— Depuis quand tu es au courant ? 

Les bras croisés et l'air faussement mécontent de Malia offrent à Vida un fou-rire incontrôlable. 

— Tu crois vraiment qu’avec l’attitude que j’avais depuis ces dernières semaines, la vie sentimentale de mes amis m’intéressaient ? Désolée ma chérie, mais j’ai découvert le coup de cœur de Moussa en même temps que toi, rétorque-t-elle sans se formaliser de l'attitude renfrognée de son amie.

— Alors, je ne dis pas qu’il n’est pas touchant, mais je n’ai pas la tête à ça. Le mariage approche à grands pas, je n’ai pas de temps à perdre avec ces broutilles. 

— Ma chérie, regarde-toi. Jamais je ne t’ai vu aussi tendue. Tes ongles n’ont jamais été aussi défoncés et tes cernes en disent long sur les nuits blanches que tu subies. Je pense que c’est d’ailleurs ton implication sans limite pour le plus beau jour de ton amie qui a plu à Moussa. C’est quelqu’un de bien, tu sais. Je suis persuadée qu’il ne t’a rien proposé. Le connaissant, il a seulement souhaité que tu saches que tu lui plaisais. Je me trompe ? 

— Et bien oui ma chère, tu te trompes, nargue-t-elle. Il souhaitait m’inviter à partager un repas en tête à tête. 

— Où pense-t-il être en tête à tête ici dans cet hôtel ? 

— Faïza lui a recommandé un restaurant pas très loin. 

— Et ? 

— J’ai dit non.

— Tu es bien bête. 

— Ça fait des semaines que rien ne t’intéresse, alors excuse-moi mais ton avis sur ma vie sentimentale comme tu dis, je préfère ne pas en tenir compte. 

Aoutch. Immédiatement après cet upercut cinglant, Malia s’excuse. 

— Sois tranquille. C’est de bonne guerre. J’ai été une abrutie finie. 

Patricia interrompt la conversation pour s’adresser directement à Malia. Moussa est de loin le plus timide de la bande et s’il a eu le courage de l’aborder et d’aller jusqu’à lui proposer un instant en tête à tête, elle doit y réfléchir à deux fois avant de refuser pour unique excuse l’organisation du mariage. La discussion embraye ensuite sur les histoires d’enfances de ce quatuor infernal, comme les appellent les parents. Entre Théo le casse-cou, Ken l’impulsif, Moussa le discret et Seydou le charmeur, Patricia, vite rejointe par Aminata a tant de choses à partager que Vida ne réalise l’heure qu’il est qu’une fois le soleil passé de l’autre côté de la façade de l’hôtel. Son rendez-vous quotidien ne peut attendre et après une salutation des plus chaleureuses à ce groupe de femmes hilares, elle s’éclipse pour rejoindre sa chambre. 

Sur le pallier, la jeune femme tombe sur Ken, enfonçant sa clé magnétique dans la porte voisine à la sienne. Après un simple sourire en coin comme unique échange, l’homme s’apprête à fermer la porte de sa chambre quand des bruits sans équivoque s’échappent de celle de Vida. Incapable de retenir un juron, la jeune femme se retrouve donc coincée. Impossible de rejoindre Youssef enroulée autour d’une serviette cachant son maillot de bain pour s’occuper des animaux du parc.  

— Rentre. Je te prêterai une tenue.  

Porte fermée, l’insonorisation vantée par Rauf lors de leur premier séjour est plus que prouvée puisque le duo n’entend rien des ébats qui se jouent si près d’eux. Ken tend son bras vers sa valise au pied du lit sans accorder la moindre importance à son invitée surprise, avant de rejoindre le bureau, carnet de notes ouvert et désespérément vide. 

— Panne d’inspi ? 

— Difficile d’écrire autour d’un truc que tu connais pas. Le grand amour... J’en ferai presque des cauchemars de ce putain discours. 

— Avec tout ce que tu me poses comme question sur David et moi, avec l’histoire d’amour passionnée que t’as vécu, avec la beauté de l’amour qui unit tes parents, ou encore ceux de Moussa, j’ai du mal à croire que rien ne te vienne. 

— Le problème c’est que pour une fois, on me demande pas d’écrire sur moi. J’ai beau avoir tout ça sous la main, la page reste vide.

— C'est peut-être pas plus mal que pour une fois ça ne tourne pas autour de toi. Seydou te demande de rêver, de fantasmer, de t’évader. Vois ça comme un conte que tu aurais à écrire.   

Impossible pour elle de le soutenir davantage, son petit rituel de fin de journée n’attend pas. Vida s’excuse et rassure Ken. Tu y arriveras, scande-t-elle tandis qu’elle s’évapore de la chambre.