Chapitre 2 : Le voyage en charrette
Depuis que j'ai été enlevé à mes parents, il s'est passé treize jours. Je n'ai pas pu écrire avant. bien-sûr l'échange ne s'est pas passé comme prévu. L'envahisseur n'a pas réglé toute sa "dette", il n'a payé que pour deux enfants. Mais à quoi bon se battre, nous ne faisons pas le poids. Un homme âgé du village a essayé d'intervenir et de dire que ça n'était pas ce que nous avions convenu, il a été battu sans ménagement et sans que personne d'autre n'ose intervenir. Je ne sais pas s’il est mort ou s’il s'en est sorti mais ça n'a pas amélioré nos relations. Suite à ce départ, un peu, chaotique, nous avons été entassés dans des charrettes. Nous étions mélangés avec des enfants d'autres villages et il n'y avait pas suffisamment de place pour tout le monde. Ceux qui tombaient de la charrette étaient fouettés et balancés presque inanimés par-dessus les autres enfants. Nos sentiments étaient ambivalents, lorsque c'était possible nous nous aidions, nous nous tenions les uns aux autres et nous nous efforcions à rester souder afin de rester en vie. Par contre, à certains moments, lorsque la route remuait trop, que l'espace devenait de plus en plus vital pour rester sur la charrette, que nous étions en équilibre sur un bord... Il n'y avait plus de solidarité, si quelqu'un devait tomber ça ne devait pas être nous, coûte que coûte!
La première nuit, un enfant a essayé de fuir. Ils l'ont rattrapé. Ils lui ont demandé de retourner avec les autres et ça s'est arrêté là. Tout le monde semblait surpris mais ça nous redonnait une lueur d'espoir sur le comportement de nos tortionnaires. Le lendemain matin, nous étions prêts à repartir lorsque le chef des envahisseurs intervint:
"Il y a eu une tentative de fuite cette nuit! Vous pensiez réellement que nous allions en rester là?"
Trois hommes s'avancèrent vers nous, ils prirent trois enfants au hasard et ils se mirent à les battre avec tout ce qu'ils trouvaient. Le spectacle était horrible, voir ces petits corps blancs se recroqueviller et se casser sous les coups de ces grands hommes noirs était d'une cruauté insoutenable. Au bout d'un moment, ça s'arrêta. Tout le monde était sous le choc. Ils prirent les trois cadavres, les attachèrent entre eux et un quatrième homme attrapa l'enfant qui avait essayé de fuir durant la nuit pour lui attacher les cadavres autour de lui.
"Voilà le poids de ta culpabilité! Aujourd'hui, tu vas marcher derrière la charrette en tractant tes camarades morts. C'est ta punition! Est-ce qu'il y a d'autres volontaires?".
Bien entendu, l'enfant ne put survivre à une telle charge. Il ne termina pas la journée. Il finit par s'évanouir et les envahisseurs lui firent rouler la charrette dessus.
Ce fut la seule tentative d'évasion du trajet.
Je ne vous raconte pas les problèmes d'hygiène que nous avons rencontrés lors de la suite du voyage, mais les conditions de transports étaient vraiment horribles. Cinq enfants supplémentaires moururent avant d'arriver sur le bateau.
Nous venons de quitter le port de Barcelone pour rejoindre l'Afrique et j'ai enfin réussi à trouver un moment pour écrire. Nous sommes entassés dans les cales mais j'ai réussi à me caler dans un coin pour ne pas déranger les autres enfants qui dorment.
Je vais essayer de conserver mon cahier afin de poursuivre mon récit... J'espère ne pas être démasqué avant la fin du voyage.
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