Chapitre 48 - "Matéo hurle mon nom de désespoir"
Je lâche un gros soupir en arrivant dans ma chambre car j’ai retenu ma respiration durant les quelques secondes qui me séparaient mon refuge. Je m’adosse contre mon lit comme j’ai l’habitude de le faire pour méditer.
Je n’arrive pas encore à réaliser ce que je viens de faire. C’est vraiment la pire action du monde. C’est cruel d’avoir fait ça à Matéo mais je suis terrifiée de confirmer que j’en avais envie. Je n’aurais pas dû satisfaire mes pulsions dans ce contexte.
Bon sang ! Je me sens mal car j’ai peur de l’avoir blessé et laissé dans une confusion énorme. Si je fais ça à chaque fois que je vois mon ex numéro deux, je ne vais pas m’en sortir. Mais ses lèvres étaient tellement délicieuses et son corps ! Un dieu vivant sorti tout droit du mont Olympe.
Mon dieu ma fille, ne pense pas à ça ! Je me tape la tête plusieurs fois contre mon lit pour me sortir ces idées impures de l’esprit. Je ne dois plus fantasmer sur cet homme qui ne m’appartient plus.
Ma mère toque à la porte et je sors de mes pensées qui commencent à me donner mal au crâne. Je la remercie d’être venue mais je lui en veux d’avoir manigancé notre rencontre. Si elle n’avait pas fait cela, je n’aurais pas sauté sur Matéo comme un animal en chaleur.
- Je sais que tu m’en veux mais j’ai fait cela pour ton bien, souffle-t-elle. Il fallait que se soit clair entre vous car je vois bien que même avec ce garçon James, tu n’arrives pas à passer à autre chose.
Bravo maman, maintenant notre relation est devenue encore plus confuse qu’avant !
- Je suppose que vous avez bien discuté puisque tu n’es pas revenue de suite, poursuit-elle face à mon silence. Je sais que tu ne te sens pas mieux mais cette dernière rencontre va t’aider à avancer.
Oui maman, nous avons en effet bien discuté. On a échangé trois mots puis c’est partie en galipettes. Je ne peux m’empêcher de répondre dans ma tête même si celle-ci commence à bouillir de l’intérieur.
- Je sais que tu t’imposes une dette envers Alma mais je n’en ai pas envers Matéo, je finis par lui dire. Cela va être compliqué mais je finirais par m’y accommoder.
Je descends sans un mot pour mettre la table et aider ma mère à terminer de préparer le diner en silence. Cette journée a été exténuante et j’ai hâte que la semaine se termine. Seulement, d’ici que mon vœu soit exhaussé, j’aurais le temps de tomber sur mille désagréments.
***
À ma plus grande joie, la semaine se termine sans toutes les encombres que j’ai prévus. Je vais enfin pourvoir passer un week-end tranquille chez moi sans croiser la route de personne. Je me réveille de bonne humeur ce samedi matin et je pars prendre le petit déjeuner avec ma mère qui vient de rentrer.
- Je suis allée voir ton père, annonce-t-elle d’un air grave en s’installant près de moi. Le procès tarde à arriver mais ils ont enfin fixé une date. Il aura lieu d’ici peu, le premier octobre et je compte sur ta présence.
- Oui, bien sûr que je serais là maman, je la rassure.
- Ton père va bien et il vit dans de bonnes conditions, explique-t-elle en prenant une tasse de café. Notre avocat a beaucoup de travail en ce moment mais nous pouvons nous en sortir. Nos dernières économies sont versées dans son salaire car il joue un rôle clé dans cette affaire.
- Je comprends tout cela mais s’il doit aller en prison il faudra l’accepter. La vie ne va pas s’arrêter s’il ne revient pas à la maison, je prononce avec sagesse.
- Je le sais bien ma fille et je ne me laisse pas aller, se reprend-t-elle. Je gère ce qu’il reste de l’entreprise car je n’ai pas le choix mais tous ces licenciements me font mal au cœur et j’espère que nos anciens employés retrouveront du travail.
Je rassure ma mère par des mots doux et nous terminons en silence le petit déjeuner.
- Au fait, j’aurais un service à te demander, m’interpelle ma mère. Il faudrait que tu amènes un carton chez Alma remplis de laine à tricoter que je n’utilise plus. Bien sûr, tu passeras le soir après que son fils soit parti au travail. Seulement, Alma ne sera pas là non plus donc tu devras le laisser devant la porte.
J’ai failli avoir un arrêt cardiaque en repensant à ce qu’il s’est passé la dernière fois que je suis allée sur leur propriété. Si ma mère m’avait demandé de faire le facteur alors que Matéo était dans les parages je l’aurais envoyée bouler.
- Ouais je le ferais sans problème, je réponds avant de monter m’habiller dans ma chambre.
Je passe le reste de la matinée à travailler sur mes cours et sur un exercice que je dois rendre la semaine prochaine. Je ne vois pas le temps passer et je suis sortie de ma zone de travail quand elle m’appelle pour le déjeuner.
Je passe l’après-midi à me prélasser dans la piscine et à jouer au scrabble avec ma mère. Cela fait un moment que nous n’avons pas eu de moments de complicité. Elle s’est un peu détendue ses derniers temps et s’habille plus simplement quand elle ne sort pas de la maison.
Au bout de quelques heures, notre deuxième partie est interrompue par la sonnerie de son téléphone. Elle me confirme un appel important de l’entreprise puis s’isole pour répondre. En attendant, je nettoie les ustensiles qui nous ont servi pour le gouter.
Ma mère affirme que ce n’était rien de grave puis nous terminons notre partie sur la terrasse. Cette journée est vraiment belle et je me sens beaucoup mieux depuis hier. Je termine l’après-midi par un plongeon dans la piscine. L’eau commence à se rafraîchir et bientôt je ne pourrais plus me prélasser dedans.
Je n’ai pas parlé de ce qu’il s’est avec Matéo à mes amies car j’en ai encore honte et j’ai peur qu’elles ne comprennent pas. Je préfère garder ce secret pour moi et ne pas tout partager même si je sais que je peux compter sur leur discrétion.
Ma mère n’a pas envie de préparer le repas et nous commandons des pizzas que nous voulons manger devant un film. Bien évidemment, nous choisissons une comédie qui n’a rien de romantique. Je ne veux pas finir par pleurer le grand amour même si cela est censé faire rire.
Il est bientôt vingt et une heure lorsque nous terminons notre film. Je suis consciente que je vais devoir amener le carton chez les Di Angelo. Tout de même un peu nerveuse, je me lève pour prendre ma marchandise et marcher jusqu’à la maison voisine.
J’arrive sur le palier et je m’apprête à poser le carton devant la porte lorsque je remarque que celle-ci est à peine entrouverte. C’est étrange, personne ne doit être là ce soir et j’espère que ce n’est pas un cambrioleur. Animée par la curiosité et la crainte que mes voisins se facent dévaliser, je pousse la porte.
La lumière des lampadaires extérieur et de la lune me permet de voir à l’intérieur de quoi il s’agit. Je regrette immédiatement d’être entrée là et je suis incapable de bouger. Cela me parait tellement irréaliste que j’ai l’impression de rêver.
- Les livreurs viennent la nuit maintenant ? questionne une femme à moitié nue sur Matéo.
- Ce n’est pas un livreur, répond-t-il d’une voix presque tremblante comme s’il avait vu un fantôme.
Je remarque à peine les larmes couler sur mes joues tandis que Matéo me regarde avec un regard désolé. Le carton tombe de mes mains qui tremblent et les pelotes de laine roulent à terre.
Je me retourne au moment où je l’entends hurler mon nom de désespoir. Pour la énième fois, je cours comme une dératée pour échapper à Matéo qui me suit. Lorsque j’arrive sur mon palier, je ne sens plus sa présence.
Mon entrée fracassante fait réagir ma mère qui me suit dans les escaliers. Arrivée dans ma chambre, je hurle de toute mes forces jusqu’à sentir une brulure dans mes poumons. Ma mère m’entoure de ses bras dans l’espoir de me calmer.
La douleur que j’éprouve est si intense que j’ai envie de me jeter par la fenêtre pour l’apaiser. Je comprends enfin ce qu’il a ressenti ce jour-là quand il m’a vu avec James. Je ne devrais pas réagir comme cela parce que nous ne sommes plus ensemble mais je n’arrive plus à me contrôler.
Le voir avec cette fille m’a fait encore plus mal que ses mensonges au sujet de ma famille. Mes pleurs bruyants me permettront peut-être d’atténuer un peu ma peine. Mes jambes se dérobent et je tombe à terre toujours dans les bras de ma mère.
Après un long moment de silence, je finis par me calmer et lui raconter ce qu’il s’est passé. J’ai un peu honte de lui avouer cela mais après le spectacle que je viens de lui donner, je lui dois bien des informations.
- Le seul moment où tu étais bien, c’était quand tu étais avec lui, avoue-t-elle. Il te faudra plusieurs mois pour l’oublier et suis désolée d’avoir forcé les choses la dernière fois.
Je ne lui en veux même plus de ces machinations avec Alma. La seule chose que je veux, c’est dormir et effacer de ma mémoire cette scène horrible qui m’a déchiré à nouveau le cœur.
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