Chapitre 30
Eylen ouvrit les yeux, sentant les rayons du soleil lui réchauffer le visage. Elle découvrit alors une pièce tout en pierre grise, richement meublée, un grand lustre fait de plusieurs petites sphères blanches brillantes pendait du plafond. Elle était allongée sur un grand lit à baldaquin surplombé de voilages clairs et transparants, attachés aux coins du lit. Sur le mur de droite, une grande fenêtre en fer forgé faite de plusieurs petits vitraux de couleur éclairait la pièce d’une douce lumière. Où suis-je ? Est-ce Toren ?
Vérifiant sont bandeau et passant sa main sur le tissu rugueux de sa robe en lin, elle réalisa soudain qu’elle ne ressentait plus aucune douleur au ventre. Marwen ! Pensa-t-elle soudain en se redressant. Elle vit alors un homme, assit dans un fauteuil face au pied du lit, qui la fixait.
Il était vêtu d'une tunique blanche entrouverte, d’un pantalon bouffant de la même couleur serré à la ceinture par un foulard rouge. Une jambe posée sur l’autre, il était accoudé à son siège, ses deux mains jointes devant sa bouche avec un air pensif.
Ses cheveux épais et courts étaient presque aussi noirs que ceux d’Eylen ; ses yeux, légèrement en amande aux pupilles d’un noir profond, brillaient sous ses larges sourcils. Lorsqu’il baissa les mains, elle découvrit son visage aux traits droit et à la mâchoire carrée, sa bouche ronde étirée en un mystérieux sourire.
C’était lui. Elle le reconnaissait pour l’avoir vu tant de fois dans ses rêves. Elle remonta sur elle la couverture immaculée, sentant la panique s’emparer de son corps.
— Approche, lui ordonna l’homme d’une voix forte qui résonna dans toute la pièce.
Elle se figea, serrant un peu plus fort le tissu dans ses mains.
— Eylen... dit l’homme impatient.
La jeune femme sursauta de surprise et lui lança un regard suspicieux, refusant toujours de bouger. Comment connaît-il mon nom ?
— Dois-je devoir venir te chercher de force ? Demanda-t-il en levant un sourcil, amusé.
Eylen lâcha instantanément la couverture et se glissa hors du lit tout fixant l’homme nerveusement. Elle s’approcha, contournant le grand lit de bois pour s’arrêter à deux mètres de lui, droite comme un piquet.
Sur la petite table devant lui était posé un fin cercle doré entrouvert à côté d’une dague dont la lame brillait dangereusement.
— Il semble que tu saches soigner les blessures, reprit-il en décroisant les jambes. Le mage qui t’accompagnait a d'ailleurs pu bénéficier de tes talents...
Elle sentait dans sa voix une pointe d’agacements sans en comprendre la raison.
— Comment va Marwen ? Demanda-t-elle sur la défensive.
— Il va bien. Pour le moment... lui dit-il menaçant.
Eylen ressentit une vague de soulagement lui alléger les épaules, serra les poings et releva courageusement le menton.
— Que me voulez-vous ?
— Je me suis moi aussi blessé lors de l’affrontement, continua-t-il en écartant le pan droit de sa tunique pour dévoiler une fine entaille qui courrait le long de ses côtes. J’aurai besoin de tes talents...
Eylen recula, perplexe.
— Vous n’avez pas de guérisseurs ?
— Non. Malheureusement elles n’ont pas pu venir ici avec moi.
Eylen regarda autour d’elle, espérant trouver sa besace remplies de fleurs et de remèdes.
— J’ai besoin de mes herbes et de mes affaires pour vous soigner.
— Vraiment ? C’est dommage... J’avais espéré que tu serais plus honnête avec moi.
Honnête ? Pensa la jeune femme en grimaçant. L’homme continuait de la fixer le visage dur et le regard sévère.
— Si tu y mets de la bonne volonté, je saurai m’en souvenir... Dans le cas contraire, j’irais peut-être poser mes questions directement à ton ami le mage...
— Non ! S’exclama Eylen en avançant d’un pas.
Elle s’approcha de l’homme et s’agenouilla devant lui pour observer sa blessure. L’entaille partait du bas du flanc et remontant le long des côtes en diagonale, comme s’il se l’était faite seul...
Elle tendit la main et hésita, relevant les yeux.
— Je dois vous toucher...
L’homme continua de la fixer sans rien dire et elle avança sa main au contact de sa peau. Elle ressentit immédiatement une gigantesque Energie qui émanait de lui, frénétique et puissante. Elle se força à l’ignorer pour détecter la douleur infligée par sa blessure. Une fois qu’elle y parvint, elle se concentra, fermant les yeux pour l’attirer vers la paume de sa main. La douleur traversa sa main, glissa le long de son bras pour rejoindre son propre flanc et sentit le petit picotement chaud habituel qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle prenait la blessure d’un autre.
Elle rouvrit les yeux juste à temps pour voir la main de l’homme l’agripper à la gorge et la plaquer vivement au sol.
Il posa un genou sur son ventre, s’y appuya de tous son poids, garda une main sur la poitrine d’Eylen et s’entailla le pouce de son autre main contre la dague qui posée sur la petite table. Il attrapa ensuite le cercle d’or qu’il posa sur la gorge de la jeune femme.
Eylen frissonna sous le contact du métal froid. L’homme pressa ensuite son pouce sur le collier et elle sursauta en entendant le petit cliquetis qu’il fit en se refermant sur son cou.
Il souleva ensuite le fin tissu noir qui lui couvrait les yeux et elle plongea son regard dans le sien, sentant une étrange décharge partir de sa nuque et traverser tout son corps.
Observant les iris d’un noir intense de l’inconnu, Eylen eut la sensation de se perdre dedans, comme si elle pouvait s’y noyer à l’infini. Il approcha alors son visage du sien, son souffle chaud effleurant les lèvres de la jeune femme et faisant accélérer les battements son cœur.
— Tu es à moi...
FIN
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