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Les armes retirées, il défit les entraves en portant sa fille, avant de partir sans un regard pour la femme nue restée près d’eux. La petite rousse ne réagissait qu’à peine aux élans de douleur, ce qui inquiétait son père. Une fois hors de vue de la monstruosité, il s’élança, et manqua de percuter Soif au premier tournant. Le dragonien de Vorn invoqua une grande bulle d’eau, et indiqua de placer Ombre dessus. Méfiant, Obtèr obéit, et fut surpris de constater que non seulement, Soif maîtrisait mieux que quiconque la magie, mais en plus il maintenait sa fille en lévitation dans cette eau flottante, qui purifia ses écailles et ses plaies. L’eau rougit rapidement.
Les blessures et les lèvres blêmes d'Ombre témoignaient de son anémie. Obtèr doutait qu’un soigneur humain suffise à la sauver. Et trouver un guérisseur dragonien, mage de surcroît, était impossible à Vorn. Il grinça des crocs à l’idée de la perdre. Dire qu’une quinzaine d’années plus tôt, elle n’était encore qu’un poupon. Et il la perdrait déjà, à cause d’une folle ivre de jalousie et de rumeurs infondées ? Il refoula ses sentiments, qui menaçaient de le ralentir dans ses agissements et ses réflexions.
Ils passèrent par un chemin différent, guidés par Soif. Ce dernier leur fit traverser le cœur de son territoire, où il imposa un court arrêt. Il pointa Ombre et Obtèr du doigt, attirant l’attention de tous les loqueteux écailleux présents. La salle, vaste et circulaire, servait de lieu de vie aux esclaves de Vorn. Les murs étaient couverts de dessins à la craie, un grand feu central illuminait les lieux. Les adultes comme les petits détaillèrent les deux étrangers amenés par leur grand dominant. Ce dernier déploya une aile sans membrane, et l’étendit au-dessus des inconnus. Il claqua des mâchoires, et fit mine d’écarter quelque chose. Tous se soumirent à l’interdiction d’intégrer ces personnes à leur hiérarchie, et le signifièrent en un salut rituel, la tête rentrée dans les épaules, les yeux clos.
Satisfait, Soif reprit sa course. La surface était très proche. Obtèr se demandait ce que signifiaient toutes ces mimiques, ces gestuelles. Pour le moment, tout ce qui l’intéressait se résumait à sauver son enfant. Après deux courts couloirs, ils gravirent de larges escaliers, et Soif pila net devant la porte. Il n’osa pas la toucher, et déposa Ombre au sol avec précautions. Il gardait la bulle d’eau et de sang pour son groupe. Du sang, même dilué ne se refusait pas. Et ce serait parfait avant de venir investir ce nouveau territoire découvert, après le départ de la terreur blonde.
Obtèr remit ses interrogations concernant le comportement de ce dragonien à plus tard, porta de nouveau sa fille et courut. En faisant vibrer son estomac, il demanda par infrasons où trouver le sieur Xavier, toujours entouré de deux soldats écailleux. Ces derniers le guidèrent jusqu’à une salle de garde où l’humain se reposait.
Xavier blêmit en voyant l’esclave de son frère, et comprit sans peine ce qui venait d’arriver. Il bondit sur ses pieds, et lança les ordres. Très vite, ils dressèrent une tente au pied du domaine de Vorn. Le guérisseur rattaché au service de Xavier fut appelé, et arriva en un temps record. Lui aussi pâlit en voyant l’état de la dragonienne, et commença par endiguer les hémorragies, s’étonnant qu’aucune blessure ne soit infectée.
Obtèr surveilla le travail de l’humain. Anxieux, il comprenait à la mine du soigneur que cela dépassait ses compétences, ce qu’il reconnut bien vite. Le cœur manquait de sang à pomper, compensait par une accélération. Pendant que l’humain jugulait les hémorragies et nettoyait les plaies comme il pouvait, Obtèr demanda au sieur :
- Me permettez-vous d’amener un guérisseur ?
- Si vous en trouvez un, oui, naturellement…
Xavier sentait bien que Hubert allait user de magie, risquant un incident diplomatique entre Vorn et Gué-des-Âtres. Mais pour le moment, cela importait peu. Obtèr chercha l’un des sympathisants de Kassia, et lui demanda de lui ouvrir un portail. Leurs ancêtres en avaient disséminé partout sur le continent, il le savait. Le sympathisant trouvé, le soldat lui demanda de l’y conduire et surtout d’animer ce reste de leur passé en ce monde, datant d’une époque où leurs pouvoirs étaient plus puissants et variés. Le sympathisant préférait ne pas connaître les détails, afin de mieux protéger sa cause.
Parvenu aux alentours du château engoncé dans la neige éternelle, Obtèr se rua dans l’un des souterrains menant à l’intérieur, aussi bien pressé de sauver sa fille que de s’abriter du froid extrême. Il se repéra en un temps record, et courut jusqu’à la pièce où son amante surveillait les enfants des lieux.
Là, il se rua sur l’intrigante. Cette dernière fut surprise de voir son amant s’avancer vers elle, l’air fermé. Cette mimique et sa visite impromptue ne lui ressemblaient pas. Il l’attrapa par le poignet, et la traîna de force dans une pièce attenante.
- Mais qu…
- Comment je peux trouver le meilleur guérisseur que tu connaisses ?
- Pardon ?
- Réponds tout de suite, gronda Obtèr.
Kassia tenta de tergiverser, d’en savoir plus, et le soldat lui cracha, tandis qu’un frisson glacial lui traversait les tripes à l’idée du temps perdu :
- Notre fille se meurt ! Où se trouve le meilleur guérisseur que tu connaisses ?
- Je n’ai pas…
- Tu as demandé à l’adopter, c’est ta fille. Maintenant, réponds ou je t’arrache un œil.
Pour dissiper tout doute, il la plaqua contre le mur et, griffes sorties se prépara à mettre sa menace à exécution. Kassia lui donna les indications, qu’il suivit sans plus attendre.
Il rejoignit un maître des portails positionné dans les souterrains d’où il venait, dissimulé derrière un mur creux. Là, il lui tendit la main qui portait l’odeur de Kassia pour lui prouver son appartenance à la cause, et le somma de l’amener jusqu'au guérisseur désigné par leur cheffe.
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