Hey Jude
Hey Jude, don't make it bad....
La ferme. Qu'est ce que je déteste cette chanson... C'est antique. Je changeai de station en appuyant sur tous les boutons de l'autoradio à la fois, ce qui eu le don d'énerver mon père.
- Moi j'aime bien. Tu pourrais me demander mon avis d'abord...
- Papa, cette musique est néfaste pour mon cerveau...
- Petit con, elle est plus vieille que toi, un peu de respect ! Et puis c'est les Beatles...
- Ouais, ben ils sont tous morts alors...
- Pas tous, me contredit-il en changeant de rue d'un air très calme.
Ce qui eu le don de m'énerver, moi. On allait déjeuner chez ma grand mère, comme tous les dimanches. Et honnêtement, ça m'arrangeait bien de sécher. Comme tous les dimanche. Mais depuis que mes parents avaient divorcé, je me coltinais toutes les obligations familiales. Y'avait peut-être que les poubelles qu'on ne sortait pas ensemble. Et encore...
- Y'aura qui ?
- Comme d'hab. Les cousins...
- Génial.
- … Ton oncle, ta tante...
- De mieux en mieux ...
- Et je crois qu'il y aura la voisine de mamie, Georgette, tu te souviens ?
- Tu parles, elle se parfume au chou avec des notes de navet sauvage...
- Grégoire, tu n'es jamais content !
- Papa, franchement, j'avais des plans moi, pour aujourd'hui.
- Genre glander jusqu'à midi, vaguement te lever pour avaler trois bols de céréales devant la Playstation, avant de te remettre sous la couette pour te faire une série ou deux ,.. ? demanda-t-il de ce petit ton ironique qui lisait en moi comme dans un livre ouvert, tout en effectuant un créneau parfait devant la maison de ma grand-mère.
- Pour ton éducation moderne, on ne peut pas tenir une cuillère, son bol et en même temps jouer à la Playstation, répondis-je assez pathétique devant mon manque de répartie. Faut une paille.
- Mais en gros j'ai bon ? fit-il en se moquant à présent ouvertement, mais gentiment.
- Joker, répondis-je résigné.
Je descendis de voiture à regret. Elle puait le produit d'entretien et le sapin à la vanille, mais l'enceinte fortifiée de sa 406 allait me manquer dans les prochaines heures.
Il claqua sa portière, en redressant son veston.
J’aurais pu faire de même, mais comme je n'avais rien à faire de l'effet que je produisais...
Papa passa devant, sans doute pour masquer ma tête maussade. Ou alors avait-il bien calculé son coup. Parce qu'il ajouta mine de rien :
- Au fait, y'aura sans doute aussi le petit fils de la voisine. C'est les vacances, ajouta-t-il comme si ça expliquait tout.
Je levai un sourcil et ouvris un œil incrédule.
- Celui de cet été ?
- Hun hun, répondit-il vaguement, un large sourire sur les lèvres, avant de me laisser passer ostensiblement.
- Papa je t'aime !
La porte s'ouvrit, et les embrassades s'échangèrent. Je jetai des coups d’œil pas très discrets autour de moi, dans l'espoir de l'apercevoir. Jusqu'à ce que mes yeux tombent dessus, et ne s'en décrochent pas.
Je me détachai de ma tante qui faisait mine de me trouver grandi, et me propulsai vers celui qui m'avait retourné la tête tout l'été, sans qu'aucun de nous deux n'ose faire le premier pas.
Mon cerveau eut un blanc, lorsqu'il atterrit devant lui sans y être préparé. Ma bouche s'ouvrit et la plus improbable des premières accroches franchit mes lèvres.
- Dis, tu savais que les Beatles n'étaient pas tous morts ?! m'écriai-je en l'attrapant pas les épaules, un sourire de gosse plaqué sur le visage.
Il hocha la tête. Il le savait. Bien sûr. J'étais bête aussi.
Mais il m'offrit le plus fabuleux des sourires. Ça valait bien de s'être farci cette chanson insupportable durant tout le trajet... !
* * *
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