... délivrés.

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Les yeux révulsés de la demoiselle trahissait une jouissance d'un autre monde et un filet de bave s'écoulait en emportant de petits œufs prêts à concevoir une espèce nouvelle. Tout le reste de son ancien corps était dévoré par des attributs inhumains, certains luttant contre les autres pour prendre le contrôle ou absorber tout ce qui servirait de nutriments, d'une façon où d'une autre. Véritable aberration biologique, la demoiselle était devenue un parasite capable de donner la vie pour s'en alimenter aussitôt, incarnant l'autodestruction du venin qui l'avait fait naître. De ses mains transformées en faux, elle avait hâte d'éliminer puis de s'acoupler avec toutce qui s'opposerait à son immortalité.

« Pour une raison que j'ignore, c'est la première monstruosité qui n'a pas l'air de détruire la tête de son hôte... Je crois que c'est là, son point faible ! »

Au même instant et comme si elle avait entendu la conversation, la demoiselle inclina la tête en arrière. Des antennes massives se refermèrent au-dessus, formant des biberons desquels coulait un liquide carmin. Une flèche avait trouvé l'angle parfait mais un mouvement agile la fit s'échouer contre l'abdomen. Viden tenta de s'approcher mais il n'évita les faux que de justice... Je devais trouver un moyen de la rendre vulnérable.

« Hhhhhh... »

Le gémissement sourd ne provenait pas de la demoiselle, il venait... De derrière ?

« Hhhhhh... !

- Non... C'est impossible ? »

Par un mouvement lent, entravé par des frisons d'effroi, je me tournais vers derrière. Ce murmure appartenait à une voix que je ne connaissais que trop bien. Gultan, recroquevillé, se contorsionnait dans un mouvement de balancier surréaliste, hanterait longtemps mes pires cauchemars. Il était parfois parcouru de spasme et l'un d'eux me fit réagir : c'était peut-être un instant charnière, un moment dans lequel il risquait de balancer dans l'autre monde... Ou pire encore, d'être gangrené par un mal pire que la mort !

« Gultan, est-ce que tu m'entends ?

- Hhhhhh... »

Je n'oublierais jamais ce que j'ai vu, lorsque je lui ai arraché le masque. Toute la peau de son visage, qui avait reçu l'haleine d'un convive oublié était ravagée, d'autant plus qu'il semblait s'être aspergé le visage de liqueur autant que de sang de nos derniers adversaires... Depuis sont front jusque sous son menton, pas une chair n'avait la couleur naturelle que je lui connaissais ! Des verrues, pustules et boursouflures le parcouraient de long en large, comme si des dizaines d'infections se combattaient pour conquérir sa figure. De minuscules mouvements m'indiquaient qu'il y avait plus de vie sur lui qu'il ne pouvait en rester à l'intérieur.

En proie à tant de sentiments répugnants, j'eux encore à soufrir de le voir tourner des yeux enlarmés vers la demoiselle... Quoi qu'elle ait bien pu signifier pour la personne qu'il avait été, ce lien semblait surpasser l'avilissement le plus profond de leurs conditions respectives. À moins qu'il ne brillait dans son iris qu'une irrésistible gourmandise en voyant le liquide qui suintaint des antennes de la demoiselle ? ! En définitive, l'autre créature l'observait d'ailleurs avec un œil épris de gourmandise.

Tous mes compagnons s'interposèrent immédiatement. La demoiselle avait baissé ses défenses pour avancer coûte que coûte mais aucune blessure ne semblait l'affecter ! Le dos de son abdoment protégeait solidement sa tête de laquelle s'échappaient d'ignobles gargouillis d'ingurgitation.


Gultan était dans un état second. Il peinait à entendre les sons, plus encore à voir ce qu'il se passait autour de lui. Son odorat en revanche s'était développé au point de lui faire mal : il se rendait compte de toutes les flétrissures qu'avaient subi les jardins, toutes les vilenies qui gangrenait la nature... Mais cette gangrène, cette putréfaction l'attirait si fort qu'il était paralysé d'extase rien qu'en respirant cet infect parfum. Humant ce repas, il avait perdu la notion du temps au point d'oublier une partie de sa vie d'avant. Mais il avait toujours eu le palet fin, toujours apprécié un bon verre de vin. Maintenant, il pouvait passer le restant de ses jours à profiter du goût et de l'odeur du liquide carmin ! Il s'en léchait les babines avec une franche obsénité.

Quelque chose cependant le dérangeait. Parmi cet océan de plaisir, il entendait une petite voix lui dire qu'il devait faire quelque chose. Qu'il devait faire quelque chose avant de s'abandonner à son festin. Qu'est-ce que c'était déjà ? Alors qu'il se mordait les lèvres tant il éprouvait de l'appétit, Gultan eut le réflexe de s'essuyer les lèvres. Oh ! Il avait oublié posséder ce membre... Mais il ne ressentait aucun plaisir à l'utiliser, ne valait-il pas mieux se concentrer sur son odorat et oublier son bras ? ... Non, il se souvenait de quelque chose. C'était de son bras qu'il avait besoin. Qu'était-il en train de faire déjà ? ... Ah oui ! Ses amis comptaient sur lui pour combattre une espèce d'insecte monstrueux. Quelle horreur ! Il valait tellement mieux que cette aberration que la simple pensée l'écœurait et, quand il était écœuré, son odorat ingurgitait les mauvaises choses. Brrr... Il fallait vraiment se débarasser de la bestiole au plus vite.


« Il a bougé, il doit être encore capable de nous entendre !

- Abandonne Morgalm ! Si on ne se concentre pas sur l'autre créature, Gultan ne sera pas la seule victime ! »

Je n'arrivais pas à le croire, Viden suggérait d'abandonner l'un des nôtres ! Était-il devenu fou ? Avait-il absorbé le sang de cette immondice et perdu la raison ? Ah ! Dans mon inattention, j'ai raté ma fente et un tentacule me serre le bras... Si la demoiselle sort de son cocon, c'est fini pour moi... Gultan, s'il te plaît, réveille-toi... !


Chhtiiiiiing.


Nous nous arrêtames tous en même temps, la demoiselle y compris. Le bruit d'une lame qui sort de son fourreau paraissait si improbable qu'il nous a choqué mais le temps de tourner la tête vers Gultan,il était déjà trop tard. L'imbécile avait rassemblé ses derniers fragments de sanité pour s'enfoncer la lame dans la gorge ! Pourquoi ? !

Pourquoi... Pourquoi a-t-il toujours ce regard stupide et cette expression... Si heureuse ?

La demoiselle tourna sur elle-même, repoussant chacun des combattants autour d'elle. Les antennes qui protégeaient sa tête s'érigèrent d'un coup et elle se précipita sur Gultan alors même que ses derniers instants n'étaient pas encore arrivés. Aussi épouvantable que pouvait être ce spectacle, tous comprirent que c'était une opportunité qu'ils n'avaient pas le droit de rater.

Une flèche, un marteau, la pointe d'une lance, trois dagues et le tranchant d'une lame runique frappèrent avec la même létalité un visage pâle quoique euphorique. Même une taille prodigieuse est incapable de dissuader une arme aiguisée. Sans cerveau, l'incroyable bête continuerait de croquer dans sa propre chair, de boire son propre sang jusqu'à s'abreuver des derniers soupçons de vitalité. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne s'effondre sous sa propre dévoration. Nous reprîmes donc les armes aussi prestement que possible et quittâmes cette invraisemblable caricature d'insatiabilité.


Pendant ce temps, perdus au confin d'une béatitude d'outre-monde, deux pairs d'yeux se dévisagent. Quelle disgrâce, pensent-ils chacun, qu'une telle créature ne puisse connaître l'infini plaisir d'une gloutonnerie assouvie !

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