Plusieurs mois ont passé et Moussa est parvenu à mixer le temps d'une soirée dans la boîte de nuit où le groupe d'amies sort s'amuser. Malheureusement, Vida travaille et ne peut les rejoindre que tard dans la soirée. L'artiste a prévenu le vigile que quelle que soit la foule, il la laisse entrer. En passant devant les jeunes gens qui attendent leur tour, pour quelques courtes minutes, elle se voit en star discrète mais privilégiée. Quel effet grisant !

Une fois à l'intérieur, elle découvre la boîte bondée comme jamais. Moussa est-il si célèbre ? À l'instar des filles, elle n'avait mené aucune enquête poussée lors des vacances, ni même au moment de leur retour à la vie normale. Vida découvre ainsi la célébrité de l'homme avec lequel elle s'est tant amusée quelques mois auparavant. De longues minutes lui sont nécessaires pour rejoindre le bar. Un verre enfin à la main, direction : leur endroit habituel.

Ses amies ont déjà bien bu et lorsque Vida rentre dans leur ligne de mire, chacune se jette dans ses bras tandis qu'elle salue Moussa, si concentré qu'il ne s'aperçoit pas immédiatement de sa présence.

Son sensuel. La boite s'enflamme. Les paupières fermées, la jeune femme s'enferme dans sa bulle et se laisse porter par le rythme puissant de la musique. Les muscles se constractent, le corps s'échauffe... Quelqu'un la percute. Des mains la parcourent. S'agit-il d'une de ses amies ? Peu importe, le moment est délicieux. Elle se cale sur les mouvements qu'on lui impose. Ses yeux s'ouvrent devant tout son groupe et notamment Sallie qui lui adresse un signe amusé d'encouragement. En se retournant, elle n'en croit pas ses yeux. Un homme superbe l'enlace. Un mannequin, grand, terriblement beau et à la plastique parfaite la dévore du regard. Sensuelle mais respectueuse, la parade est flatteuse. À la fin de la musique il attire la jeune femme contre lui et murmure :

— Tu es ravissante, merci d'avoir accepté de danser avec moi.

Phrase clichée, mais en boîte de nuit, que peut-on espérer d'autre ?

L'homme lui propose de chercher un verre tandis qu'elle retourne auprès de ses amis et de Seydou la saluant à son tour. Belle pioche, félicite Sallie. Nul besoin de nier, il lui plait et la réciproque est vraie.

Chose rare, une musique douce se lance. Des couples se forment. De retour, le prétendant s'approche du visage de Vida et rencontre ses lèvres avec douceur. Le baiser est agréable, seulement, elle est embarrassée, la sensation ne lui plait pas. Trop rapide, presque précipité. Difficile à expliquer. Elle s'apprête à mettre fin à l'étreinte lorsque son regard tombe sur quelque chose qu'elle n'a pas du tout envisagé.

Ken...

Même position, lèvres greffées sur celles d'une autre. Cette vision fige Vida. Son partenaire place alors une main dans sa nuque avec l'espoir de reprendre ce baiser qu'il semble trouver fougueux mais impossible de balayer l'artiste de son esprit, ni même de son regard. Soudain, l'homme torturé ouvre les yeux. Les voilà plongés dans ceux de Vida. Ni l'un ni l'autre ne quittent la bouche de leurs partenaires. Ses iris enflammés valent tous les mots. Brûlants, intense et sensuels. Son corps se réchauffe, son entre-jambe se réveille et sa langue s'active à nouveau. Accélération du souffle, corps embrasé, la puissance volcanique qui la dévore lui fait perdre la raison. Les réminiscences d'un plaisir passé explose en elle. Elle l'embrasse, sans même le toucher. Vida repousse gentiment le corps qui servait à l'évasion, soudain endurci par cette parenthèse charnelle et retourne auprès de ses amies.

— Ça va ? C'était si mauvais que ça ? demande Malia qui a remarqué son malaise.

Encore perturbée, Vida interroge le groupe. Savaient-elles que Ken était ici ? Lucie, aussi surprise qu'elle de voir ce dernier en grande discussion avec une superbe jeune femme, tape le torse de Seydou avec vigueur et adresse un signe de tête en direction du couple. Une explication ? Belle bombe, s'exclame-t-il simplement. Est-ce que cela lui fait quelque chose, questionne alors Malia. De l'étonnement, voilà tout, répond-elle pour éluder toute discussion. S'était-elle attendue à le trouver ici ce soir ? L'espoir lui soufflait que tout était possible mais la raison cherchait à rester prudente. Renfrogné et détestant s'exposer inutilement, difficile d'envisager Ken enfermé dans un lieu clos, avec tant de monde agglutiné autour de lui. Et si quelqu'un le reconnaissait ? Alors non, Vida n'avait pas envisagé de le rencontrer ce soir. Soudain, il s'approche. Le regard ancré au sien la fait presque chavirer. La puissance de sa démarche et le faible sourire imprimé sur le coin de ses lèvres la déstabilise.

— Sans casquette, tu n'as peur de rien toi, lance-t-elle en simple bonjour.

Il s'esclaffe. Avec elles, n'est-il pas une mec banal ? Le jeune homme lui embrasse la joue. L'endroit où il pose ses lèvres s'enflamme. Que lui arrive-t-il ? Les deux jeunes gens échangent ensuite quelques banalités. Ken précise qu'il va mieux. Vida n'en a aucun doute.

— Alors, cet homme te plaît ? interroge-t-il.

Le danseur la cherche du regard. Elle attire Ken derrière une poutre de sorte que son prétendant ne la trouve pas. Ses doigts contre sa peau... Ce corps lui a manqué, elle ne peut le nier.

— Te voir m'a beaucoup surprise.

— Moi aussi. Le baiser est devenu plus… intéressant.

De son regard émane une fougue et une tension qui embrasent davantage la jeune femme. Ken sourit. Qui est cet homme ? A-t-il changé à ce point ?

— Tu es beau quand tu souris Ken. Ça te va bien, murmure-t-elle embarrassée.

Un baiser esquissé, Vida s'éclipse. L'homme qui l'attendait, lui tend un verre qu'elle accepte, seulement, impossible de quitter Ken des yeux. Le voir si jovial et avenant est inhabituel. Seydou l'arrache de sa contemplation. Cela fait longtemps que lui non plus n'a pas vu son ami aussi bien. Perplexe, Vida poursuit. Ah bon ? N'est-il pas toujours comme ça ?