Chapitre 1 - Dix ans plus tard
Ce matin, je me prépare pour aller consulter mes notes à l’université. En ce début juin, les examens sont terminés et les résultats commencent à tomber. Je viens de finir ma première année de droit au Capitole avec succès.
Je descends les marches vêtues d’une combinaison d’été pour faire face à la chaleur du sud. Alex, mon petit copain depuis deux mois, m'attend devant la maison. Nous nous sommes rencontrés en cours et nous vivons à quelques rues d’intervalle l’un de l’autre. Je le connaissais déjà de vue car nos mères viennent du même « cercle ».
Alexandre Damas n’est pas vraiment mon style mais d’après ma mère c’est un bon parti. Il est très sociable et charismatique, sans oublier son attirance ravageuse. Alex est beaucoup trop fêtard pour moi et un brin prétentieux à mon goût. Ok. Je l’admets, il est carrément égocentrique et centré sur sa personne.
Je monte dans sa superbe Audi décapotable, cadeau de papa pour l'obtention de son Bac. Je l’embrasse rapidement sur la bouche avant de m’attacher. La voiture démarre et Alex redresse les lunettes sur son nez.
- Quelque chose ne va pas ? Je te sens différente aujourd'hui Val, commente-t-il d’un ton suffisant auquel je suis habituée.
Je sais très bien depuis le temps qu’il ne fait pas exprès de prendre toujours cet air avec les gens de son entourage. Cela fait partie de sa personnalité.
- Tu sais très bien que je déteste quand on m’appelle comme ça, je lui réponds avec gentillesse.
- Je te taquine. Ne sois pas si coincée Valentina, me reproche-t-il avec sérieux.
Je lui souris avant d’observer le paysage. Il fait chaud et le soleil est encore haut dans le ciel. Les briques rouges de la ville donnent un aspect ancien aux quartiers et j’adore ça. Contrairement à ceux qui veulent quitter leur ville natale, moi je souhaite rester ici.
Alex gare sa décapotable sur le parking de la fac avant de saluer quelques amis. J’ai toujours été discrète et je déteste par-dessus tout m’afficher alors je reste en retrait. Notre relation est étrange quelquefois. J’ai l’impression que nous sommes ensemble que pour l’image et rien d’autre. Je n’ai jamais dit à Alex que je l’aime parce que ce n’est pas ce que j’éprouve pour le moment.
Mon petit ami m’indique les salles où je peux consulter mes copies.
- Je ne vois pas à quoi ça sert de les regarder sachant que tu as validé la première année avec de très bonnes notes, me fait remarquer Alex.
- J’ai envie de savoir où j’ai eu faux pour pouvoir travaillerces points avant la rentrée.
Alex lève les yeux au ciel avant de s’appuyer avec nonchalance contre le mur. Il y a très peu d’élèves à la fac, la plupart sont déjà partis en vacances ou en train de réviser les rattrapages.
- Il y a une fête ce soir chez Charlie, tu veux bien m’accompagner ? me demande-t-il en me faisant les yeux doux pour me faire craquer.
Je connais bien les fêtes de Charlie pour y être allée à deux reprises. Ses soirées sont très alcoolisées et finissent toujours en cacahouètes. Ce n’est vraiment pas mon style de soirée, mais je décide quand même de l’accompagner car je sais que certains de mes amis seront présents. Je ne verrais pas la plupart d’entre eux cet été.
- Je ne pensais pas que tu allais accepter mais je suis content d’être ton cavalier, sourit-il en m’accompagnant vers la sortie.
Tu parles, il va me lâcher pour aller boire avec ses potes dès notre arrivée. Je connais assez bien Alex pour ça. À deux reprises des hommes sont venus me draguer, mais il était trop saoul pour s’en apercevoir.
- Tu veux qu’on aille chez moi ? Mes parents ne sont pas là. À moins que tu aies des courses à faire en ville ? questionne-t-il.
- Je dois rejoindre Irina devant la bibliothèque, je me débrouillerais pour rentrer alors tu peux y aller seul, je lui réponds en lui faisant un bisou sur la joue.
Alex ne parvient pas à cacher sa déception. Je sais ce qu’il essaye de faire. Il tente les mêmes manœuvres depuis des semaines, mais ça ne marche pas avec moi. Je ne finirais pas dans son lit tant que notre histoire ne sera pas assez sérieuse à ses yeux.
- Je passerais te prendre ce soir devant ta maison avant d’aller chez Charlie, dit-il avant de m’embrasser brièvement.
Charlie habite en ville dans le quartier aisé des Carmes tandis que je vis dans une belle villa de Balma juste à côté de Toulouse. C’est pour cela que j’apprécie qu’Alex vienne me chercher en décapotable. Nous sommes loin de l’université mais nous avons le calme des beaux quartiers.
Alexandre monte dans sa superbe voiture avec contrariété avant de partir en trombe dans les rues de la ville. Je rejoins Irina qui m’attend devant la bibliothèque presque déserte.
- Je suis contente de te voir, s’exclame-t-elle avec un accent prononcé. Je voulais passer du temps avec toi avant de repartir à Varsovie pour les vacances. Mes parents me manquent beaucoup et j’ai envie de les retrouver.
Irina est polonaise et apprend le français depuis trois ans. Elle se débrouille vraiment très bien et le parle couramment après neuf mois en France. Je suis contente de l’avoir rencontré en cours, c’est vraiment une fille gentille.
- Tu vas me manquer, mais on se reverra à la rentrée, je tente de la rassurer.
- Evidemment ! Je vais continuer mes études en France. J’espère que mes origines ne vont pas m’empêcher de m’installer dans ce beau pays et de trouver un travail.
Mon amie m’a expliqué que la vie en Pologne était différente et que le niveau économique était plus bas. Ses parents ont dépensé beaucoup d’argent pour ses études et lui assurer un avenir meilleur que dans son pays.
- Ne t’inquiète pas pour ça, mes parents ont des relations dans le milieu, je la renseigne en lui faisant un clin d’œil.
Nous partons en direction du Capitole pour faire les boutiques. Les moyens d’Irina sont limités et je lui ai déjà offert des vêtements pour Noël ou son anniversaire.
Nous passons l’après-midi à faire du shopping avant de finir au McDonald’s pour manger quelque chose.
- Je n’avais pas vu l’heure ! je m’exclame. Il faut que je mange avec mes parents avant de me préparer pour la fête.
- Tu veux parler de la fête chez Charlie ? interroge mon amie.
- Oui, tu veux m’accompagner ?
- Tu n’y vas pas avec Alexandre ? répond-elle par une autre question.
- Il passe toute la soirée à boire avec ses amis, j’avoue en levant les yeux au ciel.
- Je veux bien mais je ne suis pas bien habillé, dit-elle gênée.
- Je te prêterais des vêtements pour l’occasion.
Elle me sourit et nous partons immédiatement vers le métro, avant d’envoyer un message à ma mère pour qu’elle vienne me chercher au terminus. Elle travaille à mi-temps dans l’entreprise de mon père et passe plus de temps que lui à la maison.
J’aperçois la Mercedes de ma mère sur le parking des bus. Je me demande comment elle fait pour conduire avec des talons. Elle refuse de porter des chaussures plates et ne porte que des vêtements de luxe. Ses cheveux sont toujours tirés en chignon et lui donne un air sévère.
- Comment s’est passée votre journée les filles ? questionne ma mère avec entrain.
- Très bien, je réponds désinvolte.
- Je demanderais à Maria de rajouter un couvert. Tu m’envoies un message au bon moment car le repas est presque prêt.
Nous arrivons dans ma vaste villa pour le dîner et nous sommes accueillis par les bonnes odeurs de la cuisine.
- Bonsoir Maria, je m’exclame en la serrant brièvement dans mes bras.
Maria travaille pour nous depuis que je suis née et elle s’est toujours bien occupée de moi.
- Tina ! Je suis contente que ton amie Irina soit là, s’écrit-elle avec un accent italien.
Nous nous installons à table et mon père sort de son bureau pour nous rejoindre. Avec mon père en costard et ma mère en tenue de working-girl, je trouve que l’ambiance est toujours très réservée. J’ai l’impression que ma famille est dans le cliché des bourgeois coincés.
- Alex doit venir nous chercher pour une soirée chez Charlie, je commence pour faire la conversation.
- Tu sais que j’adore ce jeune homme Valentina mais je veux que tu fasses attention chez Charlie. D’après les rumeurs ses soirées sont très arrosées.
Le jeu préféré de ma mère c’est de connaître les moindres détails de la vie des voisins. Dans le cercle très fermé de la jet set tout le monde se connait. La plupart d’entre nous se rejoignent aux après-midi golf et ma mère en profite pour cancaner. Certes nous sommes souvent entre riches mais nous savons aussi nous mélanger avec les autres étudiants.
Irina et moi finissons de manger avant de monter dans ma vaste chambre. Je cherche des vêtements dans mon dressing pour la soirée de ce soir.
- Je peux te prendre cette robe ? demande Irina. Je garde mes chaussures et mon sac, je ne veux pas t’emprunter trop d’affaires.
Elle me présente une robe bleue de chez Zadig et Voltaire.
- Tu peux la prendre, elle ira très bien avec tes cheveux, j’opine en prenant une pochette noire de l’étagère.
Irina est tout le contraire de moi. Elle est blonde aux yeux bleus avec une taille de mannequin. Je suis brune avec des yeux marrons, une peau plus foncée et je suis plus petite que mon amie. Je fais une taille de plus qu’elle en vêtement mais la robe lui ira très bien quand même.
- Je vais mettre la combinaison noire Valentino que m’a offerte ma mère pour mon anniversaire, je lui indique en la sortant du portant.
Nous mettons plus d’une heure pour nous coiffer et nous maquiller. Je ne porte que du noir et seul mon rouge à lèvre éclaire ma tenue. Je regarde mon portable car je sais qu’Alex m’a envoyé plusieurs messages.
Je jette un oeil par la fenêtre et j’aperçois son regard courroucé. Il est appuyé contre son véhicule et tape frénétiquement du pied.
- Il faut y aller, Alex est en bas, j’indique à Irina.
Nous descendons mais ma mère m’arrête devant la porte d’entrée.
- Valentina, je te prie de faire attention à cette soirée, me recommande-telle d’un ton sévère.
Je hoche la tête avant de passer la porte suivit d’Irina. Ma mère reprend sa conversation en italien avec Maria.
Quand Alex m’aperçoit, il se dirige vers moi sans cacher sa colère. Je soupire en attendant que l’orage éclate.
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