Chapitre 9 - Comme avant
- J’ai un rendez-vous avec Alex ce soir, je dis à ma mère avant de monter les escaliers à grands pas.
- N’oublie pas de prendre une veste, dit-elle ravie.
Je retire ma robe et mes sandales pour mettre un short en cuir pour l’assortir avec une veste du même matériau. Je prends des rangers ainsi qu’un haut rouge. Je porte quelques bijoux puis je me maquille en pourpre. C’est la première fois que je suis contente de m’habiller comme une rebelle. Alex, comme tout le monde d’ailleurs préfère quand j’ai un look de petite bourgeoise bien sage. Je profite donc de ce moment pour changer.
Je me précipite en coup de vent en faisant voler mon sac au passage pour esquiver un mur. Ma pochette Chanel noire est le seul objet qui reflète ma condition aisée. Je ne veux pas que mes parents me voient comme ça.
Je me glisse dans le crépuscule et j’attends que l’inconnu se pointe. Mon cœur bat fort parce que j’espère vraiment ne pas m’être trompée de personne. Quand il arrive, il est vêtu de vêtements noir identiques aux miens.
- Salut, lance Matéo en souriant. Sympa le nouveau look.
- Merci, mais je pense que tu m’espionnes parce que nous avons vraiment le même style, je lui dis pour rire.
- C’est toi qui copies mon look, petite menteuse, réplique-t-il en m’ébouriffant les cheveux.
Je me rappelle de ce geste si familier à l’époque. En fait, nous n’avons que des souvenirs anciens. J’aimerais me créer d’autres moments sympas avec lui.
- Alors, ou est-ce qu’on va ? je demande avec impatience.
- Dans l’un de mes endroits secrets, dit-il avec un sourire énigmatique. Tu verras bien.
Il monte dans sa voiture et je le suis à l’intérieur. J’avoue que son auto décolorée jure avec le chic du quartier mais ça n’a pas d’importance.
- Au fait, où est-ce que tu as eu mon numéro ? Je ne me rappelle pas te l’avoir donné.
- Ça n’a pas été facile, répond-t-il en me lançant un clin d’œil complice. Je suis allé sur ton compte Facebook jusqu’à trouver une certaine Irina dont tu m’as parlé. Je lui ai tout simplement demandé ton numéro et je pense qu’elle savait qui j’étais parce qu’elle n’a pas hésité une seconde.
- Tu es un petit malin, jamais je n’aurais eu cette idée, je ris avant de me tournant vers le paysage.
Durant quelques instants, j’ai l’impression que notre complicité n’est jamais partie et ça me réchauffe le cœur. Cependant, il reste un trou béant dans notre relation : les dix années qui nous séparent.
Matéo finis par se garer dans une rue en centre-ville de Toulouse. Nous marchons jusqu’à un parking en hauteur dont la porte et la vitre sont explosés. Le lieu est austère et il n’y a presque aucunes voitures.
- Tu vas m’amener dans le repère des drogués ? je demande avec humour mais pourtant pas rassurée.
L’endroit ne m’inspire pas mais je fais confiance à Matéo. Nous prenons un vieil ascenseur. Il est si étroit et Matéo si robuste que nos corps se touchent presque. Il appuie sur le bouton du dernier étage.
Lorsque les portes s’ouvrent et il me guide à l’air libre. Nous nous appuyons sur le bord du grand parking.
Je comprends pourquoi il m’a amené là. Le panorama sur la ville est juste époustouflant. Le couché de soleil rend tout encore plus beau. Je reste silencieuse à observer le paysage mais Matéo interrompt le fil de mes pensées.
- Est-ce que tu l’aimes ton copain ? demande-t-il d’un ton détaché.
Sa question me prend de court mais je prends le temps de répondre. Nous nous observons tous les deux.
- Je ne suis pas encore amoureuse de lui, ça ne fait pas longtemps que nous sommes ensemble, j’explique un peu gênée de parler de ça avec lui.
Il hoche la tête avant de se mettre à observer une nouvelle fois le paysage.
- Et toi, ta copine tu es amoureux d’elle ? je l’interroge à mon tour pour en apprendre plus sur son personnage actuel.
- Pas vraiment non, l’amour ce n’est pas trop mon truc sauf avec ma mère et toi, répond-t-il en me regardant avec insistance.
Je ne relève pas cette preuve d’affection car je suis trop concentrée sur sa copine.
- Tu l’as déjà amenée ici ?
- Non, je voulais te le montrer à toi, explique-t-il. Ça fait très longtemps que je voulais t’amener ici mais tu étais trop jeune à l’époque.
Je suis touchée par ses paroles et je ne peux pas m’empêcher de le prendre dans mes bras. Il resserre son étreinte mais lorsque je sens ses bras musclés et son corps contre moi mon cœur s’accélère.
- Merci Matéo.
- Je t’aime petite sœur, murmure-t-il contre ma tête.
Je me dégage doucement de son étreinte pour ne pas qu’il pense que je suis gênée. Nous nous asseyons sur une pierre et la chaleur naturelle revient.
- Parle-moi de ta copine, je lui intime. Puisque tu as dit que nous n’avons aucun secret l’un pour l’autre.
Je vois qu’il est très embarrassé de me parler d’elle, un peu comme l’autre fois quand elle a téléphoné. Je ne comprends pas pourquoi il veut me cacher sa copine. Mon cerveau revient sur la soirée au bar.
- Est-ce que c’est la fille qui était sur toi l’autre jour ? je tente en étouffant un rire en me remémorant ces souvenirs.
- Eh bien… Oui c’est elle. Je ne voulais pas que tu le saches parce que tu vas la juger.
- Elle était habillée comme une strip-teaseuse, je rajoute. Mais sinon elle a l’air assez ouverte.
Faire ce genre d’insinuation n’est pas mon genre habituellement mais j’avais très envie de le dire. Heureusement, Matéo ne le prend pas mal.
- Très amusant Tina, mais elle n’est pas celle que tu crois.
- Alors qui elle est ? Qu’est-ce qui te plait chez elle ?
- Euh…
Matéo semble réfléchir mais très vite il devient confus parce qu’il ne sait pas trop quoi répondre.
- Elle est sexy, tente-t-il.
Je ris à gorge déployé en lui donnant un coup dans le bras. Il me suit dans mon délire et son rire est une réelle symphonie de bonne humeur pour moi.
- Je l’ai connu à cette soirée, ça ne fait même pas une semaine que nous sommes ensemble.
Il se remet à rire et ses épaules tressautent en même temps que les miennes.
- Sympa pour elle. Je pense qu’on peut dire que c’est un PC non ?
- Elle n’a rien à voir avec un ordinateur voyons ! s’indigne-t-il sur un ton faussement scandalisé.
PC pour ordinateur ou plan cul ça revient au même. Nous sommes complètement morts de rire. Ça fait un moment que je n’ai pas autant rit.
- Hey ! cri quelqu’un. Vous n’avez pas le droit d’être ici à cette heure.
Une lampe torche nous aveugle et je sais qu’il s’agit d’un agent de sécurité.
- Désolé monsieur, reprend Matéo avec un air sérieux. Je voulais montrer la vue à mon amie.
- C’est bon pour cette fois, réplique l’agent. Il y a régulièrement des trafics de drogues dans le coin, c’est pour ça que je vérifie les lieux.
L’agent continu son chemin et nous prenons l’ascenseur pour descendre.
- Donc il y a bien de la drogue qui circule à cet endroit, je lance sur le ton de l’humour.
- C’est pour ça qu’on est venu, dommage que les dealeurs ne soient pas là, continue-t-il en se prenant au jeu.
- Pour la première fois depuis longtemps, je suis vraiment bien amusée, je lui confie.
- Moi aussi, avoue-t-il. C’est bon de te retrouver. Aujourd’hui nous pouvons avoir des conversations drôles d’adultes.
- En effet.
Je remonte dans la voiture et Matéo me ramène chez moi. Je suis contente qu’il soit revenu finalement. Je crois que j’avais besoin de quelqu’un qui me connaisse depuis longtemps telle que je suis. Même s’il a raté beaucoup de choses dans ma vie, elle est encore longue et il n’est pas trop tard pour tout recommencer.
Il se gare devant chez moi mais avant de sortir je dépose un bisou sur sa joue fraichement rasée.
- Merci pour cette soirée, je murmure.
Je m’éclipse et je rentre discrètement chez moi. La pièce est plongée dans le noir mais la lumière jaillit soudain.
- Je peux savoir pourquoi tu m’as menti ? demande ma mère assise dans le salon. C’est quoi ce look ? Je ne te reconnais plus en ce moment. Matéo n’est plus une bonne personne, il va te sortir du droit chemin.
Je soupire en me retournant face à elle. Je suis sure qu’elle a toujours rêvé de me cueillir comme ça. De plus, je rentre bien avant minuit alors je suis irritée par ses reproches.
- De quoi tu parles ? je demande avec méfiance.
Je ne veux pas qu’elle prêche le faux pour savoir le vrai alors je me méfie.
- J’ai vu par la fenêtre que tu étais partie avec Matéo.
Je suis vraiment très ennuyé par cette déclaration.
- Désolé mais je sais que tu ne l’aimes pas alors je ne voulais pas t’inquiéter, je lui explique.
- Arrête de baratiner et monte te coucher, m’ordonne-t-elle.
Je ne me fais pas prier et grimpe dans ma chambre, trop contente que ma mère m’ai laissé une échappatoire.
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