Le général
Clignant des yeux, Élira étudia ce qu’elle voyait au-dessus d’elle. La lumière du soleil s’était levée. Elle s’infiltrait au travers des rideaux et déposait des formes qui ondulaient sur le plafond et les murs. Élira tourna la tête sur les côtés et retint son souffle. Les lieux où elle se trouvait lui étaient inconnus. Elle observa les meubles, se demandant de quoi il pouvait bien s’agir. Elle tendit la main vers la table de nuit avant de comprendre que son corps n’était pas sur le sol. Glissant ses mains sur le matelas, elle sentit la douceur des draps et soupira d’aise. Jamais elle n’avait connu un tel confort de toute sa vie sous-marine. Ramenant ses mains sur son corps, elle sentit un tissu doux. Le saisissant, elle comprit qu’elle le portait comme elle l’avait vu sur les autres êtres humains.
Bougeant les jambes, elle soupira de soulagement en ne ressentant aucune douleur. Le souvenir de ses premiers pas étant tout de même encore frais, elle les déplaça aussi lentement que possible. Une fois ses deux pieds au sol, elle se leva avec précaution et s’avança dans la pièce. Elle se dirigea naturellement vers la source de lumière et posa ses mains sur les vitres de la fenêtre. Dehors, elle vit une grande cour comptant plusieurs êtres humains qui s’affairaient çà et là.
Élira les observa pendant quelques minutes avec un grand sourire. Soudain, les souvenirs de la veille lui revinrent. L’homme qu’elle avait sauvé de la noyade l’avait aidée à marcher et amenée ici. Observant une nouvelle fois la pièce, elle aperçut la porte entrouverte. Bien qu’elle ignorait ce qu’était une porte, elle pouvait apercevoir par l’embrasure les prémices d’un autre lieu. Elle s’approcha prudemment. Glissant ses doigts dans l’ouverture, elle tira la porte vers elle. La seconde pièce, bien plus grande que celle où elle se trouvait, était encombrée de nombreux meubles. Élira y entra d’un pas hésitant.
Son regard traversa doucement les lieux pour les étudier en détail. Toutes sortes d’objets inconnus étaient posés sur des meubles. Elle glissa ses doigts sur le bois d’un buffet avant d’avancer vers une grande armoire. Elle s’en détourna pour rejoindre une chaise qu’elle étudia attentivement puis elle posa ses mains sur une table. Trop excitée par toutes ces nouvelles choses, elle bouscula sans le vouloir un vase qui reposait sur la table. Celui-ci s’écrasa sur le sol dans un violent fracas. Surprise, Élira recula et trébucha sur sa proche cheville. Elle bascula en arrière et tomba sur les fesses. Elle poussa un petit cri de douleur puis un autre de surprise quand l’homme de la veille accourut vers elle.
— Vous allez bien ? questionna-t-il avec inquiétude.
Élira l’observa en gardant le silence. Elle ne l’avait pas vu arriver dans la pièce.
— Mademoiselle ? Vous allez bien ? réitéra l’homme.
La sirène voulut répondre par l’affirmative mais sa gorge serrée par l’angoisse ne laissa sortir aucun son. Elle se contenta alors de hocher la tête. L’homme lui tendit une main et l’aida à se lever. Il la fit asseoir sur la chaise et commença à ramasser les morceaux du vase. Il jeta de fréquents coups d’œil vers elle et lorsqu’il eut terminé, lui offrit un grand sourire.
— Vous… Vous avez un nom ? lui demanda-t-il.
Élira hocha la tête mais une nouvelle fois, alors qu’elle tentait de prononcer un mot, rien ne sortit de sa gorge. Elle y posa une main et soupira.
— Vous ne pouvez pas parler ? Vous avez mal à la gorge ?
La sirène hocha la tête à plusieurs reprises. L’homme attrapa un verre et une carafe. Élira fixa les objets avec curiosité. Il versa de l’eau dans le verre et le lui tendit. Saisissant l’objet, elle observa l’eau prise au piège à l’intérieur. L’homme la dévisagea un instant et soudain attrapa un second verre qu’il remplit également. Il porta le récipient à sa bouche et le pencha pour boire. Élira l’imita et à peine le liquide entra-t-il dans sa bouche qu’elle le recracha avec dégoût. En sentant un goût étrange sur la langue, la sirène grimaça. L’homme surpris resta un instant interdit avant de, soudain, reprendre le verre des mains d’Élira. Il s’éloigna, attrapa un autre récipient et versa quelque chose dans le verre. Lorsqu’il revint, il lui adressa un nouveau sourire et le lui rendit. Sous les encouragements silencieux de l’homme, Élira le porta une nouvelle fois à sa bouche. Lorsque l’eau frôla ses lèvres, elle fut surprise d’y retrouver le goût de la mer. La sirène avala la totalité du contenu du verre et leva la tête vers l’homme. Celui-ci souriait franchement et laissa même échapper un léger rire.
— Äke ? s’exclama une voix derrière Élira.
La sirène se retourna vivement pour voir une femme les observer d’un air effaré.
— Qui est cette femme et pourquoi porte-t-elle l’une de tes chemises en guise de robe ?
— Tout va bien, murmura l’homme en posant une main sur celle d’Élira qui s’était recroquevillée sur elle-même. Cette jeune femme avait besoin d’aide. Je l’ai laissée passer la nuit ici. Comme elle n’avait pas de vêtement, je lui ai prêté une chemise.
— Mais qui est-elle ? questionna la femme.
— Je l’ignore, répondit-il. Elle semble avoir la gorge abîmée et ne peut pas parler.
La femme soupira.
— Äke… Ce n’est pas un animal blessé, tu ne peux pas ramener une inconnue chez toi.
— Comme tu viens de le dire, c’est chez moi, alors… Si.
— Mais je vis ici aussi ! s’exclama-t-elle. Qui te dis qu’elle ne va pas nous tuer ?
Il haussa les épaules.
— Rien du tout, reconnut-il. Mais je ne peux pas la laisser livrée à elle-même.
— D’accord… céda la femme. Cependant, elle ne peut pas rester ainsi habillée d’une chemise d’homme. C’est indécent. Il lui faut des vêtements plus couvrants. Venez avec moi, je vais vous trouver de quoi vous habiller !
Äke jeta un œil à Élira.
— Mademoiselle ? Suivez Agneta, dit-il en indiquant la femme. C’est ma sœur et elle va vous trouver des vêtements plus appropriés.
Après un coup d’œil à Agneta, Élira fronça les sourcils. Elle tourna la tête vers Äke et la pencha, perplexe. L’homme lui sourit et pinça le tissu de sa chemise.
— D’autres vêtements, répéta-t-il.
Élira hocha la tête et se leva. Elle rejoignit Agneta qui l’attendait d’un air agacé. La femme la conduisit dans une pièce semblable à celle où la sirène s’était réveillée, à la seule différence que celle-ci était bien plus colorée. Élira sourit en observant les objets inconnus qui s’étalaient dans toute la pièce. Agneta lui attrapa le bras et d’un geste sec la tira vers une grande armoire.
— Bien, voyons voir, murmura-t-elle. Vous n’êtes pas bien épaisse alors mes vêtements seront un peu grands mais ils devraient faire l’affaire.
Agneta attrapa une longue robe vert émeraude et la donna à Élira. La sirène s’en saisit et la tendit devant elle pour l’observer. Devant la beauté du tissu, elle sourit. Agneta lui retira soudainement la robe des mains et à la place lui donna un fin débardeur blanc ainsi qu’un short.
— Allez, retirez la chemise et enfilez ça.
Élira s’exécuta sans broncher malgré le ton cassant de la femme. Une fois prête, Agneta approcha d’elle avec un corset et le positionna sur le ventre de la sirène. Celle-ci ne bougea pas et l’observa faire. Cependant, quand Agneta serra violemment les lacets du corset, Élira poussa un cri de surprise et de douleur. Elle tira sur le vêtement et l’arracha des mains d’Agneta avant de le lancer dans la pièce. La porte s’ouvrit à la volée et Äke entra précipitamment.
— Qu’est-ce qu’il…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’Élira fonçait se cacher derrière lui. Elle agrippa ses vêtements et se serra contre son dos. L’homme fronça les sourcils et se tourna vers sa sœur.
— Je ne veux pas de ça, ça fait mal… s’exclama Élira en pointant du doigt le corset.
Surpris d’entendre sa voix, Äke ouvrit grand les yeux.
— Vous avez retrouvé votre voix on dirait… dit-il en lui jetant un œil.
Élira porta sa main à sa gorge.
— Le corset ne sera pas nécessaire, continua Äke à l’attention de sa sœur.
— Mais enfin… C’est indispensable ! protesta-t-elle.
L’ignorant, Äke se tourna vers Élira pour lui faire face.
— Maintenant que vous avez retrouvé votre voix, puis-je connaître votre nom ? lui demanda-t-il.
La sirène leva les yeux vers lui.
— É… Élira… murmura-t-elle.
Un grand sourire s’étira sur le visage de l’homme.
— Eh bien, Élira, je suis enchanté de faire votre connaissance, déclara-t-il.
Annotations