Chapitre 23

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Il était là, face à elle, comme toutes les nuits depuis deux ans. Il avait arrêté de lui parler, Eylen ne voulant pas et ne pouvant lui répondre. Il restait immobile, ses yeux noirs comme la nuit fixés sur elle, semblaient bouillonner de colère et d’impatience.

Eylen elle, restait à distance, ne pouvant s’éloigner de lui malgré le nombre de fois où elle l’avait fui. Elle attendait donc que le rêve s’arrête, essayant d’observer un détail qui lui aurait donné des informations sur lui.

Il était toujours vêtu de blanc, le tissu clair contrastant avec sa peau halée. Il lui paraissait grand et musclé, dégageant une impression de grandeur et d’autorité.

Étrangement, cette fois-ci, il lui sembla que l’homme était moins loin qu’à son habitude. Elle eut l’impression qu’il lui aurait suffi d’une enjambée pour le rejoindre dans le sable. L’homme qui suivait son regard, observa le sol et parut s’apercevoir lui aussi du phénomène.

Eylen sentit l’espoir naître dans le regard de l’homme alors qu’il commençait à se déplacer. Prise d’une peur instinctive elle voulut reculer, mais se cogna contre un mur invisible. Se retournant, elle frappa de toutes ses forces contre la surface transparente, derrière laquelle elle pouvait apercevoir une forêt de sapins.

Elle sentit plus qu’elle ne l’entendit, l’homme s’approcher. Regardant derrière, elle le vit plus proche d’elle qu’il ne l’avait jamais été. Encore quelques pas et il serait sur elle !

L’angoisse lui noua la gorge, elle tenta de crier en vain, aucun son ne sortant de sa gorge. Elle continuait de se débattre quand elle entendit une voix familière.

— Lyne... Lyne… Lyne !!!

Marwen se tenait de l’autre côté du mur invisible, le visage déformé par l’inquiétude. La jeune fille le regarda perplexe.

— Qui appelles-tu ?

— Toi, Lyne. Tu peux m’entendre ?

— Je ne suis pas Lyne...lui répondit la jeune femme sans comprendre.

— Lyne revient ! S'énerva le mage.

— Non ! Je ne suis pas Lyne ! Je suis Eylen !

— Eylen ? L’appela une voix puissante derrière elle.

Terrorisée, elle comprit que c’était L’homme qui s’était approché.

— Non... parvint-elle à dire en se retournant, s’appuyant contre la barrière qui la bloquait.

Réalisant avec surprise qu’elle arrivait enfin à parler, elle posa une main sur sa gorge, étourdie.

Le mur contre lequel elle s’adossait vibra et la main de Marwen se posa sur son épaule l'attirant en arrière.

Disparaissant derrière la barrière elle eut à peine le temps d’apercevoir la haine féroce qui animait les yeux de l’homme quand il fixa Marwen, puis tout devint noir.

— Lyne !

Quelque chose la secouait dans tous les sens avec énergie. Elle repoussa les mains qui lui tenaient les épaules en grognant. Ouvrant les yeux, elle découvrit Marwen qui semblait affolé. Le mage avait les cheveux en bataille, ses grands yeux verts la fixant avec angoisse derrière ses fines lunettes. Une barbe naissante colorait son fin menton. Pourquoi ne s’est-il pas rasé ? se questionna la jeune femme. Ah... je dirais à Maria de l’aider demain.

— Lyne, tu vas bien ?

— Oui, que vous arrive-t-il ? Lui répondit Eylen en se frottant les yeux.

— Tu criais en dormant, et tu te débattais, je n’arrivais pas à te réveiller...

La jeune femme le regarda avec des yeux ronds, puis réalisa soudain où ils se trouvaient. Elle était allongée sur un fin matelas de voyage, le plafond était fait d’une toile brune tendue et on pouvait entendre dehors les discussions des soldats qui buvaient et riaient entre eux. L’excursion ! Ils étaient partis deux jours auparavants, pour rejoindre Toren avec les troupes de Sire Aodren, qui n'était en fait autre que le prince du royaume.
Elle se remémora alors le rêve qu’elle venait d’avoir, un frisson glacé lui parcourant l’échine. Elle serra les mains sur sa poitrine, regardant affolée autour d’elle comme si l’homme allait apparaître et la capturer.

— Lyne ? Dit quelque chose !

Elle se retourna vers le mage, incapable de sortir un seul mot. Sa poitrine se soulevant au rythme rapide de sa respiration affolée et son cœur battant la chamade.

— Il faut partir. Je dois partir d’ici.

— Comment ça ?

— Je ne peux pas vous l’expliquer, mais c’est dangereux, lui dit-elle sûre d’elle.

— Lyne, calme-toi. Tu trembles comme une feuille. Viens, je vais te faire un thé.

Elle se leva mit ses bottes et s’enroula dans sa cape avant de le suivre hors de la tente, où le soleil était tout juste couché. Épuisée par la longue chevauchée, elle s’était écroulée dans son lit, à peine la tente montée. Durant la trejat, elle avait alterné entre l’arrière de la charrette et la marche à pied pour se dégourdir les jambes. Ils s’assirent près du feu allumé non loin de leur tente.

Marwen lui apporta une tasse en fer qu’il avait chauffé entre ses mains et dans laquelle flottait un petit sac de thé.

— Merci, fit Eylen se réchauffant en serrant la boisson chaude.

Elle prit une petite gorgée, essayant de calmer son cœur toujours agité.

— Que t’es-t-il arrivé ? Pourquoi étais-tu si affolée ?

Eylen hésita un instant, ne sachant pas si elle pouvait entièrement se confier au mage sans passer pour une folle furieuse.

— Je fais des rêves, depuis des années... commença-t-elle. Il y a un homme, un étranger, il me semble...

Marwen la fixait calmement, attendant patiemment qu’elle continue.

— Il me cherche. Je ne sais pas qui il est, ni la raison pour laquelle il me cherche ou pourquoi je le sais. Continua-t-elle en voyant le regard interrogateur de son maître. Il était toujours resté à bonne distance depuis que je suis arrivée à la cité, mais ce soir, j’ai senti qu’il était plus proche que d’habitude. Et lui aussi l’a senti...

Elle s’arrêta, plantant ses yeux dans ceux de l’homme perplexe.

— Tu fais souvent des rêves dans ce genre ?

Eylen hocha la tête, n’osant pas lui dire qu’elle rêvait de l’homme toutes les nuits depuis plus de deux ans.

— Et tu penses que cet homme te veut du mal ? La questionna Marwen après un moment de réflexion.

— Je ne sais pas, répondit-elle en secouant la tête. Mais je sens instinctivement que je dois le fuir. Je ne sais pourquoi, mais il ne doit pas me trouver.

— Fuir ne servira à rien, si tu ne sais pas où est cet homme.

Eylen ne savait pas quoi répondre, le mage reprit :

— C’est la première fois que j’entends parler de tels rêves, lorsque j’ai essayé de te réveiller, j’ai senti que j’entrais dans un lieu autre que ton esprit... dit-il en réfléchissant. Écoutes, nous allons finir la mission avec le prince. Ensuite, lorsque nous serons rentrés à la cité, nous ferons des recherches sur tes rêves et cet étranger qui y apparaît.

Eylen acquiesça, elle aurait aimé insister pour qu’ils partent dès ce soir, mais comme le disait son maître, elle ignorait dans quelle direction fuir. Et si elle se jetait directement dans les bras de son poursuivant ?

Demain, ils atteindraient Toren. Une fois que le prince Aodren se soit entretenu avec le fameux empereur qui occupait la ville, si tout se passait bien, ils retourneraient à la capitale. Ce n’était l’histoire que de quelques jours.

La jeune fille alla se recoucher, soulagée d’avoir enfin partagé avec quelqu’un le secret de ses rêves.

Une fois allongée sur sa couche pourtant, elle ne put se résoudre à fermer l’œil, craignant de revoir les yeux emplis de rage de l'homme qui la cherchait...  

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