Chapitre 39 : Le Judas.
- Un peu plus vers le haut…
- Comme ça ?
- Non, l'autre coin s'il te plaît…
- Le droit, alors ?
- Oui, oui, voilà… Ah, ne bouge plus ? C'est parfait !
Eglantine applaudit en un clap la disposition de son nouveau tableau. Elle entrecroisa ses doigts et exposa un sourire, ravie de sa récente acquisition. Ce dernier mesurait deux fois l'écran plat derrière lequel il avait pris place et ce grâce à la meilleure main d'œuvre qui soit :
- Merci, Michael, le bénit-elle de sa voix gracieuse.
L'homme en chemise descendit du meuble dont il s'était servi pour accrocher la bête. Il remonta davantage ses manches, le marteau en main, quand il lui répondit :
- Pas de problème.
Les deux Richess avaient assisté à la même exposition. Celle-ci débouchait sur une vente dont les fonds reviendraient à une œuvre caritative. Lors de son achat, Eglantine avait subtilement proposé à Michael de venir l'aider à le placer dans son salon. Il n'y avait rien de choquant à les voir discuter brièvement ensemble lors d'un événement tel que celui-là. Tout en sachant que Michael avait déjà été donateur pour les recherches de cette dernière. Les grandes familles se soutenaient occasionnellement pour de bonnes causes et en secret, ils se rendaient des petits services.
Tout ça n'était bien évidemment qu'une excuse, et même une mascarade : une manière de se voir plus régulièrement, sans que leur réunion ne mette la puce à l'oreille à quiconque. Ils pouvaient ainsi profiter, au même titre, de ces sorties secrètes en y mêlant leurs hobbies et en prétextant des débriefs pour se retrouver plus tard.
- C'est un très bon choix. Il se fond parfaitement bien avec le restant de ta décoration, déclara Michael qui avait pris du recul jusqu'à se planter à ses côtés.
La longue peinture faite d'aquarelle représentait une ville où des passants allongés et déformés vagabondaient dans la rue, des parapluies au-dessus de leurs têtes. À leurs pieds, des flaques, dans le ciel, des nuages gris, cela ressemblait à un rêve… Un rêve, d'une triste réalité.
- Elle me rend mélancolique, répondit Églantine, perdue dans les coulures de la peinture. Ce sera agréable de l'observer le matin, un petit café en mains, dans le fauteuil, la télévision éteinte et s'il pleut, de plonger mon regard par la fenêtre… Quelle tranquillité, murmura-t-elle, absorbée, puis en attrapant les yeux de son amant, dont la clarté l'envahissait.
Il avait beau avoir encore des traits naïfs sur son visage, Michael était devenu un homme plus viril qu'autrefois. L'envie de venir placer ses mains sur chacune de ses épaules, pour les glisser sur ses biceps, qu'elle devinait sous sa chemise, devenait plus que tentante.
Rien ne l'en aurait empêché. Ils étaient seuls dans sa demeure, pour la première fois, d'ailleurs. Avec Loyd à l'internat la semaine, et son mari qui créchait dans une de leurs maisons secondaires, elle put facilement l'inviter à prendre un café après qu'il lui ait rendu ce service.
Calmement, en la suivant jusque dans sa cuisine qui représentait à merveille son grand esprit épuré, Michael parcourut les pièces minutieusement. ll y trouva là les détails de sa vie, et finalement, si peu qu’il dut s’attarder sur Eglantine pour regagner la réalité. Il avait hésité à venir à ce rendez-vous et ce, pour tellement de raisons, la principale étant sa femme. Leur dernière dispute avait pesé lourd dans la balance. Il avait été odieux. Ce ne fut pas évident d'affronter le visage de Stella, si blessée, après cet événement. Celui de Nice lui revenait également en mémoire. Tout le temps… Il s'en voulait de lui avoir fait subir cette crise.
Ce fut la curiosité qui le poussa à franchir le cap. Il voulait découvrir à quoi ressemblait le lieu dans lequel Eglantine avait vécu et évolué toutes ces années. L'endroit était inspirant. L'envie aussi de se retrouver en intimité l'avait conquis. Chez elle, ils aborderaient peut-être des questions plus sérieuses qu'à l'hôtel où ils finissaient à tous les coups l'un sur l'autre. C'était viscéral, tellement qu'en la regardant, il vit qu'elle se serait bien laissé tenter par quelques baisers. Elle se retenait depuis son arrivée.
En tournoyant sa cuillère dans son café, il se lança :
- Tu sais… débuta Michael en déposant sa tasse sur l'îlot au milieu de la pièce. J'ai été surpris que tu m'invites chez toi. Ici, c'est ton cocon familial et…
Le fait qu'elle acquiesce le stoppa. Cela donnait raison à ses doutes : son invitation n'avait rien d'anodin. L’énigmatique femme qu'elle représentait avait encore frappé. Michael resta calme et chercha à comprendre tout en continuant son cheminement de pensée.
- Je me sens comme un intrus. Même si ton mari est absent, ton fils aussi, c'est un peu comme si je… pénétrais dans leur intimité. Je t'avoue que je ne me sens pas tout à fait à l'aise…
- Moi non plus, approuva Eglantine qui resta les mains accrochées l'une à l'autre. Seulement, j'avais besoin de voir… ce que ça me ferait ? dit-elle d'un ton hésitant.
Et lui ? Qu'est-ce que ça lui aurait fait ? Michael pensa que s'il avait profité de l'absence de sa femme pour ramener Eglantine chez lui, il se serait senti…
- Je dois t'avouer quelque chose, lança cette dernière, d'un air embêté.
Cette déclaration lui fit peur.
- J'ai revu les filles récemment. Nous avons discuté de nos relations amoureuses…
- Tu leur as dit ? comprit-il immédiatement.
La manière dont ses lèvres s'écrasèrent lui donna confirmation. Eglantine se montrait fébrile, le regard fuyant.
- J'ai honte… reconnut-elle, tout en s’appuyant au rebord de sa cuisine.
Quand elle remonta ses mains le long de ses avant-bras, Michael s'approcha. Il la toucha à peine du bout des doigts qu'il vit une expression douloureuse la traverser. Doucement, il amena son front près du sien. Elle n'avait encore rien dit, mais lui aussi avait le même ressenti :
- J’aimerais aussi te parler de quelque chose, mais d'abord, je t'écoute.
Avec culpabilité, Eglantine lui raconta la manière dont leur relation avait choqué Katerina ou plutôt comment elle avait méprisé leur adultère. Le fait qu’ils s’aiment encore après autant d’années, son amie ne pouvait que le concevoir, mais qu’ils se ruent tous deux dans le mensonge, Kata n’avait guère apprécié.
- Depuis, j'y repense tout le temps et je… ne peux qu’être en accord avec ce qu’elle a dit. Elle m’a réveillée. C’est vrai, affirma-t-elle en lui jetant un regard désolé. Sous-prétexte d'avoir peur de te perdre, encore une fois, j’ai préféré que l'on se cache, mais… Ce n'est pas respectueux de nos partenaires et de nos enfants. Je ne peux pas vivre comme cela. Même pour nous, c’est… J’ai l’impression que… nos moments…
Quand bien même Michael était son amour de toujours, ce n’était pas facile de lui exprimer ses sentiments. Elle avait l’impression d’en demander trop, qu’elle n’avait pas le droit de se plaindre ou d’exiger plus que ce qu’elle n’avait déjà. Ce dernier gardait le silence. Il la contemplait d’un calme qui n’en était pas un. En son for intérieur, lui aussi avait envie de formuler certaines requêtes.
- Que nos moments… ? rebondit-il sur ses dires, légèrement aux aguets.
- La manière dont nous vivons actuellement… C’est comme si, nous n’étions pas réellement… ensemble… Tu ne trouves pas ? Je sais que c’est compliqué, mais je voudrais que notre relation… veuille dire quelque chose, qu’elle soit… officielle ?
Au creux de sa poitrine, son cœur jaillit. Eglantine eut l’impression de se déclarer une nouvelle fois. Cela eut son effet, ledit, baissant légèrement la tête pour cacher la rougeur qui le prit au nez. Eglantine tortilla ses doigts, le menton également bien bas. Ça, c'étaient eux. Terrés dans un coin de la cuisine, entre le frigo et le micro-ondes, les deux Richess osaient à peine se regarder. Voilà comment ils fonctionnaient réellement : avec douceur et parcimonie, non pas dans les élans volages qu’ils commettaient périodiquement depuis un an, aussi bons et enflammés qu’ils pussent l’être.
La tension entre les amoureux, qui se languissaient d'une vie ensemble, grimpa. Autant pour l'un que pour l'autre, formuler cette envie leur demandait du courage. Grandir. Cela leur avait porté préjudice. La forme d'insouciance qu'ils connaissaient à l'époque les avait quittés. Tout plaquer pour se remettre avec son ex petit ami dont le statut les empêchait d'être amoureux ? Le poids des responsabilités et l'écho des conséquences ne les avait pas empêchés de se retrouver, alors pourquoi hésiter ? Derrière ce côté adulte, l'immense tendresse dont ils avaient toujours su faire preuve existait encore. Michael caressa ses boucles en les attrapant dans sa paume, se délectant du parfum enivrant qu’elles dégageaient. Il lui rappelait des moments qu’il s’était efforcé en vain d'enfouir au plus profond de lui-même. Les souvenirs de leur vie à Saint-Clair s’immisçaient dans sa mémoire comme le goût fruité d’un bonbon à la framboise glissé dans un verre de champagne. Il revêtait l’intérieur de son torse où dormait l’organe qu’il s’était obligé à rendre moins vivant, d’une chaleureuse sensation. Ce n’était plus la peine de lutter ou de justifier son amour pour Eglantine. L’aimer pendant toutes ces années avait été une torture et céder à chaque nouvelle rencontre avait été outrageusement douloureux, car la culpabilité le rongeait. Des minces fois où il avait essayé d’amoindrir son amour, ce fut un échec, celui-ci survivant au temps. Il la rejoignait. La situation actuelle ne lui convenait pas non plus.
Les joues empourprées, il prit une inspiration et s’efforça de reprendre son calme :
- Je suis d'accord. Moi non plus, ce n'est pas comme ça que je vois… notre avenir.
Eglantine eut du mal à contenir son émotion. Cependant, elle se rappela qu’il avait également des choses à lui confier. Elle lui en offrit l’occasion. Michael accrocha ses doigts aux siens, sa mine amoureuse se contractant. Concernant Stella, il n’avait pas eu besoin de tant de recul pour accepter qu’il avait mal agi. Rien ne justifiait une tromperie. Difficilement, il lui expliqua les doutes de cette dernière, leur dispute et la manière dont elle avait dégénéré, mais surtout comment son prénom était arrivé sur le tapis. Eglantine arrondit le regard en l’apprenant, prenant peur. Alors, sa femme savait. Plus que de se sentir désolée, la sensation intérieure qu’il la parcourut lui octroya toute la honte nécessaire pour l’accabler. Ils avaient failli. Un danger planant sur sa tête, elle n’avait plus l’intention de sauver sa peau:
- Le mieux… c’est que nous l’annoncions.
- Oui, lui répondit Michael, sans trembler.
Quand bien même ils avaient fait des erreurs, cette idée leur apporta une joie insouciante. Ils souhaitaient la même chose : vivre leur amour au grand jour. La proximité entre eux se réduisit d’un cran, des étoiles éveillant leurs yeux. Michael déposa un baiser sur sa joue.
- Est-ce que tu te sens prête de l’annoncer malgré les élections ? Tu n’as pas peur que cela te porte préjudice ? lui demanda-t-il franchement, mais avec délicatesse.
- … Non. Il vaut mieux que je joue la carte de l’honnêteté, surtout après… avoir tant menti. Je ne suis vraiment pas fière…
- Je sais, lui souffla-t-il en bloquant sa paume dans son cou. Moi non plus.
- Je pense même que cela expliquera mieux pourquoi… Je souhaite réellement me présenter. Je le ferai en me battant pour pouvoir vivre avec l’homme que j’aime… Toi, dit-elle avec émotion.
Le visage de Michael devint une frimousse, son nez se retroussant de joie et son regard s’illuminant de bonheur. Eglantine retrouva tant de l’adolescent dans cette expression. Elle lâcha prise, démunie et l’entoura dans un élan, comme elle avait pu le faire autrefois. Il recueillit son impulsion à bras ouverts. Il y avait longtemps qu’ils ne s’étaient plus sentis aussi vivants. Dans les bras de l’autre, ils retrouvaient plus qu’une demie, ayant abandonné un tout au moment de leur séparation. L’entier qui rythmait autrefois leur personnalité. Ils avaient changé, sans retour en arrière possible. Ils avaient évolué, ainsi complets autrement. Ensemble, c’était pour un mieux. Eglantine, mystérieuse et cachottière, ne souhaitant plus se cacher, Michael, aigri et sévère, récupérant de sa spontanéité. Les douces saveurs, sincères et chantonnées à l’oreille de l'autre, guérissaient leurs maux. Je t’aime.
Ces mot-là les remplirent de courage :
- Nous devrions le dire à nos enfants… entama Michael qui souhaitait évoquer Nice.
- … À ce propos… dit-elle d’un ton qui l’interpella. Loyd est déjà au courant.
Quand elle le vit se décomposer, Eglantine ne saisit pas tout de suite la réelle raison, pensant qu’elle avait peut-être trahi sa confiance.
- Je voulais le garder pour moi jusqu'à aujourd'hui, mais… Il a découvert que nous avions une relation…
Elle lui expliqua comment il s’était retrouvé en possession d’une photo d’eux dans leur jeunesse, mais également la manière dont il l’avait pris une fois qu’elle lui eut expliqué. Il avait accepté. Michael secoua la tête, chassant ses justifications.
- Ne crois pas que je t’en veux de lui avoir dit la vérité…
- Alors… Qu’y a-t-il ? lui demanda-t-elle, visiblement remuée.
- Quand nous nous sommes disputés avec Stella et qu’elle a parler de toi… Nice nous a entendus. Elle est venue nous… stoppa-t-il son discours en repensant à la détresse qu’il avait perçue chez sa fille au moment où elle les avait séparés. Je n’ai rien confirmé, parce que je ne voulais pas que ça te retombe dessus, mais elle n’est pas idiote. Et si Loyd a encore cette photo… Elle est franche. Nice ne tiendra pas le secret, surtout pas envers ton fils, parce qu’il est pleinement concerné.
- … Le mien m’a promis de ne rien dire… J’ai foi en lui, mais si… Elle sait… ralentit-elle la cadence en le voyant blêmir, mais surtout parce qu’elle comprit ce qui se jouait. Oh, je crois que… Nous nous y sommes définitivement très mal pris.
- Définitivement, répondit-il d’un air grave.
Et ils ne croyaient pas si bien dire.
***
Minutieusement, la fille Challen ramenait une partie de sa chevelure derrière son adorable oreille de souris. Ce qui était tout petit chez elle ne représentait en rien l’immense sentiment présent sur sa figure. D’un calme olympien, elle observait son groupe d’amis, assis autour de la table de réunion, se regarder dans le blanc des yeux. Les mouches volaient.
Un bic entre ses doigts, elle le pinça, comme les lèvres qu’elle appuya ensemble. Elles étaient rosées, donnant à son visage pâle un peu de couleur. Nice était mal à l’aise, tout autant que les autres, mais le sentiment d’agir prenait le dessus. Elle griffonna sur la feuille sous ses yeux d’un air sérieux, telle une évaluatrice mécontente l’aurait fait, son blaser lui ajoutant l’allure d’une femme d’affaires. Hésitante, elle tapota plusieurs fois le bout sur la table et fit le tour de ses compagnons en commençant par Faye qui était dans une colère noire. Au contraire, Alex avait l’air plutôt triste et désarmé. C’était aussi le cas de Kimi qui avait des cernes jusque par terre. La nuit avait été courte, sans doute à cause de Sky. Ce dernier s’était enfermé dans ses pensées, ne laissant rien transparaître de ses émotions alors que pour une fois, Laure se montrait particulièrement expressive. Elle avait un visage fermé à la discussion, mais l’animosité s’y lisait. Il était également clair que ce comportement ne plaisait pas à Loyd qui restait relativement calme. Il le serait moins une fois qu’elle lui aurait révélé ce qu’elle savait.
Nice trouva appui chez Selim. Ce dernier, sensible aux ondes qui se dégageaient, grimaçait, ne sachant comment agir. Ils se regardèrent un instant. Combien de temps allaient-ils rester ainsi ? C’était trop.
- … Qui veut commencer ? se lança-t-elle, gagnant quelques réactions, mais surtout des hésitations variées ou des ruminations qui ramenèrent le silence. Je vois. Bon.
Comme un rongeur à l'affût, ses narines se gonflèrent un temps, marquant la dose de stress que lui engendrait cette situation. Quelqu’un devait prendre le lead. En rapprochant la feuille, elle se décida à y écrire :
- Reprenons ce que nous voulions aborder. Laure ? chercha-t-elle à lui décrocher au moins un mot.
Sur le fait, celle-ci eut du mal à lui apporter une réponse. Nice attendit. Elle claqua sa langue contre son palais. Elle pressa le bic.
- Donc, nous avons le souci entre Laure et Kimi qui dure depuis déjà trop longtemps. La magnifique dispute entre Sky et Kimi qui a remué tout le réfectoire… Le sujet Jena…
- On n'est pas obligé d’en parler, répondit ce dernier.
La moue de Kimi se déforma, comme si un marshmallow se cachait sous sa lèvre inférieure. La plus petite des Richess cligna des yeux plusieurs fois.
- C’est quand même fou… Que ce soit moi qui doit m’occuper de cette réunion, alors qu’à la base, c’est Laure qui les a toujours animées et qu’aujourd’hui, nous avons Sky en délégué et Kimi en sous-délégué, mais bref.
- …Tu peux noter ça aussi sur la feuille, dit la blonde, d’une voix essoufflée.
Interpellée, mais sans rien répondre, Nice s’exécuta.
- Quoi d’autre ?
- J’ai des trucs à dire, lâcha Faye.
- … Ok, à quel propos ?
- Vous verrez, dit-elle en croisant les bras.
- Bien.
- … Et toi ? Tu n’avais pas dit que tu voulais aborder un sujet ? la questionna Loyd d’un ton modérément intéressé.
Elle releva ses prunelles dans les siennes, quelque chose la tiquant dans sa voix, un petit rien qui ne le rendait pas comme d’habitude. Elle ne sut dire quoi que ce soit non plus, ajoutant simplement à la liste son prénom. Le silence reprit.
Selim s’agita :
- Sérieusement, les gars… Qui se lance, là ? Parce que c’est lourd, dit-il en écartant le col de son t-shirt, ne supportant pas la pression.
- Nice ? lui renvoya Laure, dans un esprit de vengeance qui n’avait pas lieu d’être.
- … Je veux bien, mais… J’avais pensé…
Nice avait imaginé en discuter en dernier lieu, espérant souffler les conflits précédents en vue de la gravité du sujet. Visiblement, elle devait attaquer en premier. Ce n’était pas évident. L’émotion la gagnait déjà en repensant à la dispute de ses parents, mais elle se força à se calmer. Le fait de fixer Loyd d’un coup, donna à ce dernier un avant-goût de ce qui se tramait.
- C’est… toujours un peu délicat de dire ce genre de choses.
Elle réussit à attirer au moins l’attention de tout le monde.
- Donc, comme d’habitude, je vais juste… dire ce qu’il en est. Voilà, hum, se racla-t-elle la gorge, touchée. Le week-end passé mes parents se sont disputés. C’est fréquent en ce moment… et j’ai compris pourquoi en les écoutant. Mon père…
Ce n’était pas aussi simple qu’elle l’aurait espéré. Nice tremblait un peu. Elle eut même du mal à accepter la main de Selim. Cela la rendait malade, son estomac ayant l’allure d’une machine à laver.
- J’ai découvert que mon père trompe ma mère...
À ce moment, elle sentit la poigne de son amoureux se resserrer. Rien d’étonnant. Il connaissait cet horrible sentiment. En face, Loyd déglutit. Ce dernier était clairement dans le viseur. Un long frisson le parcourut en la voyant se retenir de lâcher les eaux.
- Avec la tienne.
Il devina que ce combat serait difficile à sa voix écorchée. Ces mots avaient été si durs à prononcer. Nice s’apprêtait à craquer quand elle le vit baisser la tête. Après tout, lui annoncer cette bombe, c’était aussi le… décevoir ? Il la remonta aussitôt, plantant son regard dans le sien, d’un air embêté. Elle tomba des nues, ne comprenant pas sa réaction tout de suite.
- Pourquoi tu ne… réagis pas ?
En même temps, Loyd ne pouvait faire semblant. Tout dans ce qu’il renvoyait montrait qu’il n’était pas étonné, presque comme s’il était déjà au courant. L’illumination dans les yeux de Nice le fit acquiescer malgré lui. Sa mâchoire s’ouvrit doucement, se décrochant pour se resserrer quelques instants plus tard.
- Tu savais ?
Il baissa à nouveau la tête, puis la hocha.
- Oui, répondit-il piètrement, parce qu’il tenait à lui donner une vraie confirmation.
- … Oui ? Mais, s’insurgea Nice.
Les larmes qu’elle s’était apprêtée à laisser tomber disparurent. Elle s’assèchèrent, comme la confiance qu’elle lui portait. Il avait beau montrer cet air coupable, cela ne changeait rien.
Loyd l’avait trahie.
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