Echange de bons procédés
L'ambiance de la journée est excellente et ces deux groupes d'amis qui, il y a encore quelques jours ne se connaissaient pas, ne se quittent jamais bien longtemps. Lucie et Seydou sont touchants et offrent un doux rappel aux prémices de la relation que Vida entretenaient avec David. Jamais elle n'aurait imaginé que le séjour se déroulerait de cette façon. Faire la fête avec Sallie et Théo, s'amuser avec Moussa, danser, rire grâce à Seydou, boire, fumer... Et faire l'amour... Une part d'elle espère garder contact avec ces hommes avec qui elle a célébré la vie de la plus belle des façons, mais rien n'est décidé.
Ken, plus ouvert depuis ces dernières vingt quatre heures, participe à nouveau aux activités aquatiques proposées par tous après s'être excusé plusieurs fois de son attitude égoïste auprès de ses amis, mais également de Vida.
Installée sur le matelas gonflable, la jeune femme se délecte de ces dernières heures de quiétude et parfait son bronzage dans l'optique d'en mettre plein la vue à sa famille une fois rentrée. Elle veut les retrouver transformée, souriante, bronzée, bref, différente. En paix. Cette tranquilité n'est pas sans compter sur Moussa et Seydou. Les deux hommes à l'humour d'adolescents pré-pubères plongent en toute discrétion sous le flamant rose pour le retourner. La surprise est terrible et l'entrée dans l'eau est rude. La peau chauffée par les rayons du soleil hurle autant que ses cordes vocales, et son visage, lui, sourit. Cette insouciance et le plaisir de cette vie croquée à pleine dent la ramène à la femme renfrognée qu'elle était en début de séjour. Faire confiance à son clan a été la plus belle des décisions. Tant de choses ont changé grâce à leur foi en la vie.
Tentant de reprendre son souffle et de rallier le bord de la piscine tout en assénant des insultes en tous genres, une main se glisse autour de sa taille et la plaque toute entière contre le corps de son propriétaire.
— Maintenant, souffle Ken à l'emprise puissante.
La voix est sèche, le mot est intense. Le désir qui en émane irradie le corps de Vida. Difficile à dire mais cette proximité et cette chaleur la téléporte dans la chambre de l'homme, la première fois. À cet instant, elle n'éprouve rien d'autre qu'une terrible envie de recommencer... Ce feu vert n'en devient que plus délicieux. Nul besoin d'apporter plus de précisions au groupe lorsque les deux jeunes gens quittent la piscine en direction des chambres, seulement, pour une fois, Théo, Seydou ou encore Sallie se gardent de toute remarque. L'instant est crucial et ils semblent l'avoir bien compris.
Dans la chambre, la serviette de Ken s'écrase sur le sol. Son regard incandescent fond sur Vida. En douceur, il s'approche et tire sur l'étoffe qui rejoint sa soeur. Impossible de cacher les frissons parcourant sa peau humide. Vida grelotte presque... Etait-ce vraiment une bonne idée de le faire maintenant ? L'homme rapparaît, le parfum féminin en main. Elle est prête. Prête à s'offrir à lui et surtout, prête à le sentir en elle. Depuis leur premier échange, ses nuits sont plus douces et plus riches. Aucun membre de son clan n'est au courant. Elle-même ne comprend pas tout à fait ce qui se joue dans son esprit alors comment pourrait-il en être autrement pour elles ? Sans un mot, Vida dépose quelques pressions sur la peau de sa nuque ainsi que sur son torse sans quitter son partenaire des yeux. Ses iris semblent en feu. Devant elle se présente un homme qu'elle ne connaît pas.
Il est désormais avec elle.
Pourrait-elle à son tour être une dernière fois avec lui ?
— Tu as encore son parfum quelque part ?
— Salle de bain, susurre-t-il.
Elle l'interrompt d'une caresse sur le torse. Debout, le tissu de son maillot de bain tendu, il la déshabille du regard et écarte les mains de son torse en guise d'offrande. Il est beau mais ce n'est pas de lui dont elle a envie. En pulvérisant son corps des effluves de son mari, ses mains voyagent sur ce torse affuté. Des gouttes d'eau perlent de ses cheveux et son désir se distille à l'aide de ce parfum galvanisant ses sens. Elle amène ses doigts contre son visage et progresse jusqu'à la bouche de Ken. Se pencher, inspirer, frôler et... Rêver.
Il est là... Encore. Toujours.
Un baiser. Longues secondes d'un contact presque vital. Ultime fantasme. Pourrait-elle dévorer à jamais ses lèvres divines ? Quelle incantation devrait-elle faire pour que le temps se fracture ? Elle pousse alors son partenaire et reproduit les mêmes gestes sur son propre corps, sous le regard enflammé d'un Ken qui n'en rate pas une miette. À son tour de déguster le rêve qu'ils s'apprêtent à vivre une dernière fois. Nul besoin de parler. Son corps aussi s'embrase devant ses lèvres au goût de cet autre perdu à jamais.
Ses mains voyagent sur le corps de la jeune femme puis le relais est pris par sa bouche. Un sein, puis l'autre tandis que la pulpe de ses doigts glisse le long de son dos pour interrompre ses caresses sur un noeud. Sa poitrine ainsi libérée du maillot, impossible de contenir ses frissons. Yeux fermés, hanche frôlée, l'homme progresse et s'attelle au bas. Elle s'offre ainsi à lui, délivrée de toute entrave, entièrement nue. Submergée par ce visage qui s'invite une nouvelle fois entre ses jambes, plaquée contre le mur, montant de porte empoigné, la voilà prête pour un voyage langoureux dont le rythme des vagues lui arrache déjà des gémissements. Son entrejambe chavire de cette intimité presque noyée, sa raison sombre, son corps perd littéralement pied.
Une envie. David. En elle, sous sa domination.
Elle sussurre une pause, la supplie presque, la tête encore jetée en arrière et le dos cambré au maximum. Le fauve a faim. Faim de son mari. Sous l'écran de ses paupières, jamais il ne l'a autant désirée. Pour l'obliger à se redresser, elle tire sa chevelure et glisse ainsi ses lèvres sur le cou de son âme soeur. Le tourbillon des odeurs l'emporte. Sa bouche dérape. Torse, pectoraux. Des frissons s'y impriment. Elle descend. Encore. Toujours. Sa langue effleure ses pyramidaux. Un fantasme qu'elle pensait à jamais inassouvi l'envahit.
— Guide-moi si je m'y prends mal.
Une terre inconnue s'offre à elle. Elle tire sur le tissu et y libère ainsi sa virilité. La découverte débute. Sa langue le parcourt avec douceur avant de promener sa bouche sur lui, s'attardant sur ses irrégularités. Parvient-il à se projeter autant qu'elle ? Une main sur ses cheveux lui impose un rythme, une puissance et une cadence qui doit lui ressembler, pense-t-elle. La balade se poursuit, elle est là, lui aussi. Dans cette pièce, autour de cette divine communion, ils sont quatre. Son bassin ondule en elle. L'explosion est proche, Ken lâche du lest et laisse la sirène enivrante le faire chavirer à son tour. Elle plonge tandis qu'il flotte en elle. La bouche doucement fermée, ses dents le frôlent dans une caresse sensuelle. Le magma est en ébullition.
Elle se redresse et murmure un ordre, qu'il s'asseye. Il est temps désormais qu'il fasse l'amour à celle qu'il aime. Une dernière fois. Vida choisit une casquette enfilée si bas qu'il ne peut voir son visage. Elle se glisse ensuite derrière lui et tandis que ses seins balayent la peau brûlante de son dos, un préservatif se pose maladroitement sur son sexe tendu. Depuis combien d'années n'a-t-elle pas fait cela, sourit-elle.
— Tu es prêt à me dire au revoir ?
Comme seule réponse, il se retourne et prend son visage entre ses mains. Son baiser est si sensuel que Vida en gémit, engloutie par son plaisir. Son mât la pénètre avec douceur et tendresse. Ce sexe l'électrise et cet effluve, David... Ken ? Non. David. Elle sombre. Il parcourt son dos et ses fesses pendant qu'elle fait chalouper son bassin. Que la vague devienne tsunami. Que la tempête devienne ouragan. De l'eau ruisselle alors sur elle. Emporté par son plaisir, Ken pleure. Les sanglots sont silencieux et les larmes sont douces, à l'image des souvenirs qui l'envahissent. Cette femme et ses assauts lui offrent la libération qu'il attendait tant.
Elle sait. À cet instant, elle veut que David la prenne dans ses bras et lui dise qu'il l'aime et elle sait que Ken veut la même chose.
— Je t'ai aimé si fort... si fort, Ken. Merci de m'avoir aimée en retour.
L'homme l'empoigne avec fougue et se redresse. Debout, il la tient fermement dans ses bras. A-t-elle fait une erreur ? Ces derniers mots l'ont-il brusqué ? Quelques pas et la voilà installée sur le bureau.
Perdu en pleine tempête, Ken, les yeux fermés, les larmes coulant sur son visage, décide de reprendre le contrôle de ce navire en perdition. Cette détresse est celle de Vida. La houle reprend. Douce, d'abord. Elle n'en est pas moins enivrante presque déstabilisante. Désorientée par le plaisir qui inonde son corps, Vida retire la casquette. Elle se veut toute entière contre lui.
— Je suis fier de toi ma puce, si fier, reprend-il.
Comment sait-il que ces mots sont ceux dont elle rêve toutes les nuits contre son oreiller trempé ?Elle murmure, perdant le contrôle, engloutie par cette vague.
— Je t'aime, je t'aime tellement...
— Je t'aime aussi ma puce, je t'aime bébé.
Ensemble, ils gémissent.
— Vis, aime, profite, Ken. Tu es précieux. Tu ne m'étais tout simplement pas destiné, réussit-elle à articuler.
— Je t'attendrai. On se retrouvera un jour ma puce.
— Jouis pour moi, une dernière fois.
Supplication entendue. Ken redouble d'intensité.
Enfin ! David est enfin là ! Les paupières s'ouvrent, leurs regards s'ancrent. Les étoiles vacillant dans leurs yeux sont l'unique phare de ces ténèbres. La tempête est fièvreuse, les corps sont agités et le plaisir déborde. Ces deux survivants jouissent ensemble, jamais autant compris par quelqu'un qu'à cet instant. Tourbillon sincère et intense, chaque remou de ce triangle des Bermudes les emporte un peu plus dans cet instant qui n'appartient qu'à eux, perdu dans le temps et l'espace, irréel.
Ils demeurent alors quelques minutes enlacés dans les bras l'un de l'autre, sur le bureau, essoufflés. Puis, Ken se retire et Vida s'enferme sans un mot dans la salle de bain.
Un regard. Un reflet. Un constat. Tristesse et vide. Etait-ce vraiment une bonne idée ? Oui. Au fond d'elle, elle vient enfin de dire adieu à David. Cette parenthèse merveilleuse de sa vie vient de se terminer sur le bureau de cette chambre, avec un homme qui n'est pas David, mais qu'importe, pour elle, il l'a été pendant quelques minutes et eux seuls peuvent comprendre. La voilà en paix. Séchant ses larmes, elle sort de la pièce et s'enroule dans sa serviette humide avant de retrouver Ken installé sur le fauteuil du balcon, toujours nu.
— Ça va ?
Sa voix est différente, son visage est plus humain, moins dur. Quelque chose a changé chez lui aussi.
— C'était intense, mieux que la première fois.
— On était en rodage.
La jeune femme explose en un rire bruyant qui attire le regard des amis encore plongés dans la piscine.
— Ma parole t'es vraiment un romantique, y a pas de doute ! La prochaine n'a qu'à bien se tenir, tu sors le grand jeu après l'amour ! Bon, dit-elle en se redressant, je vais rejoindre les filles.
Les pièces de son bikini trônent à même le sol, témoins de la houle lointaine, rêvée, certainement fantasmée, qui les a jadis ensevelis. Les deux jeunes gens s'habillent ensemble dans la salle de bain, en silence. Au moment de quitter la pièce, Vida se tourne et se blottit contre le torse de Ken.
— Merci. Merci infiniment.
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