Trouver sa voix

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Lui

Essayer de décrasser son cerveau. Réponse de l’intéressé :


– je ne suis ni serf ni veau et ce n’est pas toi qui me fera beugler.


Sur ce, Meuh-sieur fit son baluchon et me lança avec une certaine provocation dans l’expression :


– je ne sais pas si on se reverra .


Je préfère l’expression « expression » à « dans la voix » : un cerveau a-t-il une voix ? Je vous le demande, un cerveau a-t-il de quoi donner de la voix.
Et lui de me répondre :


– je m’en vais chercher ma voix, justement parce que dans ta boite crânienne pas plus grande qu’une chambrette de bonne, je ne la trouverai pas .


Je lui fis remarquer qu’il commettait une grave erreur, il ne partait pas d’un bon pied, se trompait de voie. Je voulais dire par là qu’il faisait erreur sur la personne.


Il voulait trouver sa voie avec un E à la fin et non sa voix, V-O-I-X. Il me rit au nez et me cria du plus fort de ses neurones (je suppose) :


– Je n’ai pas besoin d’un porte-voix !


Cette histoire devenait de plus en plus absurde et me laissait sans voix. Il ajouta alors :


– je veux être libre de penser comme bon me semble et d’explorer toutes les voies que je voudrai sans être freiné, voire empêché par une petite conscience toute étriquée incapable de sortir des sentiers battus et qui voudrait toujours me remettre sur la bonne voie. Je ne voix plus l’intérêt de continuer, je m’en vais.


Un cerveau qui voit, voilà autre chose et qui m’en faisait voir de toutes les couleurs de surcroît !.Je fis un pas en avant et lui fit cette proposition :


– je vais voir ce que je peux faire pour améliorer ton ordinaire, agrandir ton logement par exemple .
Il resta sur ses positions, me fit un signe du bout d’une synapse :


– Adios !


Je sentis un vide m’envahir, je restai là immobile, incapable d’articuler le moindre son quand quelque chose se manifesta.


Cela venait d’en bas. Une pensée, puis une autre, une voix du dedans lissée par l'épaisseur de mon corps, une voix de ventre commandée par quelque chose de nouveau, une voix de colon, colonisatrice, un tantinet nasillarde, une vois des, comment dire... je suis ennuyé, gêné plutôt, je me lance : une voix des tripes, une voix d'un second cerveau, bas cerveau, mais bien cerveau néanmoins, avec son armée de biotes, les habitants des lieux, 200 millions au dernier recensement et je n'en savais rien!


Dans mon tube digestif, Metube, oui je n'ai pas honte de le dire et de le revendiquer, mieux que youtube!


Mon cerveau 1 celui du sommet m'avait quitté sans m'informer de son existence. Un peu pète-sec le monsieur ( pardon je ne l'ai pas fait exprés... le jeu de mot bien sûr), un vocabulaire d'homme d'action, homme c'est un peu exagéré, l'homme c'est Moi, un qui agit d'abord réfléchit après,


un lecteur : -- un actionnaire
Moi : -- Non pas vraiment,
lecteur : -- activiste
Moi : -- Pas tant
Mon colon : vocabulaire de l'action jeune homme! ... Rompez!


Il me parlait sur un ton militaire, sec, télégraphique, texto même de temps à autre.


Peu importe, nous sommes devenus inséparables. Petit à petit j'ai appris à parler du ventre comme d'autres parlent du nez. De syllabique et déformante ma diction est devenue fluide. Je peux dire aujourd'hui que j'ai acquis une certaine éloquence même. Plutôt de la ventriloquence.
j’étais devenu ventriloquent.


Elle.


La voie de la sagesse. D'où vient-elle, si ce n'est du cerveau-lent, serait-ce de Caen ? De là où la spécialité tripière est connue partout en France, là où l'on trouve le plus de ventriloques ? Les ventriloques en loques qui débloquent, le ventre à l'air, à la recherche de la voie. The wisdom way !


La voie, celle qui mène le pèlerin marchant à l'aide de son bâton sur le sentier, prêt à tout voir, tout entendre, y compris les voix. D'en haut, d'en bas, de n'importe quel étage, pourvu qu'elles lui apportent des réponses... En général, le pèlerin a froid aux reins. Mal aux pieds aussi, au bout de quelques heures ou jours de marches. Mais plus il marche, plus il se rapproche d'un but, ou s'éloigne d'un passé. Sa tête est censée de désencombrer, son corps s'alléger au rythme de ses pas, les voix se taire et son ventre aussi...Mais ventre affamé n'a pas d'oreilles ! Ventre affamé est sourd, bavard, glougloutant, contorsionnant, ventriloquant !


La voie de la sagesse peut être une voie immobile, une voie assise en tailleur à réciter des mantras, ou encore une voie chez une voyante extra-lucide qui vous mène là ou les voix sont des phénomènes ! Des fées, oui, des nomènes, qui sait...des voix qui viennent d'ailleurs.
Prenez un peu d'ail à une certaine heure, écrasez-le et vous obtenez de l'ailleurs. Tout en restant assis chez vous, ou bien au bord d'un lac, en forêt, ou encore dans un faux teuil. Si vous préférez un vraiteuil, rien ne vous en n'en pêche à la mouche. Un peu d’entraînement à la pêche à la mouche et le vraiteuil sera gigotant tout frais tout frétillant au bout de votre ligne. Soit vous le remettez à l'eau, soit vous vous asseyez dessus pour entendre les voix.


Ne soyez pas étonnés de voir passer un cerveau-lent dans le ciel, lui aussi attaché à une ligne pour ne pas qu'il s'échappe. Seuls les pots des voitures savent s'échapper et deviennent des ex-pères en pots d'échappements. Ils construisent ainsi de grandes familles dont ils ne reconnaissent pas souvent les enfants, trop vaporeux et gazeux à leur goût, trop polluants.
Les cerveaux lents, eux, ne sont pas assez rapides. Alors ils se laissent traîner dans le ciel les jours de vent, bercés par les voix enchantées de ceux qui les admirent, tête en arrière, yeux brillants. (Parfois ce sont des ventriloques ventripotent en loques qui les font voler.)


Tous ces yeux rivés sur leurs hémisphères, leur cortex et leurs lobes ! De quoi bomber le torse et se sentir fier ! Avez-vous déjà vu un cerveau lent qui bombe le torse ? Qui roule des mécaniques ? Il y a des cerveaux lents de type Aldo ou Gino qui se la pètent, qui bombent tous leurs lobes en même temps et qui explosent en vol. De trop d'orgueil. Leur matière grise se met à bouillir, ça chauffe beaucoup trop, et voilà le résultat !


Des promeneurs retrouvent des bouts de cerveaux lents lors de randonnées, qui jonchent le sol, façon soupe au pistou trop cuite ou pâte à crêpes trop épaisse grumeleuse. Surtout n'y touchez pas ! Vous risqueriez d'entendre des voix contestataires, vous pourriez être contaminés et vous vous éloigneriez de la voie de la sagesse.


Moralité : Toutes les voies ne mènent pas à la voix de la sagesse, et inversement.

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