Mélilémots #4
Mots à incorporer : Caramel, Pandémonium, Architecte, Ostende, Brûlant
Nana déchira le papier de bonbon et mit le caramel dans sa bouche. Antoine la regarda manger consciencieusement, lentement, sa sucrerie. Elle lui jeta un regard de défi. Il plissa les yeux. Il détailla ses cheveux bruns, ses yeux bleus, vrillés dans les siens. Son petit nez. Elle leva le menton dans une attitude dominatrice.
— Je me couche.
Il déposa ses cartes sur le tapis vert. Le poker n’était décidément pas son truc. Elle leva les bras en l’air en signe de victoire et ramassa ses gains. Une montagne de bonbons. Tous amassés lors de la dernière fête d’Halloween. Antoine en était vert de jalousie.
— Chais gagné.
Elle mit le doigt dans sa bouche en faisant une grimace pour tenter de décoller le caramel de ses dents. Le jeune homme leva les yeux au ciel en posant ses mains sur la table.
— Pour le plus grand malheur de tes dents.
Elle sourit si grand qu’elle montra lesdites dents couvertes d’un amas brun qui donna des haut-le-cœur à Antoine.
— Mange proprement, s’il-te-plaît.
Elle referma les lèvres en grognant.
— Qu’est-ce que tu as fait pour gagner autant ? Un pacte avec le diable ?
Elle passa son regard sur lui, de ses cheveux noirs à la pointe de ses baskets.
— Tu veux vraiment connaître le secret ?
Elle prit un air de conspiratrice. Entrant dans son jeu, il se pencha sur la table pour se rapprocher d’elle.
— Dis-moi tout.
— J’en ai appelé à tout le pandémonium.
— Le pandémonium ?
— Le pandémonium.
Il la fixa du regard, dubitatif. Elle hocha vivement la tête.
— Je t’assure.
Son air candide ne trompa personne.
— Bien sûr.
Il se rencogna dans sa chaise.
— Et moi je suis le maire d’Ostende.
Elle haussa les épaules.
— Pourquoi pas ? Tu pourrais, si tu le voulais.
Il lui jeta un regard blasé avant de se lever.
— Tu veux un thé ?
Elle posa un doigt sur sa bouche, fit mine de réfléchir quelques instants, puis acquiesça.
— Ça ne peut pas faire de mal.
Secouant la tête de droite à gauche, Antoine se mit à préparer leurs boissons. Il mit l’eau à chauffer puis sortit les tasses.
— Je suis contente que ton oncle ne soit pas là. Il ne m’aime pas beaucoup.
Antoine se retourna, accoudé au plan de travail. Son oncle était professeur d’histoire au lycée et il n’aimait pas grand monde.
— Il ne devrait pas rentrer avant plusieurs heures.
Elle fit mine d’être soulagée. Lorsque la bouilloire se mit à siffler, Antoine prit les tasses et les différentes boîtes de thé pour les poser devant eux. Il prit l’eau chaude et la versa dans chaque récipient. Nana lui fit un petit signe de remerciement avant de prendre la tasse brûlante entre ses mains.
— Alors le pandémonium ?
Sa remarque fit naître un sourire sur les lèvres de la jeune fille.
— Le pandémonium. Ça t’intéresse de savoir comment j’ai fait ?
Elle prit une petite gorgée avant de grimacer. Antoine leva un sourcil.
— Je t’écoute.
Elle reposa sa tasse et s’essuya la bouche avec ses doigts.
— C’est très simple… Vraiment très simple…
Antoine posa les coudes sur la table et sa tête sur ses mains.
— Tu sais… Il suffit de…
Elle marqua un silence, cherchant ses mots. Un petit sourire se dessina au coin des lèvres du jeune homme. Elle n’allait jamais réussir à se dépatouiller de tout ça.
— Enfin tu vois…
Elle lui jeta un regard suppliant auquel il répondit par un haussement de sourcil. Elle poussa un profond soupir.
— Très bien. J’ai utilisé le pentacle qui se trouve dans ma chambre. Le pandémonium, on en connait que les cercles habituels. Mais il faut savoir qu’ils sont très différents de ce qu’on croit. Tout d’abord, il y a les couturiers. Ce sont les petits démons qui s’occupent de créer les chemins entre leur monde et le nôtre.
Antoine ouvrit grand les yeux et la regarda fixement.
— Ensuite, il y a les cuisiniers. Ce sont eux qui s’occupent des échanges entre les humains et les démons. Un peu comme les pactes du diable.
Elle prit une gorgée de son thé.
— Il n’y a que 5 cercles dans le vrai pandémonium. Celui du milieu contient les photographes. Ce sont eux qui conservent les archives de l’enfer. Puis les architectes, les démons qui bâtissent les enfers, de la plus haute tour au sous-terrain le plus glauque.
Elle ménagea son effet, abîmant son regard dans sa tasse. Antoine trépignait. Au bout de quelques secondes, n'y tenant plus, il se racla la gorge.
— Et le dernier cercle ?
Le petit sourire au coin des lèvres de la jeune fille ne lui disait rien qui vaille.
— Le dernier cercle, ce sont les servantes. Des filles comme moi qui viennent piéger les pauvres âmes comme toi au poker.
Blasé, Antoine croisa les bras.
— Très drôle.
Une lumière rouge brillant dans les yeux de la jeune femme le fit frémir.
— Crois-tu ?
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