Intro
William Fross est mon nom.
Depuis ma plus tendre enfance je sens que je suis différent. Au sein de ma famille, j'étais le rejeté, le mis de côté. Je ne m'en plaignais pas, au contraire. Il est toujours plus simple d'effectuer ses cachoteries avec de la tranquillité. Avec tout ce temps, je découvris les joies de la vivisection. Savais-je ce que je pratiquais ? Pas le moins du monde.
Je m’amusais, comme tout bon enfant. Les animaux mourants étaient ceux que je préférais. Encore en vie, mais si près de la mort. Je pouvais encore sentir leur minuscule cœur chaud battre dans ma petite paume, puis, s’arrêter au grè des secondes. Oui, je n’étais pas comme les autres.
Evidemment, pour ma famille, mes agissements étaient inadmissibles. Je représentais pour eux l’horreur même. Pourtant, ils me gardèrent près d’eux, peut-être bien qu’ils craignissent que je ne fasse un faux-pas en dehors de nos lieux. Je ne peux leur en vouloir, l’honneur de notre célèbre nom devait rester intact. Plus ils me cachaient à la vue du monde, plus les risques étaient moindres.
Cependant, il fallut bien un jour me laisser voler de mes propres ailes. Pour ne pas les inquiéter, car je les aimais, j’avais cessé mes amusements. En agissant ainsi, ils pouvaient croire que ce n’était qu’une très mauvaise passe d’un gamin perdu.
Ce que je recherchais en faisant ça, ce n’était pas de faire souffrir, tout au contraire. Je souhaitais ardemment découvrir, explorer, et surtout comprendre le fonctionnement d’un corps qui avait des années de vie. Je ne pourrais pas expliquer cette curiosité qui me traversait dès que je voyais un corps, prêt à être ouvert par mes soins. Le sang ne me faisait pas peur, moins que les coups de mon père quand il me découvrait en pleine ouverture.
Les années passèrent dans notre manoir, celui-ci se décrépitant à petit feu sous les rayons du soleil et des multiples tempêtes qui s’abattirent sur son toit. Innocemment, pendant mon adolescence, j’espérais hériter de cet endroit. Je ne voulais pas être confronté à la dure réalité qu’était la société. Mes rêves enfantins s’envolèrent après une simple discussion nocturne avec mère.
Ma génitrice daignait me regarder pendant que nous parlions près du feu. Il y avait bien des années que je n'avais pas senti son regard sur ma personne. Sa voix chavirait sur plusieurs sujets, des mondanités qui ne m'intéressaient guère. Pourtant, au milieu de cet ennui, elle me parla d'une profession qui, selon elle, devrait me plaire. Les oreilles bien ouvertes, je l'avais écouté avec intérêt. La discussion que nous avions partagé cette nuit-là, réveilla quelque chose en moi.
Un sentiment d'espoir.
Oui, de l'espoir. Enfin de compte, il pouvait y avoir une place, pour un être tel que moi.
Bien sûr j'avais compris les intentions de mère. Malgré son dégoût à mon égard, mon « don » pouvait se révéler avantageux pour la réputation de notre famille.
Je m’étais jeté corps et âme dans les études, oubliant même mes légers dérapages qui s’éloignaient au loin dans ma mémoire. J’étais un nouvel homme, nouvel être. Ma passion grandissante pour la médecine me fit réussir avec brio l’examen final. Avec un diplôme en poche, je pouvais enfin faire ma vie d’adulte accompli, tout en faisant le bien autour de moi. C’était tout ce que je voulais, sauver les autres pour ainsi me sauver.
Ce désir d'aimer l'être humain, le protéger, le soigner, fut bafoué en une seule soirée.
Celle que je n’oublierai jamais.
Annotations