Si je démange, prière de ne pas gratter !
Je suis un morpion.
Un pou du pubis. Mon petit nom est morbac. Morbacou pour les intimes.
Mais en fait, mon vrai prénom est Emmanuel, mais tout le monde s’en fout.
Mon niveau de vie se situe au-dessous de la ceinture de mon logeur. Juste histoire de vous donner une idée de mon milieu social et professionnel.
Je suis du genre casanier. Pour me faire traverser la rue pour chercher un nouveau boulot, hé hé, vous pouvez toujours essayer.
Par devant, la situation peut sembler parfois brillante, quand l’étendard est dressé, mais ne venez pas jeter un œil derrière les coulisses, ni surtout sur l’arrière-cour, parce que dans ce coin, ça fouette. Il vaut mieux regarder deux fois où on pose ses pattes.
Un pet foireux, et le terrain devient vite infréquentable. Mon logeur mange trop de fibres et de fruit, et la consistance s’en ressent. Un vrai marigot. Quand il mange en plus des fayots, c’est apocalypse now.
Une vie de bas-fond, mais je ne vais pas me plaindre, ce n’est pas Dickens non plus.
Mon proprio n’est pas un modèle d’hygiène, ce qui m’arrange bien. J’ai appris à supporter une douche rapide de temps en temps.
Hier soir, j’ai eu de la visite. Des potes qui crèchent chez la voisine de l’étage du dessus. Parfois, elle rend visite à mon crado et ils passent la nuit ensemble. Pendant qu’ils se frottent leurs panses ramollies, entre morpions, on discute le bout de gras.
Nous, les morpions, nous adorons les épidermes qui suent.
Le seul danger est les ongles de nos logeurs. Quand l’envie leur prend de se gratter, là, faut déguerpir fissa. J’avais un ami, avec qui j’avais aménagé ici qui s’est fait broyer. Le pauvre. Ce fut horrible.
Quand mon gars fourre sa pogne dans le falzar, il y a deux solutions : soit il veut se tripoter la trompe, ça lui arrive souvent quand il est abousé dans le canapé devant sa télé, soit j’ai exagéré, et il veut se gratter.
Pour ça, j’ai une méthode au poil. Je file dans l’arrière-cour, celle qui sent mauvais, et je le pique en plein dans la grosse hémorroïde. Je sens le frémissement de la carcasse, et il file aux chiottes. Si j’ai piqué assez fort, elle saigne un petit peu. Il la beurre de pommade et retourne s’affaler sur son sofa. Normalement, après, j’ai la paix.
Je reconnais que ce n’est pas élégant, mais quand la survie est en jeu.
Aujourd’hui, mauvaise nouvelle.
Il est allé chez le médecin et j’ai bien entendu que ce fils d’enfant de salaud lui a dit que j’étais là. Et ce triple bâtard, nouveau Bolsonaro morpionicide, lui indique pour seul remède le déboisement total de mon habitat naturel, suivi d’une guerre chimique avec ce produit immonde qu’ils nomment savon de Marseille.
Je dois fuir, mais où ?
Il trifouille dans l’armoire de la salle de bain. Il doit chercher l’engin débroussailleur.
J’ai peur.
Je l’entends pester. Ouf, il ne l’a pas trouvé… eh merde, il file à la cuisine… oh, non…
Dring… quelqu’un sonne à la porte… youpi, c’est la voisine… ouf, sauvé non par le gong, mais par la conne. J’ai oublié de dire qu’elle ne semble pas vraiment futée.
Va-t-il lui dire ?
Non, ils se bisouillent déjà. Cool.
Allez, je vais faire mes bagages. Dans quelques minutes, j’émigre.
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