Chapitre 8 : Le Bal de Noël (2)
Cassius ouvrit la porte, dans un mélange de grincements et de craquements, et se retrouva dans une pièce extrêmement exiguë, avec un mur de pierre sur sa droite et quelques vêtements qui lui chatouillaient le bras sur sa gauche, pendus là comme seule décoration. À peine avait-il fait un pas qu'Alfy se précipita entre ses jambes et disparut entre les habits, hors de leur vue.
Cassius se demandait où elle avait bien pu aller lorsqu'il avança encore un peu et découvrit une pièce en réalité étroite mais grandiosement longue, s'étirant au loin sur sa gauche, et encombrée d'innombrables penderies, comme celle qui lui avait caché la vue dans l'entrée. Il y avait des tenues de tous les styles, de toutes les époques, de toutes les couleurs. Les penderies s'alignaient sur toute la longueur de la pièce, ne laissant qu'un petit passage sur le côté, près des fenêtres, pour les parcourir.
Alfy revenait justement à eux, avec tellement de tenues sur elle qu'on peinait à deviner qu'il y avait un être vivant sous cette couche d'habits mouvants. Cassius enfila d'abord un costume d'une couleur jaune criarde. Les deux garçons partirent alors dans un rire bruyant face à cette tenue ridicule et Alfy, qui ne semblait pas déceler l'humour de la situation, ne poussa qu'un petit rire timide. Lorsque Cassius lui rendit la tenue avec un signe de tête négatif, elle courut sur quelques pas, avant de transplaner pour finir sa course à l'autre bout de la pièce, où elle la reposa à sa place.
Adrian rejoint Cassius dans ce manège et ils essayèrent tour à tour avec enthousiasme les habits que l'elfe leur avait amenés. Chaque tenue apportait une nouvelle surprise. Elles étaient pour la plupart passées de mode mais on ne pouvait qu'apprécier l'imagination folle dont avaient fait preuve les sorciers à travers le temps en matière de style vestimentaire. D'autres encore étaient presque entièrement effilochées et Alfy s'empressait alors d'enlever par magie tous ces bouts qui pendaient, ne laissant au final que peu de tissu sur le vêtement. Ils n'hésitèrent pas aussi à aller se servir directement sur les cintres, dénichant souvent les ensembles les plus farfelus.
Lentement se forma un tas des tenues qu'ils jugeaient acceptables, tandis qu'Alfy reprenait chacune des tenues qui ne l'étaient pas. Lorsque les rires commencèrent à s'essouffler, Cassius opta pour un costume qui ne valait ni plus, ni moins que les autres à ses yeux : une veste de velours vert, recouverte d'une poussière qui semblait ne pas pouvoir quitter le tissu, une chemise sûrement blanche d'origine mais jaunie jusqu'à en paraître presque marron et enfin un pantalon noir simple mais troué en forme de cœur à l'arrière du genou gauche.
Ils quittèrent Alfy et allèrent ranger la tenue dans la malle de Cassius. Sur le chemin, Adrian expliqua qu'il avait dû aller en chercher une pour Bletchley, qui n'en avait pas non plus, et que Rogue les avait redirigés vers Alfy.
Dans le temps qu'il restait avant le repas, Cassius partit vers la volière récupérer son courrier. Lorsqu'il arriva, il entendit quelqu'un chantonner derrière la porte et ce fut sans surprise qu'il y trouva Luna. Elle lui faisait dos.
— Les hiboux peuvent pincer fort quand on les nourrit, affirma-t-elle sans se retourner.
— Les hiboux ? demanda Cassius, complètement perdu, ne sachant quoi dire d'autre.
— Oui. Les Jobarbilles sont bien plus agréables.
— Les hiboux mordent ?
— Ils pensent simplement à manger.
Ce fut seulement à ce moment-là que Cassius se rendit compte qu'elle était en train de nourrir un hibou à la petite cuillère.
— Dis, Luna, est-ce que quelqu'un t'a déjà invitée au bal ?
— Non, répondit-elle simplement.
— Est-ce que tu voudrais qu'on y aille ensemble alors ? demanda-t-il maladroitement.
— Oui, je veux bien.
Cassius, qui s'attendait à une réponse plus développée, fut pris de court. Elle se retourna pour lui adresser un sourire. Les rayons matinaux éclairèrent son visage puis elle recommença à nourrir son hibou. C'était sûrement l'invitation la moins romantique qui ait pu être faite dans tout le château mais c'était une chose de faite pour Cassius. Il sentit une partie du poids des inquiétudes de ce matin s'envoler de ses épaules.
Il n'avait reçu aucun courrier dans la semaine. Il promena son regard un instant sur toute la hauteur de la volière, mais aucun éclair bleuté ne vint se refléter dans ses yeux. Hazel devait sûrement être sortie. Une élève entra dans la volière et Cassius retourna à Adrian.
Cassius put encore une fois observer, durant cette semaine-là, les malices du temps à l'approche d'événements redoutés. Les jours passaient sans qu'il ne s'en rende compte, et d'autant plus que, alors qu'il cherchait à tout prix à oublier ce bal, il ne cessait de croiser Luna. Elle l'entraînait alors à chaque fois dans une danse improvisée en plein milieu du couloir ou de la salle dans laquelle ils se trouvaient, pour qu'ils s'exercent, et, même si Cassius ne pouvait pas nier qu'il en avait eu besoin, il avait passé les derniers jours enfermé dans la salle commune afin de l'éviter.
L'après-midi du jour de Noël, Cassius était donc dans la salle commune, au chaud, en train de jouer aux échecs version sorcier avec Adrian. Aussi ridicule que cela pouvait paraître au vu de l'imminence de l'événement, il tentait encore d'oublier le bal.
Malheureusement, autour de lui, des groupes de chaque sexe se faisaient face, apparemment déjà prêts à entrer dans l'ambiance de la soirée à venir. Pour la plupart en costume, à quelques cravates près, filles et garçons se lançaient des regards encore timides mais impatients.
— Je vais devoir partir ce soir, annonça Adrian à un moment.
Cassius fut surpris de l'entendre le prévenir, ce qu'il n'avait jamais fait jusque là, mais il ne dit rien. Dehors, le soleil avait décliné jusqu'à un point très proche de l'horizon.
— Je devrais rentrer avant demain, ajouta-t-il sur un ton anodin.
Et ils reprirent leur partie. Lorsqu'elle se fut terminée, Adrian se leva. Il n'était jamais parti sous les yeux de Cassius, alors ce fut d'un manière très maladroite qu'ils se dirent au revoir.
Cependant, quelques instants après que son ami soit parti, Cassius ressentit aussi le besoin de sortir, une dernière fois avant ce bal qu'il ne pouvait désormais plus ignorer.
Dans le hall d'entrée, un des battants était ouvert sur l'extérieur, laissant pénétrer à grands flots la lumière d'une pleine lune qui flottait déjà dans le ciel. Juste à côté, bien plus discrètement, la porte de la Grande Salle avait été laissée entrouverte et une lumière en sortait, révélant des ombres qui semblaient s'agiter.
Ce silence qui régnait dans l'immense hall, lui seul en haut des escaliers de marbre surplombant cette porte à peine ouverte, tout cela donnait à Cassius l'impression d'être comme retenu dans les coulisses d'un spectacle auquel il n'était pas censé assister. Évidemment, ça ne pouvait qu'attiser ardemment sa curiosité.
Malgré que le bruit de ses pas ne semblât qu'amplifié par le silence autrement imperturbable, il essaya d'atteindre cette lumière le plus discrètement possible. Plus il s'approchait, plus cela l'émerveillait. La stoïcité de ce hall millénaire, l'effervescence des préparatifs. Il avait descendu les marches. L'air hivernal de l'extérieur, la douceur des cheminées dans la Grande Salle. Il pouvait presque entièrement voir la source de la lumière. La rousseur du clair de lune, des reflets teints de bleuités.
Et puis une immense masse s'éleva dans son champ de vision. Le demi-géant du château, Hagrid, était apparu dans l'entrebâillement de la porte, bloquant tout espoir de voir quoi que ce soit de plus. Frustré, Cassius ne tenta même pas de cacher derrière un air neutre ou innocent qu'il avait eu l'intention de voir les décorations du bal de Noël avant tout le monde. Et puis, d'un air renfrogné et presque coupable, Hagrid referma soigneusement la porte de la Grande Salle, qui claqua bruyamment dans le silence désormais total qui entourait Cassius. Le message ne pouvait être plus clair : Cassius assisterait au spectacle des nouvelles décorations de la Grande Salle en même temps que les autres et devait rester seul en coulisse jusque là.
Alors, réalisant que l'ouverture ne devrait plus tarder, Cassius se précipita jusqu'à la salle commune. Les rideaux de son lit avaient été fermés. Ce qu'il ne faisait jamais. Il souleva un pan du tissu émeraude pour trouver, parfaitement disposée sur son lit, la tenue d'Adrian. Celui-ci avait dû vouloir la donner à Cassius, sachant pertinemment que voir ses rideaux fermés le ferait réagir. Réaliser à quel point son ami le connaissait le fit doucement sourire, à défaut de pouvoir en rire avec lui.
Il fixa la tenue un moment. Et puis il réalisa qu'elle n'avait pas à lui revenir. Peu lui importaient le père d'Adrian et sa tenue trop propre et trop impeccable. C'était Poudlard qui l'avait vu grandir et qui l'avait fait grandir, avec ses elfes étranges et ses habits bizarres. Alors Cassius partit avec ce que Poudlard lui avait donné.
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