La danseuse

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Le bâtiment était gargantuesque. On pouvait voir ses imposantes tours de pierre ciselée à des kilomètres. Je conviens qu’il devait être assez simple de se cacher dans un de ses recoins quelconques. Mais il n’y avait aucune autre issue que la grande porte dans ce genre de lieux. Sauf si…

Mais bien sûr.

- Soldats ! Configuration combat en sous terrain. Espace étroit et inconnus, ennemis multiples. Le VIP doit rester intact.

Dix voix répondent comme une seule.

- Bien mon Lieutenant !

- Acilus, fais sauter ces portes

Je lève alors la tête tandis que les hommes posent les charges sur les lourdes portes de fer forgé. Des éclairs bleus strient le ciel sans interruption. Je les imagine crever les pavés des rues avec une puissance bien supérieure aux doux tremblements qui agite les cailloux à mes pieds.

Je ne sursaute même pas lorsque les charges de plastic fendent les portes en deux. Ni lorsque celles-ci s’écrasent au sol, soulevant assez de poussière pour plonger la place dans un épais brouillard.

Je ne réagis pas lorsque les danseuses sortent subitement et commencent leur ballet sanglant. Le plasma et l’acier fusent autour de moi. Rien ne me touchera.

Ses cheveux sont bleus, coupés court. Elle porte une tenue militaire dont j’ignore la provenance. Elle me tient dans ses bras alors que je meurs au fond d’une obscure jungle. Sa beauté n’est pas même entamée par son air morose… Pourquoi serait-elle triste d’avoir abattu un ennemi ?

Une danseuse fonce vers moi une vibrolame à la main. Dans un réflexe, j’esquive son coup d’estoc et lui brise la nuque. Les autres rebelles sont à présent hors de combat. L’une d’elle tente pitoyablement de se relever malgré son genou cassé. Un coup de crosse met un terme à ses vaines tentatives.

Acilus se précipite vers moi en retirant son masque entamé par un coup de dague.

- Pourquoi tu n’as rien fais ??? On doit comb…

- J’ai vu ma mort. C’était pas ça.

Son visage se décompose

- De quoi ?

- On en reparlera plus tard sergent. Prend 3 hommes et occupe-toi du prisonnier.

- …Bien Lieutenant

Je n’aimais pas user de mon autorité ainsi, mais je n’aurais pas pu supporter cette conversation un instant de plus. Des éclairs viennent frapper les quartiers environnant. L’air autour de nous crépite alors que le moindre de nos poil se hérisse sur notre peau frisonnante.

Avec un dernier regard dans leur direction, je sors mon pistolet et entre dans la cathédrale.

- Mord : je veux savoir où ils sont. Brule, trouve leurs récepteurs et connecte-nous-y

La brute acquiesce. Son corps se raidit soudainement alors qu’un bourdonnement sourd s’invite dans mon crane. Plusieurs personnes sont en train de parler.

- Signal stabilisé lieutenant !

Je peux distinctement entendre les voix de 3 femmes. Deux sont paniquées, leur chef est sereine. Aucun signe du Prince. Un bip sonore m’annonce que je suis à présent complétement accordé à leurs radios transmetteurs.

- Terroriste. Ici Lieutenant XXXX. Vous êtes encerclés et un de mes hommes trace le moindre de vos mouvements. Déposez les armes et rendez le Prince aux Escadrons Carmins. Vous serez traités avec le respect dû à des prisonniers de guerre.

- Traités avec respect ? Faites-moi une faveur Lieutenant : étranglez-vous avec votre respect et retirez-vous. Sinon vous ne reverrez jamais le prince.

Un son mat suivi d’un cri de douleur me confirment la présence de l’otage.

- Pas de compromis Lieutenant. Fin de transmission.

Trois craquements me vrillent les tympans. Elles ont détruit leurs transmetteurs.

Leurs fusils plasmas a la main, Mord et Brule marchent tranquillement vers moi. Le reste des hommes les suivent.

- On y va Lieutenant ?

Nous entrons dans la doyenne d’Orzhov.
L’entrée en ruine cède rapidement la place eux idoles finement taillées, aux vitraux et aux hôtels de bois massif. La richesse du lieu était à la limite du mauvais gout. Mais ce qui nous impressionna le plus était le lourd silence qui y régnait. Le tonnerre des affrontements n’y était pas même audible.

Nous empruntons respectueusement l’allée principale, marchant parmi les cierges et les bancs dorés jusqu’à l’hôtel éventré d’où les prêtres dominent les cultistes de haut. Je ne me suis jamais senti plus petit qu’en marchant sous l’écrasante voute de métal qui nous surplombait ce soir-là.

Derrière l’hôtel une épaisse porte de métal git éventrée, ancienne gardienne du boyau qui mène aux sous terrain de la cathédrale. Je m’arrête devant ce tunnel taillé grossièrement et repense à la femme qui m’a répondu. Une simple danseuse …

- « Une terroriste Lieutenant. »

- « Gardez l’entrée soldats, je serai le rat. »

Je m’engouffre dans la gueule béante de la cathédrale sans faire attention à l’inquiétude de mes camarades. Personne n’est dupe, une formation de 3 hommes aurait facilement pu pourchasser les fugitifs. Mais je pars seul, sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être par égard pour la détermination de ces guerrières…

Je marche dans ce dédale de tunnels poussiéreux, me laissant guider par les minces informations que mes sens parviennent à rassembler. Une lampe torche me trahirait, j’avance à l’aveugle.

Les souterrains n’ont qu’une issue, bloquée par l’autre moitié de l’escouade. Les 3 fugitifs et le VIP semblent retranchés dans la crypte des grands prêtres.

Les bras le long du corps, je continue dans cette direction. Les échos de leurs conversations me parviennent par bribes alors que j’entrevois une faible lueur orangée qui éclaire le bout du couloir.

- « … abandonnerait pas ! »

- « Toi … quelque chose à sauver…nous…. Fuit ! »

Des bottes claquent contre le sol de pierre lisse. Une seule personne s’éloigne. Elle serait certainement récupérée par les escadrons carmins et faite prisonnière… Tenait-elle à la vie tant que ça ?

Je continue d’avancer. Je marche jusqu’à ce qu’un barrage de rayons bleus percent les murs sur toute la longueur du couloir. Je plonge au sol et attend patiemment que le balayage méthodique de la zone s’arrête.

L’épaisse paroi du boyau fond dans un flash lumineux à chaque impact avec le plasma, éclairant le couloir un court instant. Les statues de métal gardant les tunnels s’animent alors d’une vie éphémère, le temps de livrer au monde une étrange grimace avant de fondre au contact du projectile surchauffé.

Le mur qui sépare le couloir de la crypte n’est plus qu’une ruine. Les tunnels tremblent doucement sous mes pieds alors que je me relève et fait face aux 2 danseuses retranchées.

Je ne vois pas le prince et c’est à peine si je remarque la terroriste affairée à recharger son fusil d’assaut. Sans la regarder, je sors mon revolver et le pointe sur son visage en une fraction seconde. Je la sens s’immobiliser. Je ne quitte pas des yeux la jeune femme qui me fait face.

Elle portait la tenue traditionnelle des danseuses d’Orzhov. Son ensemble était d’un noir uniforme à l’exception du médaillon écarlate qu’elle portait à la poitrine. Visage découvert, elle avait une lame simple à la main.

Je ne sais pas combien de temps nous nous somme regardé avec le même sourire triste. Ses yeux m’avaient percé. Ce qu’ils m’avaient apporté ? Je n’en avais aucune idée.

- « Je m’appelle Valentine. Vous avez le droit à un nom d’où vous venez ? »

Elle avait interprété ce moment d’inaction comme une invitation à la communication. Ça pouvait arriver dans ces situations, certains tentaient de s’en tirer en marchandant ou suppliant. La consigne était simple : pas de communication avec l’ennemi.

- « On m’appelle Ange »

Ce foutu sourire. Trop doux. Trop … trop quoi ? Le VIP n’a plus aucune importance. Pour la première fois : ce que je vois me terrifie.

- « Je suppose que vous n’allez pas vous rendre »

- « Pas de compromis Lieutenant, même devant l’apocalypse. »

La seconde danseuse se retourne alors brusquement et ouvre le feu dans la crypte. Je lui tire dans le dos et regarde son corps s’effondrer au sol alors que je m’abandonne au zen.

Je tourne mon arme vers la … Valentine est rapide, trop rapide.
J’esquive de peu un coup de couteau qui manque de m’ouvrir la gorge, puis un second avant de pouvoir sortir mon couteau de combat. Je la chasse d’un coup de pied. Elle maitrise le zen.

Je l’attaque sans cesse, la faisant reculer jusqu’à un mur de la crypte au prix d’une longue estafilade à la cuisse. Elle se contente d’abord d’esquiver, ne parant que pour contre attaquer lorsque je lui laisse une ouverture. Puis elle passe à l’assaut. Ses mouvements sont imprévisibles, sa lame change de direction au dernier moment, m’obligeant à me concentrer sur elle seule. Je parviens à lui démettre une épaule d’un coup de poing bien placé. Je sens plusieurs de mes cotes sous l’impact de son genou.

Nous reculons en peinant à maintenir notre concentration. La douleur nous assaillit alors que nous nous observons tous deux, nous accordant mutuellement une pause. Le zen nous échappe et le monde reprend son cours normal. Je peux sentir le sang imbiber mon pantalon. Je crache un flot de sang, m’essuyant la bouche sans quitter des yeux mon adversaire. Son visage trahit sa souffrance. Mais elle a toujours ce même regard, cette même lueur dans les yeux. Deux faces d’une même pièce cherchant à s’entretuer, quelle ironie.

Quelle qu’en soit l’issue, le prochain assaut sera le dern…

Un tir fuse à travers la crypte. La moitié de mon visage semble fondre alors que Valentine s’effondre au sol, touchée en plein front.

- « MATRICULE XCLIV-3687, ordre d’assassinat »

La joue en charpie, je me retourne et pointe immédiatement mon revolver sur l’individu derrière moi. La seconde danseuse. J’ai raté mon coup.

Elle retire lentement son masque. Ses cheveux bleuissent à vue d’œil.

Je ne bouge pas, gardant la main serrée sur la crosse de mon pistolet

La danseuse écarte ses cheveux, dévoilant le tatouage des forces loyalistes sur sa nuque.

- « Tu.. »

« Mission accomplie lieutenant. Prince éliminé avant premier contact avec le peuple d’Orzhov. »

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