chapitre 45

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Ducoursial revint et rendit le dessin à son auteur avec encore quelques compliments : « étonnant de souplesse et de vérité … le sentiment juste du dessin… » puis il se dirigea droit vers Lisette. À son grand soulagement, il n’accorda pas un regard à son travail et lui demanda de le suivre. Elle se retrouva au rez-de-chaussée à nouveau debout devant le bureau où il s’était assis. La pièce s’était vidée. Le petit chien se mit à battre de la queue en la voyant arriver.

— Tu m’as dit que tu ne te souvenais pas de ce tableau comme cela, dit-il en désignant la reproduction de Van Hay. Est-ce que tu peux m’en dire plus ? Il faudrait plus de rouge ici ? C’est cela ?

— Oui, dit Lisette, il était plus rouge là et plus vert ici mais peut-être que c’était la lumière du bureau... 

—  La lumière du bureau ?

—  Je veux dire celui de monsieur d’Eprémesnil.

— Tu veux dire qu’il a une reproduction de ce tableau ? demanda vivement le peintre. Est-elle aussi belle que celle-ci ?

— Elle est bien plus belle, dit naïvement Lisette et plus grande aussi.

Elle allait parler de l’atelier en flammes mais quelque chose la retint. Sans savoir pourquoi, elle sentit qu’elle en avait trop dit. Il fallait qu’elle se taise. Elle ajouta alors du bout des lèvres :

—  Je ne sais pas. J’ai dû me tromper. Peut-être que ce n’était pas celui-là.

— C’est bien, je te remercie, reprit Ducoursial. Reviens la semaine prochaine. Tu travailleras encore à côté de Théophilia. Là, tu ne seras pas dérangée par des bavardages inutiles.

Ursulette attendait devant la porte et elles arrivèrent à l’hôtel à l’heure du repas. Lisette s’assit au bout de la table et se mit aussitôt à manger. Mariette qui était à côté d’elle et qui regardait rêveusement le jardin à chaque bouchée dit soudain :

— Tiens, la porte de l’écurie est ouverte !

 Tout le monde leva la tête.

—  Je vais dire à Tonio de la fermer à clé, déclara Marie-Aurore et le repas reprit.

Lisette regagna sa chambre, pleine d’inquiétude pour Soazick : où allait-elle dormir si la porte était fermée ? Que devenait-elle d’ailleurs ? Elle se reposa un peu puis décida de se rendre à l’écurie. Si on l’interrogeait, elle dirait qu’elle avait eu envie de voir les chevaux. Elle sortit par la cuisine, contourna l’hôtel et gagna la large porte cochère qui donnait sur le boulevard. Elle entra prudemment dans le bâtiment. Tout était calme. Les deux chevaux noirs étaient là. La paille près d’eux ne portait la trace d’aucun corps mais Soazick avait pu effacer les marques de son passage.

La porte était bien fermée à clé, Lisette l’ouvrit puis elle sortit de l’écurie et regagna le jardin. La neige avait fondu et avec elle les traces de pas mais dans le couloir qui menait à l’escalier de service, elle croisa Sylvie qui la regarda curieusement, lui sembla-t-il. Cela l’alerta : elle courait un grand risque en aidant ainsi son amie. Si le comte venait à l’apprendre, elle serait peut-être chassée ! Que deviendrait-elle alors ? Il fallait qu’elle parle à Soazick, elle irait la voir dès la nuit suivante. En attendant, elle se remémora ce qu’elle avait vécu à l’atelier, tous ces nez qu’elle avait dessinés et l’ennui que cela engendrait chez elle. Allait-elle devoir subir cela longtemps ?

   


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