Nous sommes tous les deux à l’avant du véhicule et je ne cesse d’observer mon sauveur. J’ai vraiment eu peur qu’Alexandre tente de me faire à nouveau du mal et je ne parviens pas à me remettre de mes émotions.

- La semaine dernière, j’étais à une soirée avec Irina et Charlie, je commence la voix secouée de tremblement.

J’éprouve beaucoup de mal à expliquer les évènements et à contrôler les sonorités de ma voix. Matéo m’observe avec attention en m’écoutant attentivement.

- Alexandre avait bu et j’ai accepté de le suivre dans une chambre.

Je m’arrête quelques secondes pour ravaler un sanglot.

- Il a essayé de me violer, je parviens à dire d’une petite voix. J’ai eu très peur et j’ai vite compris en sortant en trombe que ce moment d’intimité était comploté par les amis d’Alex.

J’ai à peine terminé mon histoire que Matéo frappe violemment du poing le tableau de bord. Je sursaute sur mon siège en l’observant avec des yeux de lapins sur le point de se faire dévorer.

Son regard est dur comme de la pierre et ses yeux sont perdus dans la nuit. Je sens qu’il prend sur lui pour ne pas retourner à la villa et frapper Alex jusqu’à que mort s’en suive.

- Je vais lui casser la figure, affirme-t-il d’un ton dur mais calme. Il n’a pas le droit de te faire du mal.

Il se tourne vivement vers moi et m’observe avec des yeux tristes.

- Je regrette vraiment d’être parti sur un coup de tête, soupire-t-il.

Matéo n’arrête jamais de s’excuser et de regretter ses actions. Personne ne peut rien changer au passé et avoir des remords ne va pas l’aider à aller mieux. Il est revenu et il faut avancer ensemble désormais.

Les doigts de Matéo sont crispés sur le volant. Il le serre tellement fort que j’ai peur que l’objet se casse en deux. Je lui caresse doucement l’épaule et il se calme peu à peu.

- Je vais aller le voir, avoue-t-il. Je lui dirais devant tous les invités de ne plus jamais croiser ta route. Les gens doivent savoir qu’il n’est pas net.

Je n’ai pas le temps de répliquer car mon protecteur est déjà sorti de la voiture. Je peine à le suivre mais je parviens à arriver à sa hauteur.

Alex est avec Charlie au milieu des autres invités. La tête de Matéo doit faire peur car les chuchotements se font entendre à son passage. Les gens n’hésitent pas à cancaner à son sujet et à le dévisager sans retenue.

Quand il arrive à la hauteur d’Alex tous les regards se tournent vers eux. Ce dernier le regarde avec crainte en clignant des yeux et en priant pour ne pas se faire taper dessus.

- Ne croise plus jamais notre chemin, tonne-t-il d’une voix forte pour que tout le monde entende.

Toutes les conversations s’évanouissent et seule la voix de Matéo résonne dans la nuit.

- Il faut être vraiment un imbécile pour oser frapper et tenter de violer une femme, termine-t-il en défiant l’assemblée du regard.

Mon protecteur tourne le dos aux invités et disparait derrière la maison en m’emmenant dans son sillage. Nous montons tous les deux dans la voiture pour rentrer chez nous.

- Je veux rester seule dans ma chambre, je murmure.

- Tu es sûre de ne pas vouloir ma compagnie ? demande Matéo avec inquiétude.

- Mes parents vont vouloir me parler et ma mère n’aimerait pas te trouver avec moi, j’explique.

Matéo hoche la tête en soupirant. En quelques minutes nous arrivons devant nos maisons.

- J’espère que ça va aller avec eux. À une époque, ma mère m’aurait très certainement défoncé pour mon comportement à la soirée. Aujourd’hui, elle est devenue plus tolérante et empathique. Elle n’est plus du tout comme ta mère. Elles sont devenues si différentes à présent.

- Je suis consciente de ça et je trouve que tu as de la chance. En ton absence ta mère a dû comprendre plus de choses que la mienne dans toute une vie.

Je sors de la voiture et Matéo me retient par le bras.

- Je serais toujours là pour toi, ne l’oublie jamais.

Je murmure un remerciement avant de le quitter. Je passe la porte et le salon obscur avant de monter dans ma chambre. Je ne prends pas la peine d’allumer la lumière et me change en m’aidant de l’éclairage de la lune qui filtre par la fenêtre.

Je pense qu’avec Alex ça ne pouvait pas marcher. Notre couple était brisé depuis le jour il a essayé de me faire du mal. Je pensais avoir besoin de quelqu’un dans ma vie mais c’est lui qui avait le plus besoin de moi. Il était torturé par quelque chose que je ne saurais jamais.

J’ai un pincement au cœur parce que j’apprécie beaucoup cet homme malgré ce qu’il m’a fait. Au fond de lui, je sais que c’est une personne qui peut se montrer bonne.

Je vais devoir l’oublier comme Matéo qui a oublié Charlotte quand il est parti il y a dix ans. J’ai un peu connu cette femme parce qu’elle faisait partie du cercle. Elle était très amoureuse de lui et c’était vraiment une fille bien. Ils étaient au lycée et sont restés deux ans ensemble. Après son départ, elle était dévastée et a quitté le cercle. Je l’ai rarement croisée au court des dernières années mais je sais qu’elle n’a pas quitté la ville.

Vers minuit, j’attends des pas dans la maison et je voix de la lumière filtrer dans le couloir. La soirée doit être terminée et mes parents sont rentrés. Je me prépare à les recevoir et je sens que ça va être ma fête.

À mon grand étonnement, ma mère ne débarque pas comme une furie. Elle frappe avant d’entrer sans faire de bruit. Je pense qu’elle essaye de voir si je dors. Quand elle voit que ce n’est pas le cas, elle vient s’asseoir près de moi.

- Je ne suis pas très contente de cette soirée, avoue-t-elle d’un ton sévère. Les fiançailles ont tourné au désastre. Je ne pensais pas que tu allais rompre avec lui et publiquement en plus avec l’aide de cette racaille de Di Angelo.

Je me retourne dos à elle car je suis trop épuisée pour dire quoi que ce soit et me disputer avec ma mère.

- Cependant, je suis très déçu d’Alexandre, continue-t-elle avec plus de douceur. Je ne pensais pas qu’il était violent avec toi. J’ai toujours pensé que c’était un bon garçon avec un avenir prometteur.

- À croire qu’on ne connait pas le véritable visage des gens, je commente en me tournant vers elle un peu rassurée.

Je ne pensais pas qu’elle allait dire quelque chose d’aussi censé. Elle est toujours bornée et campe toujours sur ses positions. Je suis contente que la scène de Matéo lui a ouvert les yeux et je lui en remercie.

- Je préfère que tu sois seule plutôt qu’avec un homme violent, ajoute ma mère avec tristesse. Je suis désolée d’avoir forcé cette union.

- Et j’ai exprimé le fond de ma pensée à ses parents, ajoute une nouvelle voix.

Je n’ai pas vu mon père entrer car j’étais trop concentré sur ma mère.

- Ils semblaient profondément ennuyés et je pense que nous n’allons pas les croiser de sitôt aux soirées, argument-il. La famille Di Angelo grimpe des échelons dans l’estime de l’aristocratie. Il a dénoncé des faits que nous ne tolérons pas dans le milieu.

Je suis vraiment très reconnaissante envers mes parents. C’est la première fois qu’ils prennent autant ma défense. D’habitude, c’est toujours moi qui suis en tort.

- Nous espérons néanmoins que cette histoire ne fasse pas trop de bruit, commente mon père. Je n’ai pas envie que tu sois au centre de la scène et que la carrière d’Alexandre soit compromise.

- Je pense que nous pouvons dire que le sujet est clos.

Je reconnais bien ma mère qui ne s’attarde pas sur les sujets fâcheux. Elle se lève pour se tenir près de son mari.

- Nous t’aimons Valentina, confesse ma mère. Nous souhaitons le meilleur pour toi. J’espère que tu vas passer une bonne nuit malgré les récents évènements.

Mes parents m’embrassent à tour de rôle sur le front avant de quitter la pièce et de me laisser seule dans le noir.

Je sens que cet été va être très long. J’espère que je vais vite oublier Alex et ses amis alcooliques.

Je prends mon téléphone pour l’éteindre mais je tombe sur une notification qui m’interpelle. C’est Matéo qui me souhaite une bonne nuit. Je sourie avant de lui répondre. Malgré les années, son amour fraternel pour moi n’a pas changé. Je ferme les yeux en pensant à son visage et à ses bras protecteurs.