Relève
Equinoir est encore au chevet de Brett, cherchant un pouls inexistant. Les yeux de son patient sont injectés de sang. Il pousse un soupir en caressant son rat. Ce dernier pousse des petits couinements pour appeler d’autres de son espèce à le rejoindre. Bientôt, une meute fourmillante de rats inonde la pièce, recouvre le défunt, et commence à le dévorer. Tout fût terminé en un instant. C’était la violence, la brutalité, la sauvagerie. Les plus faibles des individus mourraient dans ce festin et leurs ripailles se mélangeaient à celles de l’ex-patient. Un troupeau d’animaux aux yeux verts arrachaient la peau, faisaient saigner le corps, déchiquetaient les muscles. Des couinements de douleurs se faisaient entendre, presque humains. Bientôt, il ne resta plus rien de ce festin, une véritable orgie nourricière. Seuls les os se disloquant dans la poussière laissait un témoignage de l’acte. Equinoir observât la scène d’un œil neutre, ni horrifié, ni réjoui. Les rats partirent une fois leur œuvre malfaisante terminée.
Il commença ensuite à ranger ses papiers et les divers instruments qu’il a utilisés. Il remit sa pipe dans son précieux étui, puis se vêtit de son chapeau et de son manteau, avant de partir sans un mot. Ce n’était plus son histoire.
Quelques heures plus tard, la lune projeta son rayon pâle sur les os. De ces os s’extirpa une forme imprécise, une ombre qui se battait pour émerger. Au fur et à mesure, on pouvait distinguer un corps humanoïde, plus masculin, portant chaussures vestes et chapeaux. Puis le visage s’affina, laissant apparaître un visage de jeune homme. Enfin, les couleurs s’ajoutèrent au tableau. Sa coiffure épineuse absorbait la lumière pour ne laisser qu’un noir profond. Sa veste bleue se balance à la cadence de ses pas. Son chapeau laisse briller un bandeau d’un jaune cru, reluisant dans cette obscurité lunaire. Finalement, la forme se mit en face de l’encadrement de la fenêtre, contemplant l’immense paysage baignée par la blafarde lune.
Et, dans le reflet de la vitre, on pouvait apercevoir, à la place d’un visage humain, une face au sourire fixe, traduisant toute la mesquinerie du personnage. Un visage de paille se trouvait là où la peau devrait avoir sa place, les yeux en feu, la bouche comme un four mangeant tout sur son passage. Un corbeau tapa à la vitre, l’ombre l’ouvrit.
L’épouvantail était en vie, remplaçant la vie de l’Épouvantail. Il n’a pas su se dépasser pour mériter sa vie, il a renié son honneur pour pouvoir prétendre à la conserver. Et pendant que ses ossements pourriront dans une poubelle, les ombres, elles, danseront toujours.
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