Chapitre 3 : Tes yeux appelaient à l'aide
Shoto n’était pas vêtu de son habit de héros habituel, mais portait à la place une combinaison rouge, décorée de cercles blancs au bout des manches. Il se tourna vers un Neito devenu immobile et effrayé tandis que Katsuki éructait :
— Double-Face… Qu’est-ce que…
— Ne te méprends pas, avertit Shoto sans se tourner vers lui. Je ne suis pas venu te sauver. Je voulais seulement m’assurer que je serais celui qui te ferait mordre la poussière.
— Qu’est-ce que tu viens faire maintenant ? tempêta Juzo de la seconde B, en poussant Mina d’un geste et en s’avançant vers Shoto, tentant une nouvelle fois la technique de ramollissement du sol sous ses pieds.
— C’est… C’est tout à l’image de la seconde A, cette idée de rajouter un combattant alors qu’on avait dit six contre six, s’aventura Neito en reculant.
Les élèves de la seconde B formaient à présent un groupe succinct derrière le blond tremblotant. Leurs adversaires se sont, à l’opposé, dirigés vers Katsuki qui souriait d’un élan nouveau, sauf Izuku, toujours positionné à l’extérieur.
— Vous et votre combat, vous ne m’intéressez pas, déclara soudain Shoto en s’élevant du sol avec sa glace et en envoyant de l’autre bras des flammes non mesurées sur le groupe de la seconde B.
Ce dernier fut transporté instantanément au bord de la falaise, criant et gesticulant de douleur, tandis que Mina, Eijiro, Ochaco et Momo s’élançaient vers eux pour leur apporter les premiers soins.
— Qu’est-ce qui te prend ? s’énerva cette dernière, un voile de colère transformant son regard.
Shoto ne répondit pas et se retourna vers Katsuki, qui jubilait.
— Ca fait un moment que j’attendais une occasion comme celle-ci ! s’écria le blond en se frottant les mains.
— De même. Mais malheureusement pour toi, tu ne pourras pas en profiter longtemps.
— Tout à fait, car je vais t’exploser la tronche en deux secondes !
Et Katsuki joignit le geste à la parole en fonçant sur son ennemi désigné. Il lança une explosion à droite puis à gauche mais Shoto parvint à éviter l’une et l’autre sans effort visible.
— Tu disais ? ironisa le garçon aux deux Alters en se protégeant de l’explosion suivante à l’aide d’une barrière de glace.
Katsuki pesta, reculant d’un pas, et ses yeux rouges scannant les environs avec précision. Pendant ce temps, Shoto avait fait ériger d’autres geysers, plus impressionnants les uns que les autres, autour de son adversaire. Le blond, rapidement encerclé, finit par perdre patience et détruire la moindre trace de glace qu’il voyait :
— Je vois ton reflet partout ! Je sais pas comment tu fais ça mais je tomberai pas dans le panneau ! Arrête de t’enfuir et viens te battre si t’es un…
Tout à coup, Shoto réapparut devant lui et déclencha une énorme flamme de son bras gauche. Tout comme le groupe de seconde B, Katsuki fut éjecté vers l’autre falaise, puis roula par terre et ne bougea plus. Des menottes de glace vinrent bientôt entourer ses poignets et chevilles.
— Tu as droit à un traitement spécial, déclara simplement Shoto en guise d’explication.
— Katchan !
Izuku, quittant enfin l’extrémité du terrain, rejoignit le champ de bataille et considéra le spectacle rarissime de son ami d’enfance vaincu.
— Comment as-tu pu faire ça, Shoto ? cria-t-il en serrant les dents et les poings.
— Je ne suis plus le Shoto que vous avez connu.
Et il s’éleva du sol, s’aidant de sa glace, jusqu’à atteindre le groupe des seconde A et B médusés, au bord de la falaise donnant sur la mer.
— J’en avais assez de vos délires de gamins, de vos activités inutiles, lança-t-il en écartant les bras. Nous, les Todoroki, sommes nés pour des grandes choses, et je pense que vous en avez eu la preuve après l’intervention d’Endeavor face au Brainless.
— Shoto louant son père ? Impossible ! fit Eijiro, interloqué.
Après la retraite d’All Might, Endeavor, éternel numéro 2, était passé par défaut numéro 1 des super-héros du pays. Le père de Shoto s’était brillamment distingué en abattant un Brainless, spécimen de monstre très évolué contrôlé par l’alliance des super-vilains.
— A partir de maintenant, poursuivit Shoto, ne me considérez plus comme l’un des vôtres. Je suis venu vous prouver quelle était votre place et vous interdire de barrer la route de mes futurs projets.
— Et tu penses que t’en prendre à Katchan fait partie de ces projets ? menaça Izuku, les yeux perçants.
— Je me suis dit que c’était un bon début.
— Je ne te laisserai pas aller plus loin !
Enclenchant son Alter, One for All, dans sa forme de revêtement intégral, Izuku donna un premier coup de pied, que Shoto enferma dans de la glace. Prisonnier, Izuku se débattit comme un beau diable avant de subir un poing enflammé sur une partie de son cou, s’étant décalé juste à temps pour ne pas finir comme ses camarades. S’étant enfin extrait de la glace, le garçon fit quelques pas en arrière, jaugeant la technique de son adversaire.
Shoto utilisait à présent son feu et sa glace indifféremment. Il était bien loin, le championnat du lycée pendant lequel il avait juré n’utiliser que sa partie droite maternelle et bannir ses flammes qui lui venaient de son père ! Izuku s’en réjouissait, mais en même temps, forcément, était inquiet. Que signifiait ce nouveau discours ? Pourquoi avait-il besoin d’affirmer sa supériorité face à quiconque ? N’était-il pas déjà le fils du héros numéro 1, vivant dans la suffisance et par conséquent sans besoin de s’en prendre aux autres ?
— Je suis déçu, fit-il avec mépris. Pour le disciple d’All Might, tu ne vaux pas grand-chose.
Izuku ravala sa fierté et tenta de raisonner avec logique ; il fallait à tout prix éviter de se retrouver dans une position d’impuissance, telle que celles dans lesquelles il s’était mis tellement de fois. Pour cela, il ne fallait surtout pas utiliser ses poings : d’après le dernier docteur qui l’avait examiné, il n’en avait plus que pour un ou deux coups de poing avec One for All avant de devenir définitivement paralysé des bras.
Sans répondre verbalement à la provocation, le garçon aux cheveux verts s’élança de nouveau et tenta un nouveau coup de pied. Shoto l’évita, mais ne réussit pas à l’enfermer de nouveau dans sa glace.
— Vas-y, Deku !
Izuku se tourna vers la droite et croisa le regard d’Ochaco, qui avait placé ses mains en porte-voix, et était à l’origine de l’encouragement. Il lui sourit et considéra ses autres camarades : ils étaient tous concentrés sur le combat, l’attitude pleine d’espoir, sauf Momo qui était repliée sur elle-même.
— Hm. Tu ne t’en sortiras pas longtemps, assura Shoto en souriant à son tour.
Izuku déglutit et recula juste à temps pour l’empêcher d’enfoncer son poing glacé dans son épaule. Shoto faisait apparaître une véritable colonne de glace autour de sa main droite et la brandissait sans cesse, toujours avec minutie, vers l’héritier du One for All. Ce dernier, vite déstabilisé, sentait qu’il lui laissait une ouverture mais ne pouvait rien faire pour la combler. Et en effet, Shoto en profita pour utiliser sa main gauche et faire jaillir de nouvelles flammes. Izuku tomba au sol, juste à temps pour éviter les dégâts, et, s’échappant à toute vitesse derrière son adversaire, revint à la charge avec un coup de pied qui cette fois atteignit sa cible en plein dos.
Les seconde A sur la falaise côté mer s’en donnèrent à cœur joie, et l’acclamèrent avec de grands cris. Izuku savait cependant que l’affrontement était loin d’être terminé. Shoto se releva – son regard suffisant avait changé.
— Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? s’écria une nouvelle voix venant de la falaise.
Izuku reporta son regard sur celle-ci et vit une Momo larmoyante s’agiter vers eux, prête à dévaler la falaise, tandis que Mina peinait à la retenir à l’aide de ses deux bras.
— Il n’y a aucune raison pour que tu ne sois « plus l’un des nôtres » ! poursuivait Momo d’une voix forte. Il n’y a aucun objectif que tu ne puisses atteindre en restant parmi nous ! A Yuei, tout le monde reconnaît tes qualités et celles de ta famille, alors… ça ne sert à rien de passer de l’autre côté !
A ces mots, Shoto serra les poings et fronça les sourcils.
— Si tu n’es plus là, qui prendra la place de l’élève assis à ma droite qui m’encourageait toujours ? acheva-t-elle en s’effondrant, la tête entre ses mains.
— Toi aussi, tu auras droit à un traitement spécial, répliqua le garçon aux deux Alters, le visage vide d’émotion, avant de se retourner vers Izuku. Tant qu’on y est, je précise une chose : je ne suis pas passé « de l’autre côté ». Je ne suis pas un super-vilain ou quelque chose du genre. J’ai beaucoup réfléchi ces derniers jours, et j’ai fini par créer mon propre « côté ». Personne ne gênera mon ascension.
Izuku ne savait plus ce qu’il devait faire, mais le combat était déjà enclenché, c’était trop tard pour reculer. Déjà, Shoto revenait à la charge, enveloppant une nouvelle fois son poing droit de glace et s’avançant dangereusement.
« Je n’ai plus le choix », pensa Izuku, à court d’idées. « One for All… 50% ! »
Il prépara à son tour son poing et s’apprêta à accueillir l’attaque de son ancien camarade. Tant pis pour les conséquences… Recovery Girl, l’infirmière du lycée, saurait bien trouver un remède miracle pour son bras lorsqu’ils rentreraient à Yuei…
Poussant un cri qui terrifia ses camarades, il s’élança vers Shoto et sentit avec douleur le flux de puissance emplir son corps et se diriger vers son poignet. Quant au poing de glace, il mua en mini-iceberg, prêt à tout dévaster sur son passage.
— C’est terminé.
Au moment précis où les deux poings allaient s’entrechoquer, Shoto vit avec surprise des flammes familières faire fondre sa glace, tandis que le One for All fut stoppé par un poing surpuissant, avant qu’Izuku eût pu libérer sa force. Un même cri de stupeur vint de la falaise :
— En… Endeavor ?
Ses deux bras tendus vers chacun des garçons, le numéro 1 des héros était intervenu, la mine grave.
— Qu’est-ce que tu viens faire ici ? s’alarma Shoto en reculant. C’est mon combat ! Je dois stopper cette fausse copie d’All Might, de celui qui t’a tant humilié !
Reculant à son tour, Izuku, tout aussi déconcerté, observa la scène avec une émotion étrange.
— Je ne t’ai jamais demandé de me défendre, Shoto, fit le père de sa voix grave. Ni de sécher les cours.
Un petit rire résonna depuis l’autre falaise. Le garçon hétérochrome y porta ses yeux et s’aperçut avec colère que Katsuki avait repris conscience, encore trop faible pour se débarrasser des menottes mais visiblement suffisamment alerte pour se moquer.
— Mais…
— Cela suffit, Shoto. Nous avons une discussion à mener à la maison. Et vous tous : rentrez immédiatement à l’internat, clôtura Endeavor en adressant un regard de tueur vers le groupe d’élèves massé sur la falaise.
***
— Vous avez fini par rentrer. Merci, Endeavor.
Le professeur Aizawa dirigea ses yeux mi-clos vers le groupe fugitif de la classe dont il avait la charge, tandis que Vlad King s’occupait de la seconde B.
Enji Todoroki quitta les lieux avec son fils, qui ne décolérait pas, d’autant qu’Eraser Head venait de lui annoncer qu’il serait puni comme les autres.
— Exercices supplémentaires quotidiens et corvées de ménage pendant une semaine. Ça vous va ? fit le professeur sur un ton qui n’avait rien d’une question.
Les six élèves baissèrent la tête, y compris Katsuki qui, les mains dans les poches, rugissait de frustration. Le professeur Aizawa leur fit signe de regagner l’internat et ils obtempérèrent aussitôt.
— Désolée ! fit une voix qu’ils connaissaient depuis peu.
Ochaco sentit une main vigoureuse attraper sa chemise. Se retournant, elle aperçut Kyuri, arrivée en courant depuis les dortoirs de la seconde B.
— Je vais devoir vous quitter…
— Comment ça ? s’étonna Ochaco.
— La combine n’est pas passée, expliqua-t-elle distraitement. Je vais devoir trouver un autre lycée.
— Attends, pourquoi seulement toi ? s’étonna Eijiro.
— Il vaut mieux que ce soit ainsi, fit Kyuri d’une voix triste. J’assume de vous avoir aidés, et je m’en vais plutôt que vous qui avez déjà passé un moment à Yuei. Merci pour tout !
Et Ochaco la vit tourner les talons avant qu’elle eût pu lui adresser la moindre parole réconfortante. Il y eut un silence de mort pendant près d’une minute.
— Eh les gars ! s’exclama Denki, qui les avait rejoint sur le pas de la porte. On a été découverts ! C’est dommage, hein ?
— Je suis sûr que c’est un coup de Tenya ! s’emporta Eijiro en durcissant ses bras.
— Que nenni, répondit l’intéressé en rajustant ses lunettes. Je suis un délégué solidaire !
— Je suppose que le professeur Aizawa nous connaît assez pour s’être aperçu de la supercherie. Croa ! fit Tsuyu en tirant la langue.
***
— Eh, Deku.
Pour la deuxième fois, Izuku et Katsuki étaient de corvée de ménage ensemble, le premier passant l’aspirateur et le second ramassant les poubelles, tandis que les autres élèves punis travaillaient dans les cuisines, arrosaient les jardins ou nettoyaient les couloirs.
— Oui ? répondit Izuku, intimidé.
— Pourquoi t’es venu à ma rescousse lorsque Double-Face m’a eu ?
Izuku se rassura et sourit en silence. Un flot de souvenirs remontait à la surface – des souvenirs pas toujours heureux mais qui avaient contribué à faire de lui ce qu’il était désormais.
— Tu te souviens lorsqu’on était collégiens ?
Katsuki s’arrêta de travailler une seconde, perturbé par l’image du Katchan collégien qui avait tant harcelé le garçon aux cheveux verts, comme s’il avait cherché à se prouver quelque chose.
— Ce monstre qui t’avait eu aussi… poursuivit Izuku. Ma réaction… Eh bien ça a été la même chose. Je n’ai pas pu m’empêcher d’agir parce que… Tes yeux appelaient à l’aide.
FIN
Annotations
Versions