Plan B

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Renvoyée dans sa cellule de garde à vue, Mam Goz réfléchissait. Elle n’allait quand même pas se laisser intimider par un commissaire, fût-il principal ou divisionnaire, ni par une inspectrice, nulle en orthographe, de surcroît ! Bon, elle s’était quelque peu emportée en poussant cet agent avec son capot, mais de là à la mettre en cabane, c’était trop !

Comme on lui avait inexplicablement laissé son sac à main, Colombe Le Mener passa le reste de son premier jour de garde à vue à poursuivre un ouvrage de tricot qu’elle emportait toujours avec elle, car elle ne craignait rien tant que le désœuvrement.

À midi, la République lui fit l’aumône d’un sandwich jambon beurre et d’un verre d’eau. Au soir, d’une soupe, d’un morceau de pain et de fromage et d’un autre verre d’eau. Elle n’était pas habituée à beaucoup plus. Cela ne lui fit ni chaud ni froid. Son frugal repas achevé, elle s’allongea sur le bat-flanc inconfortable, ramenant les pans de sa jupe sous elle, posa sa tête sur son sac à main, rembourré du tricot en cours et… s’endormit !

Au petit matin, une odeur de café vint lui chatouiller les narines et elle se redressa, endolorie. C’est qu’elle n’avait pas dormi sur une planche depuis… 1942, à une époque où se réveiller les côtes en long ne lui faisait pas peur. Elle s’étira consciencieusement et bientôt une jeune gardienne de la paix vint lui apporter un gobelet en plastique fumant. Elle fit la grimace :

— Vous n’avez donc pas de tasses, ici ? Le plastique donne mauvais goût.

— Eh, non, mamie. Et ne vous plaignez pas, c’est du vrai café de notre cafetière perso, pas celui du distributeur, qui est clair comme de l’eau de vaisselle.

Mam Goz huma le breuvage :

— C’est vrai qu’il sent bon. Merci, mademoiselle.

— Du sucre ?

— Non, merci, à mon âge, ce n’est pas conseillé.

Au soir, Mam Goz était libérée avec une convocation au tribunal sous le chef de « rébellion et entrave à l’action des forces de l’ordre ». Le juge d’instruction n’avait pas retenu l’inculpation de coups et blessures. Ouf ! Mais il était trop tard pour qu’elle pût récupérer son véhicule à la fourrière. Elle prit donc le dernier car pour rentrer chez elle.

Ulcérée par le traitement qu’on lui avait fait subir, ses trente-six heures à l’ombre lui avaient donné le temps de songer à une forme de revanche : démêler avant Bénédicte et son acolyte l’affaire du punk aux faux papiers, dans une lettre adressée directement au Procureur de la République !

Ça leur ferait les pieds !

Elle avait sur eux une longueur d’avance : elle était pratiquement sûre de l’identité véritable de la personne qui avait été arrêtée. Au premier regard, elle avait reconnu dans les traits du jeune homme, malgré sa coupe de cheveux, ceux d’un ancien élève, du temps qu’elle était en poste à Roscoff.

La ressemblance était frappante.

C’était une graine de chenapan, qui avait fait les quatre cents coups, après son certificat, avant de prendre un engagement dans la Marine. Martial Le Guilloux ! Le nom venait de lui revenir, sorti des arcanes bien rangés de sa mémoire d’institutrice.

Un élève intelligent, mais rebelle. Apparemment, le fils, car, pour elle, il ne pouvait s’agir que du fils, était de la même eau que le père.

Mais comment prouver cette filiation ? Les registres d’état civil n’étaient pas consultables avant cinquante ans. Il faudrait donc ruser. Par chance, elle connaissait du monde à la Mairie de Roscoff. Et à la Maternité aussi. Mais peut-être le gaillard était-il né à la maison ? Cela se faisait encore alors. Dans ce cas, il faudrait retrouver la sage-femme ou le médecin accoucheur. Compliqué.

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