Mise en beauté
Que diront les filles de sa nouvelle coupe ? Ken n’y a d’ailleurs prêté aucune attention, pense-t-elle devant son reflet. La jeune femme secoue la tête. Hors de question de laisser la mélancolie s’inviter. C’est pour elle qu’elle s’est octroyée cette après-midi bien être, pas pour lui. D’ailleurs, que lui a-t-il offert quelques heures auparavant : l’occasion de parfaire la reprise en main de sa vie.
— Demain, il faut qu'on s'organise !
— Il est temps d’organiser ça tient ! C’est pas comme si je passais mon temps dans la chambre des garçons, car tu prends la nôtre pour ton lupanar perso.
— Arrête, ça t’est arrivée qu’une fois, Vida !
La jeune femme évoque alors la porte verrouillée cet après-midi même. Air de circonstance, toutes se toisent et c’est le teint cramoisi de Malia qui parle pour elle.
— Parfait, c’est ce que j’espérais, intervient Sallie pour calmer l’auditoire médusé.
Théo et elle dormiront ensemble dans la chambre des garçons. Malia et Moussa prendront la chambre de Lucie qui rejoindra enfin son mari. Maria rejoindra Keita, son rendez-vous secret depuis quelques jours au grand dam de Seydou, qui avait mis en garde la jeune femme. Hors de question qu’elle pervertisse son cousin désigné maître de cérémonie.
— Ça te laisse notre chambre, Vida. Peut-être que vous passerez enfin à la vitesse supérieure. Il serait bien temps, crois-moi. T’as besoin de baiser. Quoique, peut-être te fallait-il seulement une nouvelle coupe car tu rayonnes ma douce ! Termine-t-elle en caressant la crinière de cette dernière.
Malia, pensant d’ailleurs offrir un scoop de première ligne, annonce fièrement que Ken a d’ailleurs largué sa copine. La voie est libre, s'amuse-t-elle.
Le réveil du lendemain est difficile. La nuit a été courte et pleine d’incertitude. Vida est perdue mais aujourd’hui, Ken et ses sentiments seront sous clé. Son amie se marie et la cérémonie est prévue pour quinze heures seulement, l'unique salle de bain pour la préparation de trois femmes complique le timing. Malia est presque prête mais Sallie monopolisant la pièce retarde Vida qui devait être auprès de la future mariée depuis dix minutes déjà. Elle se souvient de l'état de fébrilité dans lequel elle était le jour J. Le moindre pépin pouvait la faire exploser et fondre en larmes alors il est impossible d'abandonner Lucie.
Vida frappe. Ken ouvre. Sans y être invitée, elle rentre et demande l'autorisation de se servir de la salle de bain des garçons, qui, de leur côté, semblent loin de démarrer leurs préparatifs.
— Théo, tu as tout intérêt à faire de superbes compliments à mon amie qui monopolise notre salle de bain depuis plus d’une heure !
— Avec grand plaisir, chef ! D’ailleurs, faut que je range un peu la chambre.
— Je ne te le fais pas dire, ose Vida.
Hier après-midi, elle n’eut ni le temps, ni l’occasion d’observer ce que trois hommes dans une petite chambre d’hôtel pouvaient causer comme dégâts mais elle sait que ce capharnaüm n’excitera pas son amie...
Après une douche qu’elle aurait aimé moins expéditive, la jeune femme enfile ses sous-vêtements en dentelle et peine à cacher l'attirance quant à sa propre silhouette aperçue dans le miroir mais elle n'a pas le temps. L’appel d’air frais une fois la porte ouverte n’est rien d’autre qu’un délice amenant rapidement la jeune femme à l’étape maquillage. Tournant le visage pour l'application du blush, le reflet de Ken sur le lit, casquette bien en place et torse nu, la déconcentre. Et s'il la rejoignait ? Que se passerait-il ? Pinceau posé et porte contre tente de contrôler l’agitation de ses synapses.
— Pourquoi tu fermes ?
La voix grave, le sourire léger, le regard étincelant... Lui aussi imaginait des choses, lové sur le matelas jadis hôte de leurs plus profonds soupirs. Le prédateur s'avance davantage et frôle sa cuisse révélée avec subtilité par la fente de sa robe. Le corps de la jeune femme hurle. Son entrejambe bat la chamade. Placé juste derrière elle, son bassin l’emprisonne contre le meuble. Son sexe durci se cale entre ses fesses. Eye liner dessiné néanmoins sans sourciller, Vida parvient à conserver une certaine contenance face à la tension oppressante dans les yeux de Ken qui ne dit rien, ne bouge même pas mais la fait bouillonner. Mise en beauté terminée, elle force l’homme à se reculer pour détailler son propre reflet.
— Tu me plais beaucoup murmure-t-il si bas, que seule Vida peut l'entendre.
— Moi aussi je me plais.
— En revanche, ton rouge à lèvre, je ne suis pas fan.
— Et pourquoi ça ?
— Impossible de t'embrasser sans en avoir partout.
La jeune femme sait désormais à quoi s’en tenir avec Ken mais Ken sait-il seulement à quoi s’en tenir avec lui-même ? Revenant continuellement à la charge, ne pouvant s’empêcher d’interagir avec elle, il l’a dans la peau quoi qu’il en pense. Vida a compris qu’ici, protégés, en sécurité, tout était possible et qu'une fois le séjour terminé, elle devra à nouveau gérer la solitude de son existence. Désirer, jouir, et aimer est à cet instant plus qu’une possibilité, c'est une chance. La vie est trop courte et elle serait idiote de ne pas saisir cette opportunité d’adoucir temporairement la dureté de sa vie, alors, tandis qu’elle regroupe ses affaires, elle place sa raison sous silence et se rapproche doucement de Ken. Une main sur son torse qu’elle imagine bouillant, sa poitrine à quelques millimètres de la sienne, elle détaille son regard furieux.
— Sois tranquille... murmure-t-elle.
Elle dépose un doux baiser dans le creux de son cou, sa langue parcourant sa nuque.
— Une fois sec, il est sans transfert.
Mettant fin à cette interlude voluptueuse, sa main termine subtilement sa course sur son short bombé. Vida salue Théo hilare et quitte la pièce sans un regard pour sa proie qu'elle imagine aux abois.
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