Chapitre 12 - Mutation terrifiante (1/3)
La vibration du pilote automatique réveilla Dicey qui s'était endormi sur le tableau de bord. Bergins était à ses côtés, regardant par le hublot la planète qui approchait. Shad dormait encore dans sa chambre, mais le pilote entendit du mouvement et, quelques minutes plus tard, vit le Zantry les rejoindre.
L’atmosphère de Combalia était très dense et, de ce fait, un brouillard constant plongeait la planète dans une pénombre bleutée. Le soleil passait difficilement sa lumière mais la chaleur était tout de même conservée. Combalia était recouverte de marécages visqueux et de batraciens de plusieurs mètres de haut. La terre étant peu exploitable, personne n’avait osé coloniser cette planète. Le groupe serait donc tranquille pour faire ses recherches, n’ayant à se battre que contre la nature.
Bergins se leva brusquement, et surprit ses coéquipiers.
— Vos ComDevs, vite !
Dicey fut un peu pris de cours mais obtempéra. Le colosse jeta les trois dispositifs au sol et les écrasa un à un. Les ComDevs explosèrent en dégageant un peu de fumée.
— Tout comme le vaisseau, ils auraient pu nous avoir avec ça, il vaut mieux s’en séparer. Nous n’utiliserons plus que celui de Mark.
— Et si jamais on doit se séparer ? Demanda Shad.
— On ne se séparera pas, répondit fermement Bergins.
Dicey acquiesça puis désactiva le pilote automatique pour démarrer l’atterrissage sur la planète. Ce dernier était assez délicat car la zone indiquée par le ComDev de Mark était montagneuse, et le brouillard de Combalia empêchant de bien voir ce qui se passait, il ne voulait pas se risquer à percuter quelque chose.
Aussi Dicey descendit calmement et avec précision, de sorte à pouvoir facilement dévier de trajectoire si une montagne apparaissait par surprise dans la brûme.
Au fur et à mesure, le sol de la planète se dessina à travers le brouillard et bientôt celui-ci s’estompa. Ils avaient atterri près d’un marécage entouré de montagnes rongées par la mousse.
L’eau du marécage était verdâtre et d’énormes nénuphars de plusieurs mètres de circonférence s’étendaient sur la surface. Des moustiques gros comme une main volaient au dessus de l’eau et se faisaient soudainement attrapés par une langue bleue de la taille d’une grosse branche d’arbre. L’atmosphère était lugubre et donnait peu envie de rester.
— Bon, commença Bergins, même si les Ombres Pourpres aurait pu nous pister jusqu’ici, sans la trace de nos ComDevs et de notre vaisseau, on a pas mal de temps devant nous pour faire nos recherches, si tant est qu’ils nous poursuivent toujours.
Dicey et Shad acquiescèrent vivement, puis le pilote s’apprêtait à sortir lorsque le Zantry l’arrêta d’une main sur l’épaule en lui tendant une lotion.
— Je te conseille de t’en mettre si tu ne veux pas finir avec des cloques, dit-il, les moustiques d’ici te prennent un litre de sang par piqûre.
Dicey savait qu’il exaggérait, mais il n’avait tout de même pas envie d’être un gardemanger pour ces bestioles nuisantes. Il s’aspergea avec le produit et se massa le visage, le cou et les mains. Ses acolytes avaient fait de même et ils purent enfin sortir de la navette. Bergins avait leur unique ComDev accroché à son poignet et suivait les coordonnées indiquées.
Celles-ci les menèrent vers l’intérieur du grotte.
Un arbre avait élu domicile autour de cette dernière et ses racines ressortaient sous la pierre comme des milliers de petits pieds. Quelques branches se laissaient aller autour de l’entrée et de la mousse avait recouvert des parties entières de la grotte. Le spectacle donna quelques frissons au pilote qui aurait tout fait pour éviter de rentrer à l’intérieur.
Le marécage près de leur vaisseau semblait encore calme, mais d’énormes bulles sortaient à intervalles réguliers. La faune et la flore de la planète dormaient pour le moment mais elles n’allaient pas tarder à se réveiller.
Bergins avançait d’une allure militaire, sans ciller, tandis que Shad et Dicey restaient légèrement en retrait. L’intérieur de la grotte était sombre et il était impossible de voir.
— Quelqu’un a une HeatX ? Demanda Shad.
— Non, répondit Bergins, sans faire attention à l’expression choquée du Zantry suite à cette réponse, mais on va faire sans.
Il alluma la lampe de son pistolet et continua son chemin, éclairé par la faible lueur du faisceau. Les deux autres l’imitèrent et ce fut maintenant trois jets de lumière qui arpentait la grotte à la recherche d’indices. Les murs de la grotte étaient encore plus effrayant de l’intérieur. L’humidité avait rongé la roche qui apparaissait comme fondue et dégoulinante.
Une odeur de charogne insupportable monta aux narines du pilote qui fut contraint de se boucher le nez, incapable de respirer une telle infection. Bergins semblait ne pas s’en soucier mais Shad afficha une grimâce lorsqu’il la sentie également.
Des rongeurs de la taille de petits chiens se baladaient autour d’eux, sans prêter attention au groupe qui observait les moindres recoins de la grotte.
Au bout d’une centaine de mètres, l’odeur de cadavre se faisait de plus en plus forte et, au moment de tourner dans un couloir sur la droite, Dicey sursauta, stupéfait.
Une demi-douzaine des mêmes gros rats vus précédemment se trouvaient sur le dos, le corps encore en décomposition. Leurs yeux avaient été croqués et des vers s’agglutinaient dans leur bouche et leur gorge. Quelques crânes craquelés de crapauds étaient également présents sur le côté.
— Quelqu’un s’est fait un véritable festin ici, s’exclama Shad.
La véritable question pour Dicey était savoir qui ou quoi vivait ici, pour manger ce genre d’animaux. Les rats de cette taille n’avait pas de prédateur sur la planète. La puanteur des charognes était telle que le pilote avait le visage caché dans son bras et voyait à peine devant lui. Mais l’odeur se faisant de plus en plus forte, il devina que les cadavres se rats continuaient d’affluer un peu plus loin.
— On est vraiment obligés de continuer ? Demanda Dicey avec une once d’espoir.
— Maintenant qu’on a mis la main, dit Bergins, on va devoir rentrer le bras entier. Ça sert à rien de reculer.
Il continua le chemin avec Shad, enjambant les corps décomposés. Dicey réfléchit un instant puis, voyant le spectacle autour de lui, décida de les suivre, non sans exprimer de dégoût. Les couinements des rats encore vivants se répétaient en écho dans la grotte et terrorisait encore plus le pilote.
L’intérieur était un véritable labyrinthe et la faible lueur projetée par les armes des trois mercenaires les forçait à régulièrement s’arrêter pour scruter tous les recoins, au grand désarroi de Dicey qui n’avait qu’une idée en tête : Sortir.
Un long couloir s’ouvrait face à eux et une silhouette énorme apparut. Dicey fut incapable de définir ce qu’il avait devant lui. Quelque chose craqua sous le pied de Bergins et les fit tous sursauter.
Ils s’approchèrent un peu plus et observèrent la chose avec les faisceaux lumineux. Cela semblait être un corps inerte et énorme de reptile. Le corps faisait plusieurs mètres de long et était aussi large qu’un tronc d’arbre.
— Vous pensez que c’est mort ? Fit Dicey, peu rassuré.
Bergins se risqua à toucher la peau gluante de la créature, et sentit le liquide se trouvant à sa surface.
— Ce n’est pas sa peau, déclara le colosse, c’est une mue.
Dicey et Shad se regardèrent, encore moins rassurés par la nouvelle, bien au contraire.
— C’est un serpent ? Demanda le Zantry ?
— Aucune idée, répondit Bergins, je n’en ai jamais vu de cette taille, et encore moins sur cette planète. Ici il y en a, mais ils sont beaucoup plus petits.
Même le colosse, qui jusque là n’avait montré aucun signe de faiblesse, semblait désemparé par la situation très étrange. Un hurlement soudain fit trembler la grotte et glaça le sang de Dicey.
— C’était quoi ce truc ?? S’exclama-t-il de vive voix.
— J’ai peur de comprendre, dit Bergins.
Il arracha un morceau de la mue avec une force inouïe et la fourra dans sa poche.
— On ne devrait pas rester ici, dit l’Humain aux deux autres.
Ils firent demi-tour et passèrent de nouveau par les couloirs jonchés de cadavres répugnants. Ils détalèrent sans faire attention à l’odeur, seulement guidés par la lumière des armes qui clignotait pendant leur course.
La lumière du jour commençait à leur parvenir, mais comme seulement quelques rayons arrivaient à traverser l’atmosphère opaque, ils ne furent pas éblouis.
Ils revinrent en direction du marécage et éteignirent les lampes. La grotte n’avait pas bougé, aussi Dicey fut quelque peu dubitatif
— Vous avez entendu comme moi le cri où j’ai rêvé ?
— Non, non, je l’ai entendu aussi, dit Shad.
— Retournons au vaisseau pour le moment, s’exclama Bergins.
Le groupe traversa de nouveau le marécage calme et monta dans la navette. Dicey remarqua que la mousse avait commencé à ronger la navette de l’extérieur. Il se dit que le groupe ne devait pas s’éterniser sur cette planète, faute de quoi ils feraient eux aussi partie du décor naturel.
Shad s’affala sur la chaise du co-pilote en soufflant. Dicey fit de même. Son coeur battait à grands coups dans sa poitrine. Le cri résonnait encore dans son esprit et lui semblait familier, sans qu’il puisse précisément se rappeler d’où cela venait.
— Qu’est ce qu’on est venu faire ici ? S’exclama soudainement Shad. J’ai l’impression que les endroits les plus hostiles de la galaxie nous sont réservés.
— Notre devoir, mon petit Shad, répondit Bergins sur un ton paternel.
— Et quel devoir ! Allez chercher des bouts de peau de je ne sais quoi au fin fond des marécages puants !
Mais déjà Bergins ne l’écoutait plus. Il avait sorti de sa poche le morceau qu’il avait arraché au long corps inerte dans la grotte et l’observait avec attention. Le colosse tenait sa trouvaille avec deux doigts et plissait légèrement les yeux, visiblement concentré sur la chose.
Il testa la résistance de la matière et la renifla. Dicey le regarda faire, l’esprit encore confus par le cri perturbant entendu dans la grotte. Shad continuait de se plaindre, bien que personne ne lui prête attention.
— Je n’ai jamais rien vu de tel, finit par déclarer Bergins après une bonne dizaine de minutes durant lesquelles il avait effectué toutes sortes d’expériences pour confirmer ou réfuter ses hypothèses. C’est bien une mue, mais la créature à laquelle elle appartient n’est pas un serpent, le corps était beaucoup trop gros.
— Avec la liberté qu’a eu la nature sur cette planète, dit Dicey, tu ne penses pas que des serpents auraient pu muter ?
— J’en doute, répondit Bergins, la longueur pourrait correspondre mais pas la largeur. Puis on en aurait vu d’autres sur le chemin si les serpents avaient élu domicile dans la grotte.
Le pilote parut convaincu par cet argument. Il tourna la tête vers le hublot lorsque le ComDev au poignet de Bergins se mit soudainement à vibrer. Un appel entrant de Mark s’afficha sur l’écran. Le colosse répondit et le visage du mercenaire apparut en hologramme.
— Comment vous en sortez-vous ? Fit le capitaine de la Compagnie de l’Azur.
Bergins sourit et monta le morceau de mue.
— Plutôt pas mal, on a trouvé ça dans une grotte.
— Qu’est ce que c’est ? Demanda Mark, l’air intéressé.
— On dirait une sorte de peau, mais impossible de savoir à qui elle appartient.
— Étonnant, scanne-la moi via le ComDev, je vais essayer de voir ce que je peux dénicher là-dessus.
— Vous n’avez rien trouvé de semblable pendant votre séjour sur la planète ?
— Non, je vous l’ai dis, nous n’avions que peu de temps, j’ai seulement pu détecter des indices, nous n’avons pas pu faire de recherches plus approfondies.
Bergins posa le morceau de mue sur l’écran du ComDev. Un chargement rapide apparut, puis l’Humain rangea la peau dans sa poche.
— C’est fait, dit ce dernier.
— Merci, dit Mark, je vous envoie mes coordonnées. Continuez de chercher ce que vous pouvez puis venez me rejoindre. Ne vous éternisez pas ici.
— Compris, termina Bergins en coupant la communication.
Le visage du mercenaire disparut. Shad regarda d’abord Dicey puis Bergins.
— On fait quoi maintenant ? Demanda-t-il
Le colosse se tourna vers le Zantry et lui offrit un sourire.
— On continue les recherches.
Annotations
Versions