Chapitre 48 : De la douleur aux sourires.

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“Dossan vient me chercher dans la matinée et ensuite, il nous reconduit avec Kimi à l’internat. Il a dit que cela lui éviterait un trajet.”


***


C’était ce qu’il avait déclaré. Quand Leroy lui annonça qu’il avait été invité chez les Makes, Dossan avait d’abord marqué un court temps de réflexion. La surprise se transforma en un agréable sentiment. Il fut heureux pour son fils, car cela signifiait que Blear réalisait un pas vers lui, malgré tout ce qu’elle avait pu voir et découvrir à son sujet. Leroy aurait l’occasion de se montrer sous son vrai jour, mais donc également l’occasion de discuter avec elle… Après réflexion, il pensa que cela faisait longtemps qu’il n’avait plus parlé avec Blear.

Ils s’étaient revus. Une fois à l’aéroport pour récupérer leurs enfants, et une autre fois pour la grande réunion entre Richess. Ce jour, il avait dû s’affirmer à propos de Kimi, justifier ses secrets, même s’il ne le souhaitait pas. Bien évidemment qu’ils furent choqués : il avait menti, caché, pris des décisions radicales, ... Certes, à la fois pour le bien-être de la fille de Louis et Alicia, mais également pour le sien. Il avait été égoïste et cela n’allait pas de pair avec son caractère doux, honnête, ... Une pensée douloureuse le traversa : que finissait-il par arriver aux gens qui se trahissaient eux-mêmes ?

Cette réunion eut au moins le mérite de mettre les choses à plat, jusqu’à ce que les responsabilités parentales reprennent le dessus. Si dix-sept-ans auparavant, quelqu’un lui avait fait part qu’il serait convoqué avec Blear dans le bureau du directeur de Saint-Clair afin de parler de leurs enfants respectifs, il ne l’aurait pas cru.


Ils s’étaient revus, mais par la force des choses. Jamais juste tous les deux, à part pour jouer leurs rôles de parents, car autrement, il n’y avait aucune raison pour se donner rendez-vous. Ce simple mot l’avait obligé à esquisser un petit sourire, peu convaincu de ce qui occupait son esprit. Il n’avait pas assez profité de son visage, de ses gestes, de sa voix… Si l’opportunité se renouvelait, pourquoi la laisser passer ? Ce genre de pensées… Dossan s’en voulait de les apprécier. Ce ne serait pas encore un moment pour eux seuls, mais ce fut de cette manière qu’il proposa de venir rechercher Leroy.

L’idée avait fleuri dans sa tête, comme étant une mince chance de la revoir. Des choses avaient changé autour d’eux depuis. Il n’y avait rien de mal. Cela ne durerait sûrement que quelques minutes, le temps de frapper à sa porte, d’échanger des commodités devant leurs enfants, puis de la remercier pour l’invitation. Rien de bien méchant, si ce n’avait été d’insister gentiment auprès de Charles pour rendre les trajets équitables.


***


Le jour même, l’envie l’avait quittée. Elle s’était envolée avec les réminiscences qu’il avait essayé de chasser toute la nuit.

Finalement, comment pouvait-il se présenter face à Blear ?

La porte-fenêtre du salon ouverte en battant, Dossan observait les premières fines gouttes tomber sur la petite coure de son jardin, quand il entendit les pas timides de Kimi. L’odeur de la pluie s’immisçait à l’intérieur, chatouillant son nez, puis celui de sa fille. Cette dernière s’était rapprochée au plus près, sachant pertinemment où se situait ses torts. Le dos qu’il lui présenta l’obligea à attendre avant de pouvoir le saluer, ne sachant s’il accepterait. Sa tasse de thé encore chaude en main, Dossan but une gorgée, pensif. Il se retourna évidemment pour l’embrasser. Si elle obtint soulagement, le sentiment s’égara rapidement en constatant ces cernes. Celles-ci trahissaient son manque de sommeil. Kimi se rappela alors des bruits dans la nuit, sans se douter de ce qui l’avait réellement tenu éveillé.

  • … Tu as vomi cette nuit ?
  • J’ai entendu… que tu toussais aux toilettes, alors… Je me suis demandée si ça allait ? Tu es malade ?
  • Oui, j’ai été malade, répondit-il, succinctement.
  • À cause de quoi ? Tu te sens mieux ? Ça ira pour aller rechercher Leroy, on devrait peut-être prévenir que…

Kimi ne lui laissa aucun répit, inquiète, car il était blanc comme un linge. Etait-ce là sa manière de s’excuser pour son comportement de la veille ? Dossan s’en voulait. Il s’en voulait terriblement, son regard se déposant dans le bleu du sien. Il était troublé. Tout lui semblait tourner au ralenti, tandis qu’en contrepartie, Kimi s’animait. Si ce n’était pas arrivé, peut-être aurait-elle été plus heureuse ?

Il ferma les yeux, et déglutit, avant de la rassurer.


  • Je me sens déjà mieux, et on s’est déjà organisé pour le retour. Tu as préparé ta valise ? Il ne faut pas qu’on oublie celle de Leroy…

En s’enfermant dans son rôle, il déposa sa vaisselle sur l’évier et s’apprêtait à partir. Kimi l’arrêta dans son élan, quelque chose, l’embêtant.

Il avait l’air si triste.


  • Papa. Tu es sûr… que ça va ?

Dossan fronça les sourcils légèrement. Il n’était pas un très bon acteur et aux yeux de sa fille, le fait de le voir si absent lui écrasa le cœur.

Elle avait l’impression que c’était sa faute :


  • Pour hier, je… je suis désolée, embraya-t-elle de suite. Je ne voulais pas…
  • Pourquoi t’excuses-tu exactement ?
  • Bah, je… ! Parce que je… t’ai montré quelque chose que je n’aurais pas dû… Avec Tiger. Je voulais aussi te dire que… Il n’est pas du tout venu à la maison dans ce but.
  • Est-ce que ça signifie que tu regrettes ce qu’il s’est passé avec lui ? demanda-t-il en la sondant.

Tout de suite, elle baissa les armes, son air se transformant en celui d’un chien battu. À cet instant, il retrouva une petite fille, peu sûr d’elle, aux bords des larmes. Le genre de petite fille que Kimi n’avait jamais été, car jeune, elle souffrait trop pour pleurer.


  • Oui, acquiesça-t-elle. Je regrette.
  • Pourquoi ? lui demanda-t-il, très sérieusement.
  • Parce que… Je n’aime pas Tiger, répondit-elle en serrant son t-shirt au niveau de sa poitrine. Pas comme ça. C’est mon ami et… Tout ça n’aurait pas dû se passer. Je regrette tellement, avoua-t-elle d’une voix fragile.

Le peu de réaction de la part de son père la troubla. Elle voyait qu’il était loin dans sa tête. Cela la déstabilisa, Dossan ayant toujours été si doux, à l’écoute, compréhensif,... Là, il vaquait ailleurs, un pli se formant doucement sur son front.


  • Si tu regrettes… Le tout est de te demander pourquoi tu l’as fait ? Pourquoi est-ce que tu l’as embrassé, Kimi ?
  • … Ah…
  • Tu sais que… Tu peux m’en faire part ? dit-il en venant caresser sa chevelure blonde.
  • Oui, fit-elle en abaissant le menton, timide de penser aux raisons. C’est que… Je ne me sentais pas très bien…

Est-ce que cela le fâchait, pour qu’il la regarde de cette manière ? Les yeux de Dossan se plissèrent et ses narines se gonflèrent doucement.

  • C’est peut-être idiot, mais… je voulais juste… En ce moment, c’est tellement…

Le chagrin remonta jusque dans sa gorge. Elle avait honte. Avec son poing, elle effaça une première larme.

  • Je voulais juste tout oublier, juste pour un instant, que… C’est dur, et… Quand on s’est embrassés, j’ai eu l’impression d’enfin ressentir un peu…

Une vive douleur le traversa, les traits serrés sur son visage en témoignant.

  • Ressentir un peu d’amour. Mais ce n’est rien de tout ça… ! C’était juste… Un sentiment…
  • Éphémère ? l’aida-t-il à trouver ces mots, voyant qu’elle bloquait.

Elle laissa sortir une plainte, sans exprimer verbalement tout ce qui la torturait.

  • Oui, souffla-t-elle. Sauf qu’après-coup…
  • Ça fait encore plus mal.

Doucement, Dossan déposa sa paume sur sa joue et la caressa de son pouce. Un semblant de sourire avait conquis ses lèvres : triste et maladroit. Il la prit doucement dans ses bras, la réchauffant de l’étreinte dont elle avait tant besoin, et lui aussi, visiblement. Lui aussi laissa tomber une larme. Kimi écarquilla les yeux, pleine d’interrogation, en observant la goutte froide faire son chemin. Elle n’osait pas. Non, elle n’osait pas demander ce qui le mettait dans cet état, n’ayant pas l’habitude et la foi de creuser dans sa peine comme il pouvait si bien le faire.


  • Je comprends, lui murmura-t-il, en embrassant sa tempe.
  • … Est-ce que… ça fait de moi quelqu’un d’horrible ? craqua-t-elle, laissant un couinement s’échapper.

C’était dur de répondre à cette question en toute honnêteté. Collée à son torse, elle attendait d’être rassurée et il le savait. Cela lui lacéra tout l’intérieur de son corps.


  • Il aurait mieux valu que ça n’arrive pas, car aujourd’hui ça ne te fait pas du bien, mais c’est arrivé et… Tu as compris que ce n’était pas la bonne solution. N’est-ce pas ?
  • Oui, répondit-elle en se serrant plus contre lui, ce qui l’aida aussi à se calmer petit à petit.
  • Tu n’es pas mauvaise, Kimi. Tiger non plus, c’est un bon garçon. J’ai été très étonné hier, d’où ma réaction. Moi aussi, je t’ai blessé. J’ai appuyé là où ça faisait mal, parce que…

Il n’avait pas de réponse à son comportement, ou s’il en avait une, il n’avait pas envie de la dire. Kimi levait la tête vers lui, ne voulant plus le quitter, désolée.


  • Excuse-moi d’avoir été méchant. J’ai bien compris que c’est compliqué entre vous en ce moment.
  • … Pas vraiment, mais je…

Dans ce qu’elle ressentait pour le Richess, Kimi ne savait plus où donner de la tête et embrasser Tiger n’avait rien arrangé à la situation, au contraire. En fait, elle avait simplement voulu s’évader le temps d’un baiser. Un baiser qui confirma qu’elle ne voulait pas de cette relation là avec lui. Elle ne voulait pas non plus exprimer sa colère contre son père.


  • Excuse-moi de t’avoir lancé la télécommande, dit-elle en enfuyant son nez dans le creux de son bras. C’est ce que je regrette le plus.

Le ton qu’elle employa, si malheureux, le fit pouffer. Dossan n’aurait cru rire alors que la veille ce geste l’avait plongé dans une crise. Effectivement, ces élans de rage, n’étaient pas évidents à gérer pour lui, ayant été battu. Sur le moment même, il avait replongé en enfance et au temps de son adolescence, lorsque sa mère vivait encore. Peut-être qu’un de ces jours, il leur raconterait. À ces enfants, ces chers enfants, dont la première tirait le prénom de sa maman. Kimi ne le savait pas, car le sujet s’avérait trop dur à aborder. Oui, peut-être était-ce la suite logique, l’évolution du deuil, la manière de guérir ces traumas.

Ceux-ci le suivaient, mais le fait qu’il ait pu rire sincèrement dans cette situation, lui mit la puce à l’oreille. Toutes ces plaies, encore plus ou moins ouvertes, tendaient à se fermer. Il fallait du temps pour qu’elles soient soignées, mais de toutes, il jugea qu’en cet instant, les souvenirs de son père, n’étaient pas ceux qui le torturait le plus.


  • Allez, viens, on va chercher ton frère, déclara-t-il en l’entourant par l’épaule.

***


Ces derniers temps, Blear se plaisait à suivre la mode dans les magazines. Elle associait des pièces de sa garde-robe avec intérêt, retrouvant ce besoin de se sentir belle en toute circonstances. Elle n’avait jamais manqué de classe, c’était une certitude. Cependant, ses tenues s’avéraient plutôt sobres, classiques, professionnelles... Aussi fou que ça pouvait lui paraître, elle reprenait goût à la vie depuis le divorce. Blear plongeait à nouveau pleinement dans le coquet, la féminité, et ce, en s’inspirant des catalogues de Marry. Telle une jeune fille, elle veillait parfois tard le soir dans son immense lit, seule, et passait des heures à feuilleter les pages. En s’associant à ses copines, elle fit de même, installée à son bureau, cherchant des idées pour la collection de bijoux. La créativité lui allait bien et agrandissait son sourire de jour en jour.

Cette matinée-là, Blear eut spécialement envie de bien s’habiller, mais elle ne voulait pas en faire de trop. Elle souhaitait apparaître naturelle, charmante, se sentir comme une beauté. Dans son fin peignoir, elle jouait de ses pointes de pied devant le miroir. Elle se plut à rouler des épaules sous sa chevelure soyeuse et à battre des cils.

  • Oh, arrête donc ! s’exclama-t-elle en portant ses deux mains à ses joues.

Le jean sublimait ses jambes, mais cette fois elle opta pour une matière plus souple. Un pantalon noir caressait ses cuisses, mais s’évadait au niveau des chevilles. Il était parfaitement taillé et pour haut, elle mit une marinière. Agrémentée d’une ceinture, ainsi que de bijoux argentés, elle resplendissait. Le bleu de son haut faisait ressortir ses yeux et pour la touche finale, une paire de talons n’était jamais de trop. Elle adorait le look chic à la maison, dans lequel elle se sentait à l’aise mais jolie. Parfait pour…

Les joues rougies, Blear pinça les lèvres en observant son reflet. Tout d’un coup, elle manqua de confiance, triturant nerveusement son pendentif. Une boule s’installa au niveau de son ventre. Penser à Dossan de cette manière, c’était… Idiot de sa part. Afin de se changer les idées, elle descendit auprès des enfants qui déjeunaient dans la pièce principale, Leroy et Lysen se jetant de doux regards. Elle ne voulait pas savoir, se répéta-t-elle au moins trois fois dans sa tête.


  • Déjà en train de vous goinfrer les enfants ? plaisanta-t-elle en venant embrasser sa fille.

Elle s’asseya aux côtés de Leroy qui tendit le cou pour lui donner sa joue. Tout en caressant l’arrière de sa tête, Blear fut ravie de faire de même. Il lui envoya des signaux qui ne trompaient pas, les yeux qu’elle avait vu si tristes auparavant, s’adonnant à une tendresse infinie. Elle n’avait pas eu l’impression de mériter autant d’amour de sa part.


  • Que regardez-vous ? demanda-t-elle en les voyant penchés sur un journal.
  • Quelques news à propos de Billy, du tournage, tout ça…
  • Je vois. Je l'appellerais prochainement, dit-elle en s’en accaparant.

Blear fut surprise lorsque Leroy passa son menton au-dessus de son avant-bras. Il y déposa sa tête, tel un chat. L’envie de le câliner la saisit et elle eut envie de pleurer en voyant Lysen participer à l’étreinte, elle aussi, tombant sur l’épaule de son chéri.

  • Oh, le mioche.

Tous se retournèrent vers Sky, qui le regardait de haut.

  • Dégage de là, balança-t-il en gardant ses mains dans ses poches, car il connaissait parfaitement les limites de ce dernier.
  • Quoi… T’es jaloux ? fit-il en se collant un peu plus à Blear, se dotant de toute la mesquinerie féline qui le seyait.
  • Voyons…
  • Ouais. Pas touche.

Heureuse, et bien embêtée, Blear se leva. Elle n’aurait jamais cru vivre un matin pareil et il débutait seulement. Quand elle voulut dire bonjour à Sky, ce dernier se laissa tomber doucement dans ses bras, déposant aussi sa tête sur son épaule. Du coin de l'œil, il vérifia la réaction de l’autre imbécile. Il fut assez content de le voir avec les nerfs.

Pour qui il se prenait le gamin ?

Ils se lançaient des éclairs. En se décollant de sa mère, le Richess de la famille évita de la regarder dans les yeux, plus timide.


  • C’est drôle, j’ai comme une envie de manger avec vous, lança-t-il ensuite en s’intercalant entre les deux ados.
  • Mais arrête, Sky ! T’es chiant ! s’écria Lysen.
  • Na na na, j’entends rien.
  • Crevard…

Sky menaça Leroy de son doigt. Cela fit monter la tension en deux temps. Un sourire en coin monta aux lèvres de ce dernier. D’un coup, il claqua ses dents dans le vide.


  • Waw ! Espèce de cannibale ! T’es un fou malade…
  • Fou de ta sœur.
  • Toi… Je vais te…

Comme des gamins, ils se mirent à courir dans le salon. Soulagée de voir qu’ils ne faisaient que de se taquiner, Blear apprécia le spectacle. Cela n’avait jamais été aussi animé dans sa maison. Sky balança un coussin à la figure de Leroy qui resta debout comme un ahuri. Il s’empressa de lui rendre la pareille. Les deux garçons se détestaient, mais ils se détestaient bien.

N’ayant jamais entendu autant de bruit, Charles sortit de la cuisine, paniqué. Il n’en revint pas ses yeux, les rides sur son front se plissant de surprise. Blear le dissuada de les arrêter en l’entraînant dans la cuisine. Elle rigolait à pleine dent, même revenue au calme.

Avec une lueur, le vieux monsieur l’admira :


  • Vous semblez heureuse…
  • Oh, s’arrêta-t-elle, pour l’observer avec joie. Comment ne pas l’être ? Ils me font beaucoup rire.
  • C’est agréable. J’aime vous voir ainsi, dit-il après un temps.
  • Ah oui… ?
  • Vous resplendissez.

Gênée, Blear ne sut où se mettre. Il ne fallut qu’un court instant pour qu’ils partagent un moment de silence. À nouveau, elle joua avec son collier. Quelque chose la chiffonnait.

  • Charles… ? Est-ce que je peux vous poser une question ?
  • Bien sûr, Madame.
  • … Puis-je savoir pourquoi… Vous ne m’avez pas prévenu que Dossan venait ?

Le malaise de l’homme était palpable.

  • Je ne vous fais pas de reproche, mais je suis… curieuse ? Qu’est-ce qui fait que vous l’avez gardé pour vous ?

Il était rare que Charles omette des informations.

Celui-ci réfléchit.


  • J’ai pensé qu’en vous le disant, vous ne profiterez pas totalement de la journée d’hier. Que ce soit avec Lysen ou le fait de rencontrer son petit-ami, ... Et j’ai cru comprendre que vous vous êtes réconciliés avec Monsieur ? C’est une bonne chose.
  • Je dois avouer également que je souhaitais, peut-être égoïstement, profiter de ce temps avec vous, enchaîna-t-il avant qu’elle ne puisse répondre quoi que ce soit. Nous avions prévu de cuisiner ensemble et j’ai préféré… J’ai fait preuve d’immaturité, Madame, conclut-il, d’un air peu fier.
  • Charles, j’aimerais tellement qu’un jour, vous m’appeliez Blear.
  • Cela fait tellement longtemps vous savez…
  • Je sais. Ce n’est rien, mais sachez que ça ne veut pas dire que je me sens loin de vous.
  • … Je le sais. Moi non plus.

Ils se sourirent. Blear lui tendit sa main qu’il attrapa sans rechigner. Elle remarqua qu’il abaissait encore la tête.

  • Et je suis inquiet. Je suis inquiet que cet homme vienne aujourd’hui.

Cela l’étonna beaucoup. Charles semblait souffrir.


  • J’ai la sensation que mes propos peuvent vous blesser, mais…
  • Dites-moi toujours, l’invita-t-elle à continuer, effectivement avec une pointe de peine.
  • En ce moment, je vous trouve si épanouie… Je prends plaisir à vous voir participer à de nouveaux projets, à vous voir vous réconcilier avec vos enfants, et il n’y a rien de plus beau que de vous voir sourire. Je suis inquiet, car l’amour… Aussi beau soit-il, n’amène pas que des rires et de la joie, et cet homme… Je sais combien il a compté pour vous. Je le sais mieux que quiconque pour avoir entendu pleurer en secret…
  • Charles, c’est…

Il serra sa main. L’émotion la gagna.


  • J’ai peur que l’amour vous fasse souffrir à nouveau. Je tiens à vous, je ne voudrais pas vous voir perdre votre sourire.
  • Et moi donc. Moi aussi, je tiens à vous.
  • … Est-ce que vous l'aimez encore ?

Blear lui lança un regard désapprobateur et haussa les épaules.


  • Là n’est pas la question. Charles, je ne vais pas mentir : j’ai envie de le revoir. Je suis impatiente de l’instant où il sera devant la porte, même pour un court instant, parce que… Parce que c’est comme ça, c’est en moi, dit-elle en portant sa main sur son cœur. Et je ne sais ce que l’avenir me réserve en termes d’amour, mais une chose est sûre, oui, je suis heureuse qu’il vienne aujourd’hui. Et l’amour, continua-t-elle en attrapant ses deux épaules, aussi douloureux soit-il, quand il est vrai, finit toujours par redonner un sourire.

C’est ce qu’elle fit. Blear lui montra le plus joli des sourires. Il fut contaminé par le bonheur qu’elle irradiait, tandis que de l’autre côté de la porte, les enfants se faisaient la guerre dans des rires. Ils se criaient dessus, mais ils rigolaient tellement. Il n’y avait rien de plus beau.

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