Chapitre 6 : L'Œuf d'Or (1)

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 Cassius avait marché jusqu'à son dortoir sans vraiment s'en rendre compte. Son esprit semblait s'être arrêté et avoir laissé son corps exécuter les gestes automatiquement. Tout ce dont il se rappelait ensuite, c'était d'avoir posé sa tête sur son oreiller et, l'instant d'après, que ses yeux se soient ouverts. Il ne se souvenait même pas de les avoir fermés. C'était cette étrange sensation des nuits sans rêves.

 Il vit peu à peu le dortoir familier prendre forme sous ses yeux tandis qu'ils s'habituaient à l'obscurité. Tout le monde dormait. Une faible lueur de l'extérieur indiquait que le soleil était sur le point de se lever. Ainsi, plusieurs heures venaient déjà de passer, en un claquement de doigt. Cassius ne trouvait pas ça très juste. Après la journée de la veille, Pansy qui avait expliqué comment elle avait lancé ce sortilège informulé sans même le faire exprès et surtout l'avertissement du Seigneur des Ténèbres, il méritait bien quelques heures de repos. Mais même cela lui avait été pris. Un jour venait à peine de se terminer qu'il allait devoir être pris dans un autre sans avoir le temps de souffler.

 Il restait cependant quelques minutes avant qu'il ne faille se lever. Il avait au moins ça. Alors il se mit sur son séant et pensa à tout ce à quoi il n'avait pas encore eu l'occasion de réfléchir.

 Vous-Savez-Qui lui avait donné la mission de faire gagner Potter au Tournoi des Trois Sorciers pour qu'il retrouve ses pouvoirs perdus treize ans auparavant. Dit ainsi, cela sonnait comme le début d'une bonne blague mais c'était réellement la situation de Cassius, aussi insensée qu'elle puisse paraître.

 Pourtant, à y réfléchir, beaucoup de choses prenaient du sens maintenant. L'attaque des Mangemorts à la Coupe du Monde de Quidditch et la Marque des Ténèbres n'étaient pas des actes isolés. Elles ne pouvaient être que la conséquence de la reprise de forces de Lord Voldemort. Cependant, il se révélait encore faible et avait besoin de la victoire du garçon qui avait survécu pour des raisons obscures. Voilà pourquoi un objet aussi puissant que la Coupe du Feu avait pu être dupée, et surtout avec quelle sorte de magie elle avait été poussée à faire entrer Potter dans la compétition contre son gré.

 Cassius fut prit à ce moment précis par un drôle de sentiment. Il secoua la tête. Il ne pouvait pas avoir de compassion pour Potter. Potter était son adversaire.

 Cassius avait souvent vu sa répartition à Serpentard comme une mission. Il avait toujours pensé que viendrait ce jour où il atteindrait cette grandeur qu'on lui avait promise. Et le Tournoi des Trois Sorciers avait été cette opportunité unique. Il ne voulait pas y renoncer, il n'avait pas envie de perdre.

Rappelle-lui que ses parents sont de mon côté.

 Les mots résonnèrent dans son esprit pile à ce moment-là. Voldemort avait menacé ses parents. Il n'avait pas d'autre choix, il devait lui obéir, tout faire pour mener Potter vers la victoire.

 Il comprenait maintenant pourquoi, parfois, la meilleure des victoires était d'accepter sa défaite. Qui était-il pour s'opposer au Seigneur des Ténèbres ? Et puis, tous les Serpentard le savaient bien, à quoi bon vouloir aller contre ce rôle de mage noir vers lequel vous étiez poussé depuis votre Répartition, comme un moule si bien façonné à votre image. Vous auriez trop à y perdre, alors que personne ne vous reprocherait d'abandonner le combat des Serpentard pour faire ce à quoi tout le monde s'attendait de votre part. Cassius releva la tête, ses doigts jouant avec les ombres. Il avait pris sa décision.

 À présent, la vraie compétition commençait. Il allait y entrer et gagner. Car lui seul connaissait les règles.

 Sa priorité désormais, songea-t-il, était l'œuf d'or. Ce qu'il contenait était le premier pas vers la victoire de Potter. En attendant, l'œuf sommeillait sous son lit, à l'intérieur de la malle dans laquelle il l'avait glissé après avoir échoué à en tirer le moindre indice et s'être dit qu'il avait encore le temps d'y réfléchir avant la deuxième tâche. Mais maintenant, ce n'était plus à propos des trois tâches, c'était un combat bien plus grand que ça, un jeu qui dépassait le Tournoi des Trois Sorciers.

 Cassius jeta un regard autour de lui, dans la lumière du soleil qui s'était enfin levé. Il allait quand même lui falloir attendre l'après-midi pour ouvrir l'œuf, quand il n'aurait pas cours, que le dortoir serait vide et que les cris ne dérangeraient personne. Un bruit résonna alors depuis les dortoirs qui s'éveillaient et Cassius se retrouva emporté par une matinée d'une banalité routinière.

 Il ne se passa rien de particulièrement remarquable jusqu'au repas. Adrian se dépêcha de manger pour ne pas arriver en retard à son cours de Potions. Cassius avait l'après-midi devant lui alors il prit son temps pour finir son assiette, même une fois que son ami fut parti. Ce fut seulement lorsqu'il se leva pour aller affronter l'œuf qu'il les remarqua. Tous ces regards fixés sur lui, tous ces visages qui se détournaient, tous ces murmures et rires silencieux.

 Une semaine, c'est tout ce qu'il avait eu. Une semaine de reconnaissance après son exploit de la première tâche, une seule semaine avec l'espoir qu'il pourrait être considéré comme un champion digne de Poudlard. Mais c'est tout ce qu'il aurait. Désormais, il n'était à nouveau plus qu'un vil Serpentard de plus. Tandis qu'il entrait dans sa salle commune, il se dit qu'après tout ils n'avaient pas tort. Il était bien décidé à tout faire pour réussir.

 Il ferma la porte derrière lui et entra dans son dortoir. L'œuf était toujours là, dans la malle, sous son lit. Il était étonnamment lourd pour un objet creux et aussi vide de sens. Cassius le posa sur ses couvertures et s'assit sur le lit d'Adrian, à côté du sien. L'œuf était étincelant même derrière les rideaux de soie verte. Pourtant, il n'avait jusque là en rien éclairé l'esprit de Cassius, malgré tous ses efforts. Il l'avait secoué, retourné, brûlé, refroidit, plongé dans l'obscurité, ouvert à distance, tout, mais il ne faisait qu'émettre sans cesse, à chaque fois, ce même son strident. Ces cris qui ne s'arrêtaient jamais... Jamais ?

 Mais oui, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ! Cassius se leva, pointa sa baguette vers l'œuf et lança un sortilège de Mutisme. Il rangea sa baguette et se saisit de l'œuf. Il espéra de toutes ses forces l'avoir fait taire et, prêt à le refermer tout aussi rapidement, l'ouvrit d'un coup sec, histoire d'être immédiatement fixé. Sans comprendre pourquoi, il ferma stupidement les yeux, mais rien ne surgit de l'œuf, pas même un son. Le visage de Cassius s'éclaira d'un sourire. Il avait réussi !

 L'œuf était ouvert entre ses mains, silencieux. Cela semblait presque surréel, après toutes ces heures passées à écouter ce son horrible, et pourtant c'était tout ce qu'il y avait de plus normal. Il passa une main à l'intérieur de l'œuf. Il n'y avait rien. Passé la satisfaction d'avoir fait taire ce satané œuf, Cassius commença à se demander ce qu'il fallait faire à présent. Qu'avait-il espéré, au juste ? L'œuf était identique à celui qu'il avait déjà examiné sous tous les angles. À l'intérieur étaient gravés les mêmes symboles qu'à l'extérieur, en négatif. Des symboles qui n'avaient aucun sens. Cassius avait peut-être été un élève très incompétent en Étude des Runes (jusqu'au point de les abandonner cette année), mais il savait au moins reconnaître cela.

 Tout d'un coup, l'œuf se remit à hurler. Cassius fut tellement surpris par ce son inattendu qu'il en fit tomber l'objet au sol avec un bruit métallique presque inaudible dans le vacarme. Le sortilège de Mutisme n'avait sûrement pas été assez puissant et maintenant l'œuf émettait ce son insupportable, une sorte de superposition inharmonieuse de crissements aigus et de plaintes douloureuses. Le bruit s'échappait des entrailles de l'œuf et se répandait partout autour, s'amplifiait par son écho et surgissait, affreux, jusqu'aux oreilles de Cassius. Il les avait instinctivement recouvertes de ses mains mais cela n'avait aucun effet. Alors, il se baissa pour ramasser l'œuf, posa ses mains des deux côtés de la charnière, puis se figa.

 Juste là, derrière les fenêtres, dans les eaux du lac, des ombres s'agitaient. Elles venaient peut-être d'arriver, il ne savait pas, il venait juste de les remarquer. Elles passaient et repassaient avec une telle vitesse qu'il parvenait à peine à distinguer leurs couleurs. Alors, sans prévenir, une face hideuse surgit devant la vitre et Cassius, encore accroupi sur ses pieds, se retrouva par terre, projeté par la stupéfaction. Les longs ongles noirs et pointus de la créature grattaient contre le verre avec un son grinçant qui s'ajoutait à l'horrible cri de l'œuf, ses yeux jaunes perçants fixaient l'œuf et une rangée de dents jaunies apparurent lorsqu'elle ouvrit des lèvres aussi grises que sa peau, sur le point de lui dire quelque chose. La porte du dortoir s'ouvrit alors et Cassius se retourna pour voir Adrian qui se tenait dans l'embrasure, les mains plaquées sur les oreilles.

 — QU'EST-CE QUE C'EST QUE… hurla-t-il par-dessus le tumulte.

 Il s'interrompit. Ses yeux venaient de s'arrêter sur un point derrière Cassius. Celui-ci ferma l'œuf et suivit le regard de son ami mais, déjà, les créatures avaient disparu. La scène venait de s'achever aussi vite qu'elle n'avait commencé.

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