Ambiance
Bénédicte Plassard, capitaine et Officier de Police Judiciaire avait été mutée au Commissariat de Lannion à soixante-dix kilomètres de sa ville natale de Saint-Brieuc. Elle y était en doublette avec un fringant inspecteur, tout frais émoulu de l’École de Police, qui répondait au nom de Justin Paolozzi. Corse, hâbleur, macho et pressé d’arriver. Tout ce que Bénédicte détestait, croyait-elle.
Il avait commencé par essayer de lui mettre effrontément la main au panier, à la première occasion, et elle dut le remettre à sa place d’un coup de genou bien appliqué dans les joyeuses. Depuis cet incident, Justin et elle jouaient à je t’aime, moi non plus.
La vie du Commissariat de Lannion était comme celle de tous les commissariats de province, plus routinière que passionnante. Violences aux personnes, vols divers, trafics de drogue. Terrorisme et grand banditisme étaient heureusement rares. Filatures, prise de plaintes, arrestations, gardes à vue et interrogatoires se succédaient. Toute une humanité de petits délinquants, de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Des prisons bondées, des juges débordés, des policiers appelés à faire du chiffre. Le moral n’était pas au plus haut. Celui de Bénédicte Plassard n’échappait pas à la règle.
En ce début février, la rue était agitée par des manifestations estudiantines et lycéennes contre la dernière trouvaille du gouvernement destinée aux jeunes en mal d’emploi : le Contrat Première Embauche.
Première embauche, mon cul. CPE : Comment Perdre son Emploi, CPE : Contrat Pour Entuber, CPE : Cocktail Pour Émeutes. Les foules estudiantines n’étaient pas en mal de déclinaisons ironiques, sarcastiques ou vengeresses du sigle gouvernemental.
L’IUT s’était barricadé, comme au plus fort de Mai 68. Les lycéens arpentaient le pavé en dépit de la froidure. La moindre manifestation d’envergure dégénérait sous l’emprise de petites bandes de casseurs alcoolisés, qui cherchaient soit à harceler la police pour passer le temps, soit, le plus souvent, à mettre à profit les désordres pour faire main basse sur tout ce qui pouvait avoir une valeur marchande.
L’avant-veille, entre trois et quatre cents étudiants et lycéens avaient bloqué les entrées de la sous-préfecture. Un TGV avait été retardé et le décollage de l’avion vers Paris empêché. Cela faisait déjà beaucoup de troubles à l’ordre public et un nouveau rassemblement était prévu le soir même dans le centre-ville pour « faire du bruit ».
Aussi le Sous-Préfet, rappelé à ses obligations par le Cabinet du Ministre, était-il sur des charbons ardents et avait-il donné des instructions strictes pour le déroulement de cette dernière manifestation. Tolérance zéro.
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