulez et le questionner ?
  • … Pour lui demander quoi ? Non, l’arrêta-t-elle dans son mouvement, déposant sa main sur la sienne. Non, ce n’est pas la peine. Ce n’est pas de ton ressort, essaya-t-elle de se montrer plus ferme.
  • Blear à raison, Alex. Tu es mignon, mais ne te mêles pas de cette affaire.
  • Je préférai, oui.
  • Dis donc, vous n’êtes pas du genre à céder à la tentation, vous.

Encore une fois, Alex coupa le souffle de chacune. Blear était chamboulée, car il la fixait intensément, sans une once de peur ou de malaise alors qu’elle en ressentait un maximum. Un tambour se lança dans sa poitrine quand elle vit son air de défi se changer en quelque chose de l’ordre de la déception.

  • C’est ce qui vous différencie de lui… Dommage.

Alors qu’il s’apprêtait à ranger son téléphone, Blear arrêta son geste. Elle avait cessé de réfléchir. Alex en fut content.

  • Je l’appelle ?
  • Ne lui dis pas que je suis à côté, précisa-t-elle en replaçant nerveusement sa chevelure.
  • Ce n’est aucunement le but, dit-il en ne perdant pas de temps pour chercher Sky dans ses contacts.
  • BBoy” ? s’étonna la mère de ce dernier en lisant le nom qui était encodé.
  • Ah, ça. J’aime bien les petits surnoms, expliqua-t-il en portant le téléphone à son oreille et en chassant une mèche dorée de son front. C’est le condensé de baby playboy. Je vous laisse deviner pourquoi, sourit-il si mesquinement que Marry vit un peu d’elle-même en son fils. Je mets le haut-parleur.

Le doigt entre ses lèvres, le suspens qui tenait en haleine les quatre femmes, rameutées sur les bords des fauteuils, ne dura qu’un instant. Sky avait décroché tout de suite :

  • Qu’est-ce qu’il y a ?
  • Bah, quel accueil ! rigola-t-il en étendant un bras le long du dossier, du côté opposé à Blear.
  • Je t’ai dit de m’appeler direct s’il se passait un truc. Donc, quoi ?

Tendue, Blear se mordait presque les doigts, dans l’attente.

  • T’as tes règles ou quoi ?
  • Très drôle. Allez, raconte.

La façon dont les deux jeunes se parlaient interpella particulièrement leurs mères. Ils se charriaient comme des amis normaux. L’entendre rendait leur amitié plus concrète.

  • Il n'y a rien. Je suis juste descendu pour voir ce qui se passait…
  • Et t’es pas resté ?? T’aurais dû ! Je veux savoir…
  • Savoir quoi ? demanda Alex qui resta sans réponse. Je leur ai servi à boire histoire d’essayer de m’immiscer, mais ça parlait de marques de fringues, donc c’était pas très intéressant, dit-il en faisant une grimace à sa mère.
  • Super. Autrement dit, tu ne sers à rien.
  • Mais va te faire foutre, Sky.

Malgré l’échange sous tension, ils rigolaient. C’était leur manière de communiquer. Ils allaient rarement dans des discussions profondes.

  • Mais dis-moi, en vint Alex au sujet sérieux, pourquoi ce harcèlement ? Je t’ai appelé, parce que j’en avais marre de recevoir tes messages de mec stressé, donc dis moi plutôt ce qui te tracasse.
  • … Pardon ? Moi, je suis tracassé… Lol, mec.

À ce moment-là, Alex lança un regard à Blear qui en disait long. Vu qu’il ne répondit rien de plus, Sky reprit :

  • … Elle n'a pas parlé du divorce… ?
  • … Nan, répondit-il, un peu perdu, après que Blear lui ait fait signe que non. Tu veux dire quoi par là ?
  • Bah, ils divorcent quoi. Mes parents.

La façon dont il le dit blessa davantage Blear qui fut convaincu qu’il n’en avait réellement rien à faire.

  • Eh ben… Chaud.

Marry et Eglantine se regardèrent bouche bée. C’était tout ? Il ne pouvait pas réagir aussi simplement. Sa mère lui lança une serviette en boule qu’il s’empressa de lui relancer et justement.

  • Ouais. Chaud.
  • … J’imagine que… Bon, ça doit être bizarre, mais que ça te touche pas plus que ça…
  • Quoi ? T’es sérieux ?
  • Ah… Excuse’, juste que tu t’entends pas trop…
  • Mais t’es con ou quoi ?! Bien sûr que ça me fait un truc ! Tu crois que je t’enverrai des messages comme un débile depuis tantôt si ça me faisait rien ! C’est mes parents dont on parle là, en fait. Mes parents qui divorcent !
  • Ok, ok ! Je voulais pas te blesser, vraiment… Excuse-moi. Je sais juste que c’est compliqué donc…
  • Ouais. C’est compliqué.

Une boule dans le ventre pour son pote, Alex se sentait tout de même désolé. Ce qu’il vit à côté lui donna raison de l’avoir entourloupé. La main bloquée sur sa poitrine, Blear n’en croyait pas ses oreilles. Elle respirait fort.

  • Je comprends mieux pourquoi tu étais inquiet de leur rencontre… Enfin, tu avais peur qu’elle leur raconte, c’est ça ?
  • … Depuis quand on parle comme ça, toi et moi ?
  • Oh. Bah… rit-il. Il faut bien une première à tout.
  • T’es gênant. Et non, je ne saurais pas comment dire…

Alex était étonné qu’il s’ouvre de plus en plus, eux qui restaient toujours simples.

  • Oui, je crois que… c’est peut-être un peu chelou à dire, mais j’aime pas ça. De ne pas savoir ce qu’elle peut dire sur moi.
  • Ta mère ? Je l’ai trouvé superbe, d’ailleurs.

Il envoya un clin d'œil à la concernée qui ne sut comment réagir à part balayer son culot d’un mouvement de tête.

  • Espèce de porc, tu la touche t’es mort.
  • Aaaaah, donc tu tiens quand même assez à elle pour la défendre, osa-t-il le taquiner.
  • Nan, mais toi… !

Après son faux énervement, Sky se mit à rigoler à l’autre bout du fil d’une manière qui amena toutes les personnes présentes chez Marry à se questionner.

  • Tu sais, je crois que t'as pas compris… reprit-il plus sérieusement. Le problème c’est pas que je tiens pas à elle. Justement, c’est l’inverse. C’est elle qui m’aime pas.

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