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La pente du toboggan était digne des plus grandes attractions de jeux forains. Gianni le dévala à une allure si folle qu’il ne put percevoir ce qui débouchait sur le tunnel. Fort heureusement, une grande toile tressée amortie sa chute à la manière d’un trampoline et le fit de nouveau bondir dans les airs. Un instant suspendu dans le vide, il eut la délicieuse sensation de planer comme un oiseau. À perte de vue s’étendait un ciel violet parsemé d’étoiles toutes plus brillantes les unes que les autres, avec au sol, des bois et des prairies qui s’alternaient et dont les dégradés de roses se mariaient à la perfection avec cette voute merveilleuse. Pour Gianni, ce paysage incarnait l’idée qu’il s’était toujours faite du pays magique où prenaient place les contes de fées.
Il se réceptionna dans une herbe incroyablement moelleuse qui lui fit oublier la crainte de fracasser ses os fragiles. Sur sa droite, un fin ruisseau aux reflets argentés s’écoulait paisiblement. Gianni y plongea les mains : l'eau devait être chaude, car il ne sentit aucune différence de température entre son milieu ambiant et le liquide. L’eau laissa sur sa peau des traînées de fines paillettes qui chatoyèrent à la clarté du jour. Les yeux du vieil homme pétillaient de ravissement.
- Je sais que c’est beau papy, ça fait toujours cet effet-là, la première fois, mais j’ai vraiment besoin de ton aide.
Devant les yeux implorants du garçon, Gianni se sentit rougir, honteux de son égarement.
— Il va finir par arrêter de me chercher si je tarde trop.
— Mais non mon bonhomme, tenta de rassurer le vieil homme en prenant le bambin par les épaules, pourquoi veux-tu qu'il cesse de te chercher ?
L’enfant s’avança vers le sentier principal, l’air songeur.
— Je ne sais pas moi, il pourrait perdre espoir.
Gianni aurait aimé le rassurer davantage et dissiper ses craintes, mais il ne trouva pas les mots. Était-ce donc ça ? Songea-t-il. Était-ce la perte d’espoir qui l’avait conduit à se réfugier corps et âme dans le travail de l’exploitation ? Non, il savait que si le moindre élément faisait enfin surface, il relancerait l’enquête sans aucune hésitation. L’espoir ne l’avait jamais quitté.
— Impossible qu’il te mette aux oubliettes p’tit gars ! lança Gianni en rejoignant le garçon, et comment est-il ton frère au juste, que je le repère, bien qu’il n’y ait pas foule ici.
L'allée boisée débouchait à présent sur une cuvette à pente douce d'où émergeait une jolie clairière pleine d’arbres fruitiers. Au loin encore, se devinait les rives du lac où voguait la rivière tranquille.
— Mon frère, répondit enfin le garçon en prenant un air polisson, il n'est pas beaucoup plus grand que moi. Enfin si, en fait, bien sûr !
Voyant Gianni froncer les sourcils, l’enfant se mit à trottiner en direction des vergers tout en poursuivant ses explications.
— Il a un visage de vieux, pas comme toi non plus, mais pas bien loin. Il a les mêmes ailes que moi et ses cheveux sont assez longs et raplapla. Ah oui ! Et il a une bouche surdimensionnée à force de raconter des bêtises !
— Et tu as oublié à cette adorable description de préciser ma beauté et mon intellect supérieur ! répliqua une voix séraphique pleine de chaleur.
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