chapitre 32

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Bon, il fallait simplement patienter et ne rien regretter. Elle verrait sûrement le comte le lendemain. Il ne pouvait pas l’avoir envoyé chercher pour la confiner dans son ancienne chambre ! Elle chercha le sommeil sans parvenir à le trouver malgré sa fatigue et elle se retournait sans cesse dans son lit étroit lorsqu’elle entendit le claquement caractéristique de la porte en bas de l’escalier. Le bruit d’un pas léger accompagné par un murmure très doux lui parvint. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit : c’était Mariette et elle portait dans ses bras un Miscetto effaré qu’elle tentait de calmer par de bonnes paroles.

— Il a peur, dit-elle, il y a trop de monde en bas. Il n’a pas l’habitude. Il s’était caché sous un meuble. J’ai pensé qu’il serait mieux avec vous .

— Merci, dit Lisette et c’était le premier mot qu’elle prononçait depuis son arrivée à Paris. Cette fois, Mariette lui sourit avant de se retirer.

À peine posé sur le sol, le chat avait filé sous le lit. Lisette ne bougea pas et il réapparut vite, se mit à flairer les lieux avec circonspection. Il avait grandi, c’était maintenant un beau chat adulte au pelage clair. Découvrant qu’il était en terrain connu, il s’enhardit peu à peu, sauta bientôt sur la couverture et, tout à fait remis de ses émotions, vint chercher auprès de Lisette des caresses qu’elle lui prodigua sans compter. Rassurée par son ronronnement puissant, Lisette trouva enfin le sommeil.

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Au rez-de-chaussée c’était le moment du dessert, le comte se leva, une coupe de champagne à la main.

— Mes amis, dit-il, il y a des moments de la vie où il faut arrêter le temps qui passe, fêter ce qui a été et croire encore à ce qui sera.

Nous nous connaissons pour la plupart depuis des années, et nous avons laissé, j’ai laissé, la poussière se poser sur nos souvenirs de jeunesse. Ce soir, je veux secouer cette poussière.

Je veux que ce moment soit un instant à part, que nous ne nous considérions plus le temps qui a passé et qui nous a fait vieux mais que nous nous sentions libres comme doivent l’être les esprits qui ont toujours accordé plus d’importance à la pensée qu’à la matière. Fêtons aujourd’hui le Présent, l’éternel Présent, renouons par ce verre que nous partageons, tous les liens de l’amitié et promettons nous de renouveler dès que possible cette fête et le bonheur d’être ensemble. Buvons à l’immortalité ! .

Ce discours, fort applaudi, laissa cependant bien des convives perplexes, il n’expliquait en rien l’invitation inattendue après tant d’années et qui semblait totalement gratuite. Quelques-uns en savaient plus et s’attendirent alors à ce que le comte annonçât sa candidature mais il se rassit, souriant comme si leur présence était la seule chose qu’il désirât. Les invités se contentèrent donc de poursuivre la soirée avec un plaisir sans mélange. Ils vidèrent avec entrain les verres que Sylvie remplissait aussitôt conformément aux ordres qu'elle avait reçus. Le champagne notamment eut un grand succès et délia les langues et les mémoires. C’était vraiment un excellent moment.

Le repas terminé, certains passèrent dans le salon voisin pour y entendre un pianiste connu, tandis que d’autres, installés dans le fumoir, ne tarissaient pas d’éloges sur le style des mémoires du comte et sur ses admirables descriptions de paysages .

D’Eprémesnil allait de l’un à l’autre, disert et affable, offrant de lui l’image charmante d’un homme à qui la vie ne pourrait rien refuser. Personne n’avait su et personne n’aurait pu imaginer par quelles affres il était passé l’année précédente, quelles angoisses il avait traversées avant que Lisette ne lui rende le goût de vivre. C’était là son secret.

La fête dura tard dans la nuit et quand les derniers invités furent partis, il se dit qu’il avait peut-être déjà gagné la partie : plusieurs académiciens lui avaient discrètement annoncé qu’ils lui donneraient leur voix sans même qu’il ait évoqué sa candidature. À l’aube, il monta dans sa chambre et se coucha en pleine euphorie. Il se souvint juste avant de s’endormir que Lisette était sous son toit : cette fois, malgré toute cette frénésie, il n’avait pas oublié de faire ce qu’il fallait pour la mettre à l’abri.

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