Au lecteur
Oh ! Je vous remercie d’entrouvrir mon recueil,
Et vous accueille ici : vous êtes sur mon seuil.
Éteignez la lumière, parcourez ce chemin
Comme on lisait hier les dorés parchemins,
Les métaux dévorés de secrètes eaux-fortes
Aux dessins abhorrés… Et franchissez ma porte !
Marchez dans l’inconnu vers ce point qui scintille :
C’est la flamme ténue de mon âme qui brille.
Laissez-vous de torpeur lentement envahir.
Oh non, n’ayez pas peur ! Je ne peux vous trahir :
Prenez donc mes larmes, regardez les éclore,
Déposez là vos armes à jamais indolores.
Le décor indistinct doucement évolue,
Votre monde s’éteint et votre temps n’est plus,
Je m’éveille au trépan comme une floraison
Qui s’étend et s’épand. Entrez en ma maison.
Ne soyez pas si blême ou vous serez perdu
Car je le suis moi-même en cet esprit tordu.
Laissez-le vous conter de son inconscient
Laissez-le vous conter qu’il est omniscient
Laissez-le vous vanter de sa sérénité
Laissez-le vous chanter de ses ambiguïtés,
Du trop grand réservoir de l’ondoyant barrage,
C’est l’immense exutoire de ses joies, de ses rages.
Personne n’est serein et vous l’aurez compris,
Vous entrez dans l’airain d’un douloureux esprit,
Mais laissez-vous guider, gardez votre candeur :
Sous les couches oxydées, se cachent des splendeurs
Qui n’ont que l’artifice de la sincérité :
C’est là le sacrifice de la nue vérité,
Vous entrez dans la cour de ce grand labyrinthe
Amis, Lecteurs, Amours, découvrez-moi sans crainte...
De par cet incipit, vous êtes prévenu
Des teneurs des pépites, qu’elles soient pures ou grenues,
Et comme le chardon, un jour, a dû éclore,
Il y a du charbon comme il y a de l’or.
C’est pourquoi de mon crâne aux confins de mes pieds,
De mes mots filigranes couchés sur le papier,
De mes doigts imprécis et ma voix hésitante,
J’épands ma vie ici, vous l’offre pénitente
Comme un oiseau peureux qui ne veut qu’être heureux.
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