Retour à Vorn 4/7

4 minutes de lecture

Le décolleté carré, aux coutures où se mêlaient des fils d’or et de cuivre sublimaient les écailles basanées d’Ombre. Ses épaules bien développées s’accordaient parfaitement aux bretelles de la robe, et se prolongeaient en des bras harmonieux et fermes, pour s’achever en doigts fins et féminins, aux écailles minuscules.

Contrairement à bien des dragoniennes, et malgré sa musculature épanouie, Ombre possédait un cou de cygne. Venait enfin là où résidait toute sa beauté. Toute sa splendeur et sa magnificence. Son visage. Harmonieux, carré, encadré de longs cheveux roux ondulés, dont une mèche venait toujours caresser l’épaule. Les muscles de la mâchoire lui donnaient des joues pleines. Ses lèvres minces, un peu plus pâles que ses écailles scellaient ses innombrables connaissances, sa mémoire absolue et son intelligence. De cette bouche pouvait sortir une voix au timbre enfantin et innocent, comme grave et sage. Ombre pouvait prendre de nombreuses intonations si l’envie la prenait.

Gérald et Ombre comprirent tous deux qu’il la dévisageait avec trop d’intérêt. Ils s’en rendirent compte ensemble, et la dragonienne pria pour que la duchesse n’aie rien remarqué.

Le promis sourit à Isa.

- Vos tailleurs ont réalisé un travail remarquable.

- Je leur ferait part de votre compliment, doux sire.

La blonde scruta Gérald et Ombre, l’air songeur, puis demanda :

- Vous souvenez-vous du contenu de la lettre d’invitation que je vous ai envoyée ?

- Bien sûr.

Un silence plana, il sentit qu’il devait poursuivre.

- Des rumeurs infondées concernant d’hypothétiques liaisons entre cet animal et moi-même circulent, et je le crains circuleront toujours. Vous souhaitez que je vous raconte la vérité à ce sujet.

- J’en serais soulagée, en effet.

Gérald discourut sur ses relations avec Ombre, strictement professionnelles selon ses dires. Il reconnut avoir apprécié grandir à ses côtés, et désormais se fier à ses talents de bretteuse, ainsi qu’à sa loyauté indéfectible. En tant qu’être inférieur et arriéré, le considérant comme un membre de sa famille, elle ne pouvait que tout mettre en œuvre pour veiller à sa survie, sans pouvoir ne serait-ce qu’imaginer une existence différente.

- Comment pouvez-vous être certain que cette attardée n’obéit qu’à vous, et à vous seul ? insista Isa.

- J’y ai déjà réfléchi, ma mie, la rassura Gérald, cajoleur. Elle sait qu’elle ne doit obéir qu’à ma voix et à mes écrits.

- Et pouvez-vous transmettre votre autorité ?

- En aucun cas. Son intellect ne lui permettrait pas de saisir ce type de nouveauté.

Isa se tourna brusquement vers Ombre, et annonça d’un ton sentencieux :

- Sais-tu que bientôt j’épouserais ton maître ?

Ombre acquiesça. Elle avait commis l’erreur de répondre autrement une décennie plus tôt, et sa chair comme son esprit en portaient la marque. Il n’y aurait pas de seconde fois.

- Bientôt, je détiendrais la même autorité que lui sur toi.

Pour toute réponse, Ombre pencha la tête, l’air absorbée par une réflexion insondable qui la dépassait. Pinçant les lèvres en devinant qu’elle ne pourrait aller jusqu’au bout de son cheminement intellectuel, elle implora en silence l’aide de son Seigneur. Il lui sourit, comme on ne sourit qu’aux idiots avec lesquels on daigne se montrer patient.

- La duchesse Isa voulait te faire une farce. Je demeure le seul en mesure de te donner des ordres.

La dragonienne fit mine de soupirer en silence de soulagement. Les deux humains reprirent leur discussion. Son Seigneur mentait mieux que jamais. Toutefois, il ne s’agissait que du début du séjour. Et son regard l’avait déjà trahi par deux fois. Ombre était bien placée pour savoir que cela pouvait suffire. Rien dans le comportement d’Isa ne laissait trace d’un présage quelconque, et pourtant la garde rapprochée se sentait terrifiée.

Elle éprouvait le besoin de fuir. Peu lui importait que tout semble aller pour le mieux jusqu’à présent. Rien ne laissait soupçonner qu’Isa était une parricide, et une matricide. Rien ne laissait deviner ses déviances et son sadisme. Dire que sa mort pouvait faire exploser tout le royaume. Les seigneuries s’entre-tueraient pour mettre son trésor à sac, et assassiner sa famille lointaine en mesure d’hériter. Et cela mettrait à mal son Seigneur. Elle refusait de le permettre. Il était bien trop engagé, et ferait partie des premières cibles des assassins. Une retraite près de la Faille ne suffirait pas à le protéger, et il ne supporterait pas l’isolement.

L’échange entre les deux promis se poursuivit, et dériva peu à peu. Plus d’une heure s’écoula, sans qu’Ombre ne bouge, lorsque la duchesse se souvint de son existence, et demanda de l’intimité avec son promis.

- Va te rendre utile auprès des chevaux, Ombre, la libéra Gérald.

Elle s’inclina, et retourna dans la bibliothèque. On avait fouillé ses affaires, naturellement. Elle reconnut l’odeur du mercenaire aux cheveux teints, et suivit la piste olfactive, son armure en mains et ses armes de retour contre son corps, prêtes à servir.

Ses cuisses frottaient quand elle marchait, et Ombre détesta cette sensation. Sans compter ses écailles prises dans la dentelle. L’impossibilité de monter à cheval dans cet accoutrement l’agaçait aussi.

La piste odorante mena la dragonienne jusqu’à une salle de réception réaménagée en poste de garde. L'espionne croisa bien plus de serviteurs humains et dragoniens qu’à l’accoutumée, ce qui la mettait mal à l’aise. Malheureusement, elle n’eut pas le loisir de venir voir Soif.

Dans la salle de garde conversait l’une des troupes de mercenaires déguisés en serviteurs. Ils se turent en voyant la porte s’ouvrir sur une dragonienne rousse engoncée dans une robe verte et couverte d'armes, portant une épée de cuivre suspendue à une ceinture ouvragée. Le silence salua l’arrivée d’Ombre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Hilaze ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0